Imaginez un pays où le Parlement se réunit tous les deux jours, non pas pour légiférer, mais pour échouer, encore et encore, à élire son président. C’est la réalité du Kosovo en ce mois de juillet 2025, alors qu’une échéance fatidique approche à grands pas. À minuit ce samedi, si aucun président n’est désigné, le pays risque de plonger dans une crise constitutionnelle sans précédent, un chaos institutionnel aux conséquences incertaines. Comment le plus jeune État d’Europe en est-il arrivé là ?
Un Parlement Paralysé par l’Indécision
Depuis les élections législatives de février, le Kosovo est englué dans une impasse politique. Le parti au pouvoir, Vetëvendosje (« Autodétermination »), dirigé par le Premier ministre sortant Albin Kurti, a remporté 48 des 120 sièges au Parlement. Un score impressionnant, mais insuffisant pour obtenir la majorité absolue. Sans partenaire de coalition, le parti se heurte à un mur : impossible d’élire un président ou une présidente de l’Assemblée, une étape indispensable pour former un gouvernement. Résultat ? Les députés se réunissent, votent, échouent, et recommencent. À ce jour, 51 tentatives ont été vaines.
« C’est sans précédent, le chaos pourrait être infini car la constitution ne dit pas quoi faire ensuite. »
Mazllum Baraliu, professeur de droit constitutionnel
La Cour constitutionnelle a tenté de débloquer la situation en imposant, le 26 juin, un ultimatum de 30 jours pour élire un président. Mais à l’approche de l’échéance, la division est plus profonde que jamais. Les 120 députés, censés incarner la volonté populaire, semblent incapables de s’entendre, transformant l’hémicycle en une arène de désaccords stériles.
Une Crise Historique aux Racines Profondes
Pourquoi une telle paralysie ? Pour comprendre, il faut remonter à l’histoire récente du Kosovo. Indépendant depuis 2008 après une séparation tumultueuse de la Serbie, le pays est encore en quête de stabilité institutionnelle. Les tensions ethniques, les défis économiques et les relations complexes avec l’Union européenne pèsent lourd sur le climat politique. Vetëvendosje, avec son discours progressiste et nationaliste, a galvanisé une partie de la population, mais ses positions tranchées compliquent les alliances.
La crise actuelle dépasse les simples querelles partisanes. Elle met en lumière une fragilité structurelle : la Constitution, bien qu’essentielle, reste muette sur la marche à suivre si le Parlement échoue à élire son président après l’ultimatum. Ce vide juridique alimente l’incertitude et ouvre la porte à des scénarios imprévisibles.
Fait marquant : Depuis février, le Parlement kosovar a tenu 51 sessions infructueuses pour élire un président, un record d’inefficacité politique.
Les Conséquences d’un Échec Institutionnel
Si l’échéance de minuit passe sans élection, le Kosovo risque de s’enfoncer dans une crise institutionnelle d’une ampleur inégalée. Sans président d’Assemblée, aucun gouvernement ne peut être formé, paralysant les institutions. Cela signifie un arrêt des réformes, une incapacité à voter des lois, et une perte de crédibilité sur la scène internationale. Mais les répercussions ne s’arrêtent pas là.
Le Kosovo est déjà sous le coup de sanctions européennes, imposées en raison de tensions persistantes avec la Serbie et d’un manque de progrès dans le dialogue régional. Cette situation fragilise encore davantage ses chances d’avancer vers une adhésion à l’UE, un objectif pourtant central pour le pays. Comme le souligne un économiste local, les citoyens risquent de payer le prix fort de cette instabilité.
« Ce sont les citoyens qui vont payer le prix le plus fort de cette expérience politique. »
Safet Gerxhaliu, professeur d’économie
Sur le plan économique, les conséquences pourraient être désastreuses. Une chercheuse du Groupe d’études politiques et économiques estime que le pays pourrait perdre jusqu’à 883 millions d’euros, des fonds prévus dans le cadre du plan de croissance de l’UE pour les Balkans occidentaux. Ces fonds, essentiels pour le développement, pourraient être réattribués à d’autres pays si le Kosovo ne parvient pas à stabiliser ses institutions.
Un Cirque Politique sous les Yeux des Citoyens
La frustration grandit parmi la population. Les observateurs locaux n’hésitent pas à qualifier le Parlement de « cirque », où les élus semblent plus préoccupés par leurs luttes internes que par le bien-être du pays. Cette image a été renforcée par des actions symboliques, comme celle d’un avocat qui s’est rasé le crâne devant l’Assemblée pour dénoncer l’inaction des députés, ou encore par l’arrivée d’ânes devant le bâtiment, une métaphore cinglante de l’opinion publique.
Pourtant, malgré cette colère, aucune manifestation d’ampleur n’a encore éclaté. Les Kosovars, habitués aux crises, semblent attendre un dénouement, mais l’inaction prolongée pourrait changer la donne. La présidente Vjosa Osmani a tenté une dernière manoeuvre en demandant à la Cour constitutionnelle de clarifier les conséquences d’un échec post-ultimatum, dans l’espoir d’éviter un désastre institutionnel.
Enjeu | Conséquence |
---|---|
Paralysie parlementaire | Aucun gouvernement formé, arrêt des réformes |
Sanctions européennes | Retard ou perte de fonds de l’UE |
Vide constitutionnel | Chaos institutionnel, incertitude juridique |
Un Avenir Incertain pour le Kosovo
Que se passera-t-il si le délai de minuit est dépassé ? Même le Premier ministre Albin Kurti, habituellement loquace, admet ne pas avoir de réponse. Cette incertitude reflète l’ampleur du défi. Le Kosovo, déjà fragilisé par son histoire et ses relations tendues avec ses voisins, se trouve à un carrefour. Une résolution rapide semble improbable, mais l’espoir réside peut-être dans une prise de conscience collective des élus.
Pour l’heure, les Kosovars observent, entre frustration et résignation, un spectacle politique qui menace de faire dérailler leur jeune démocratie. Les prochains jours seront cruciaux, non seulement pour l’avenir du Parlement, mais pour la stabilité d’un pays qui aspire à trouver sa place sur la scène européenne.
En résumé :
- Le Kosovo risque une crise constitutionnelle si aucun président d’Assemblée n’est élu d’ici minuit samedi.
- Le Parlement est paralysé depuis février, avec 51 échecs consécutifs.
- Les conséquences incluent un chaos institutionnel et la perte potentielle de 883 millions d’euros de fonds européens.
- La population, frustrée, attend des solutions, mais les élus restent divisés.
Le Kosovo se tient au bord d’un précipice politique. Les heures qui viennent pourraient redéfinir son avenir, pour le meilleur ou pour le pire. Une chose est sûre : le monde observe, et les Kosovars méritent mieux que ce « cirque » institutionnel.