Stupeur et inquiétude. L’arrestation du député Andy Kerbrat mardi dernier en possession de 3-MMC, une drogue de synthèse aux effets similaires aux amphétamines, met en lumière un phénomène aussi préoccupant que méconnu : l’explosion de la consommation de Nouveaux Produits de Synthèse (NPS) en France. Un fléau ignoré qui prend des proportions alarmantes.
La pointe émergée de l’iceberg
Le cas du député n’est malheureusement pas isolé. Selon l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (OFDT), les saisies de NPS sont passées de 1170 en 2010 à 3590 en 2021. Une croissance exponentielle qui témoigne de l’ampleur du phénomène. Pourtant, aucune étude épidémiologique d’envergure n’a été diligentée pour quantifier précisément le nombre de consommateurs.
Personne ne veut regarder en face la situation des drogues de synthèse
Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la Maire de Paris
Un défi pour les autorités sanitaires
Produites en laboratoire, les NPS représentent un casse-tête pour les autorités. Leurs compositions chimiques évoluent sans cesse pour contourner la législation. En 2022, l’OFDT répertoriait 368 NPS différents dont 35 nouvelles molécules rien qu’en 2021. Lorsqu’un produit est classé comme illégal, d’autres, aux effets similaires mais à la formule légèrement modifiée, envahissent immédiatement le marché.
Un véritable danger pour les consommateurs selon Jean-Luc Romero-Michel : « La 3-MMC n’existe quasiment plus en France. On a continué à en parler mais ce sont d’autres drogues comme la 2-MMC qui circulent. Vous croyez consommer telle dose de telle drogue mais vous n’en savez rien. » Un flou toxique qui multiplie les risques d’overdoses et de complications sanitaires.
Un trafic 2.0 difficile à endiguer
L’accessibilité déconcertante des NPS constitue un autre défi majeur. Majoritairement vendues sur Internet, parfois même sous le manteau de la légalité pour certaines molécules, elles échappent aux circuits traditionnels. Nul besoin de dealer, une simple commande en ligne suffit pour se faire livrer à domicile. Un trafic en ligne quasi impossible à contrôler pour les forces de l’ordre.
Face à cette nouvelle donne, la législation actuelle semble dépassée. « Les policiers ne vont pas courir après toutes les enveloppes qui arrivent dans les boîtes aux lettres. Cela pose le problème de la loi sur les drogues car ils sont hors des champs d’intervention de la police » souligne Jean-Luc Romero-Michel.
L’urgence d’une réponse globale
Pour endiguer ce fléau, une approche équilibrée et déterminée s’impose. Prévention, soin, réduction des risques mais aussi répression doivent impérativement être menés de front. Un constat que partage l’adjoint à la Mairie de Paris :
Si les politiques ne marchent pas sur leurs deux jambes, prévention et répression, ça ne marche pas. Nous ne nous occupons pas des personnes addictes.
Jean-Luc Romero-Michel
Reste à savoir si les pouvoirs publics prendront enfin la mesure du phénomène. L’affaire Andy Kerbrat aura-t-elle le mérite de briser l’omerta et de provoquer un sursaut ? Les familles endeuillées et les associations de terrain l’espèrent. Il y a urgence. Chaque jour, de nouvelles victimes tombent dans le piège des drogues de synthèse, dans une indifférence quasi-générale. Combien faudra-t-il encore de drames pour que la France regarde enfin cette épidémie en face ?