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Kurdistan Irakien : 4 ONG Proches du PKK Interdites à Souleimaniyeh

Coup de théâtre au Kurdistan irakien : 4 ONG accusées de liens avec le PKK viennent d'être interdites à Souleimaniyeh. Parmi elles, des organisations féministes et médiatiques. Les autorités évoquent des raisons judiciaires, mais des voix s'élèvent pour dénoncer des pressions politiques. Que cache réellement cette décision controversée ?

Dans un rebondissement inattendu, les autorités de Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan autonome dans le nord de l’Irak, viennent de prononcer l’interdiction de quatre organisations. Leur tort ? Des affiliations présumées avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation de combattants kurdes de Turquie, classée comme « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux. Une décision qui suscite l’indignation parmi les militants des droits humains.

Parmi les organisations visées par cette interdiction figurent deux ONG féministes et une maison de production médiatique, selon les révélations du centre METRO pour les droits des journalistes. Ce dernier a organisé une conférence de presse à Souleimaniyeh pour dénoncer ce qu’il considère comme une atteinte à la liberté d’expression et d’association.

Le PKK au cœur des tensions

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) est un acteur majeur du conflit kurde en Turquie depuis des décennies. Il dispose de bases arrières au Kurdistan autonome d’Irak, qui accueille parallèlement depuis 25 ans des dizaines de bases de l’armée turque, engagée dans une lutte acharnée contre cette organisation.

Les autorités de Souleimaniyeh ont longtemps été accusées de tolérer les activités du PKK sur leur territoire. Cependant, ces derniers mois, le gouvernement fédéral irakien a durci le ton envers les combattants kurdes turcs, classant discrètement en mars le PKK comme « organisation interdite » à l’issue d’une visite de hauts responsables turcs à Bagdad.

Une décision judiciaire contestée

Selon le colonel Salam Abdel Khaleq, porte-parole des Assayech (police locale du Kurdistan) à Souleimaniyeh, ces interdictions interviennent « suite à une décision judiciaire irakienne et en raison de l’expiration des licences » des institutions concernées. Une explication qui ne convainc pas les militants des droits humains.

L’interdiction d’une ONG ou organisation médiatique au prétexte qu’elle est proche du PKK est le fruit de pressions extérieures. Cette décision est politique et non judiciaire, nous la condamnons fermement.

Diyar Mohamed, directeur du centre METRO pour les droits des journalistes

Même si ces interdictions sont liées à une décision de la commission électorale irakienne visant des partis accusés de « proximité » avec le PKK, Diyar Mohamed estime que cela reste « injustifiable », les organisations concernées n’ayant aucune « activité partisane ».

« Arrêtez de travailler » : le choc des ONG

Pour Tawar Adel, directrice de la maison de production Gezengi Barbayan, la pilule est difficile à avaler. Le 31 décembre, les forces de sécurité ont débarqué dans les locaux de sa société pour leur intimer l’ordre de cesser toute activité. Et ce, malgré une licence officielle délivrée par le ministère du Commerce du Kurdistan, renouvelée en mai 2024.

Nous avons été surpris par l’interdiction de notre compagnie. Depuis 2017, nous avons la licence officielle du ministère du Commerce du Kurdistan et nous l’avons faite renouveler en mai 2024.

Tawar Adel, directrice de la maison de production Gezengi Barbayan

Vers un durcissement des relations avec le PKK ?

Cette vague d’interdictions intervient dans un contexte de tensions accrues entre l’Irak et le PKK. À la mi-août, la Turquie et l’Irak ont signé un accord de coopération militaire prévoyant l’installation de centres de commandement et d’entraînement communs pour lutter contre l’organisation kurde.

Beaucoup y voient le signe d’un durcissement de la position irakienne et d’une volonté de resserrer l’étau sur les activités du PKK, sous la pression d’Ankara. Une situation qui inquiète les défenseurs des droits humains, craignant une restriction des libertés au nom de la lutte antiterroriste.

Cette décision controversée des autorités de Souleimaniyeh risque donc de raviver les tensions dans cette région du Kurdistan irakien, prise en étau entre les intérêts géopolitiques de la Turquie et la lutte des Kurdes pour leur autonomie. Un nouveau chapitre d’une histoire tourmentée, où la société civile se retrouve souvent en première ligne.

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