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La Banque du Japon Maintient ses Taux Inchangés, Défiant les Attentes

La Banque du Japon maintient le cap monétaire malgré la faiblesse du yen et les incertitudes. Un pari risqué aux implications majeures pour l'économie nippone. Décryptage d'une décision qui fait débat...

Alors que les observateurs s’attendaient à un changement de cap, la Banque du Japon (BoJ) a créé la surprise jeudi en annonçant le maintien de sa politique monétaire ultra-accommodante. Face à une économie nippone toujours convalescente et une inflation obstinément basse, l’institution a choisi de conserver son taux directeur dans le rouge à -0,1%, une décision à contre-courant des grandes banques centrales mondiales.

Le spectre des « décennies perdues » plane toujours

Traumatisée par les « décennies perdues » des années 1990-2000, la BoJ redoute par-dessus tout un retour de la déflation. Malgré des injections massives de liquidités et des taux négatifs, l’archipel peine à atteindre durablement sa cible d’inflation de 2%. Cette frilosité des prix reflète la faiblesse persistante de la demande intérieure nippone, principal talon d’Achille de la troisième économie mondiale.

Le Japon reste prisonnier d’une spirale déflationniste de laquelle il peine à s’extraire malgré les remèdes de cheval administrés par la BoJ.

Un économiste cité par une source proche du dossier

Pour justifier le statu quo monétaire, le gouverneur de la BoJ Kazuo Ueda a invoqué les « incertitudes élevées » entourant les perspectives économiques du pays. La reprise post-Covid reste poussive et les exportations souffrent de l’atonie de la demande chinoise. Dans ce contexte, un resserrement monétaire pourrait casser les fragiles pousses de croissance.

Un yen affaibli, bénédiction ou malédiction ?

Revers de la médaille, le maintien de l’écart de taux avec les États-Unis exerce une forte pression baissière sur le yen, qui évolue à son plus bas niveau face au dollar depuis novembre. Un yen faible dope traditionnellement les profits des multinationales exportatrices japonaises. Mais il renchérit aussi la facture énergétique du pays et compresse le pouvoir d’achat des ménages, déjà mis à mal par la hausse des prix importés.

Le yen faible est une arme à double tranchant pour l’économie japonaise. Ses bénéfices s’amenuisent à mesure que ses inconvénients s’accroissent.

Propos rapportés d’un cambiste basé à Tokyo

Consciente de ces effets pervers, la BoJ surveille de près l’évolution du yen. Mais pour l’heure, le soutien à l’activité prime. Le gouverneur Ueda a laissé entendre qu’un ajustement de la politique monétaire japonaise n’interviendrait qu’en cas de reprise durable de l’inflation, encore loin d’être acquise malgré les récents frémissements des prix.

Un pari audacieux aux implications incertaines

Le maintien du statu quo monétaire constitue un pari audacieux pour la BoJ, qui s’éloigne du consensus international en faveur de la normalisation. Il témoigne de la priorité absolue accordée à la relance d’une économie japonaise fragile, quitte à tolérer temporairement les distorsions d’un yen sous-évalué. Mais ce choix comporte aussi des risques, notamment celui d’un décrochage durable de la devise nippone qui minerait à terme la confiance des investisseurs.

La BoJ marche sur une ligne de crête étroite. Son approche non-conformiste soulève autant d’espoirs de redressement que de craintes de dérapage.

Analyse d’une source proche des milieux financiers tokyoïtes

Réussir son pari tout en préservant la stabilité financière, tel est le défi d’équilibriste auquel la BoJ est confrontée. Un défi rendu d’autant plus ardu par un environnement international incertain, entre tensions géopolitiques et ralentissement économique mondial. L’institution nippone dispose certes encore d’une marge de manœuvre monétaire importante. Mais son utilisation à contre-temps du reste du monde comporte son lot de périls.

À court terme, le statu quo nippon accentue les pressions baissières sur le yen et haussières sur les taux longs japonais, au risque de déstabiliser le fragile édifice de la dette publique nationale. À plus long terme, il pose la question de la soutenabilité d’une politique monétaire durablement déconnectée des fondamentaux économiques. Autant de défis que la BoJ devra relever avec doigté pour réussir son pari audacieux et sortir l’archipel de son piège déflationniste.

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