C’est dans une ambiance électrique que s’est ouvert mardi le procès de Kizza Besigye, figure emblématique de l’opposition en Ouganda, devant une cour martiale de Kampala. Âgé de 68 ans, cet ancien colonel est poursuivi pour possession d’armes et d’autres délits, des accusations qu’il rejette en bloc. Mais au-delà des faits qui lui sont reprochés, c’est tout le dur combat de l’opposition face au régime du président Yoweri Museveni qui semble être jugé.
Un enlèvement en plein Nairobi
Tout a commencé il y a un an, lorsque Kizza Besigye a mystérieusement disparu alors qu’il se trouvait à Nairobi, la capitale du Kenya voisin. Selon sa femme et des ONG de défense des droits humains, il aurait été kidnappé en marge de la sortie d’un livre de l’avocate et opposante kényane Martha Karua.
Après de vives protestations de la communauté internationale, il a finalement refait surface… menottes aux poignets et sous escorte des forces de sécurité ougandaises, direction la prison. Depuis, il croupit derrière les barreaux en attendant son procès.
Avocats malmenés à l’ouverture du procès
Et les premiers instants de l’audience de mardi n’ont fait que confirmer les craintes de ses soutiens. Alors que Kizza Besigye comparaissait aux côtés de son co-accusé Obeid Lutale et de plusieurs de ses avocats dont Martha Karua, venue du Kenya malgré les tentatives des autorités ougandaises de l’empêcher d’exercer, des échauffourées ont rapidement éclaté.
Selon les dires de l’avocat Erias Lukwago, des militaires ont tenté de bloquer l’entrée des représentants de Kizza Besigye au tribunal. L’un d’eux, Eron Kiiza, a même été violemment malmené avant d’être « envoyé au banc des accusés pour y rejoindre Besigye et Lutale, accusé de mauvaise conduite ».
Nous dénonçons les mauvais traitements infligés aux avocats, amis et proches des accusés par le tribunal militaire et nous ne nous rendrons pas tant que les deux accusés n’auront pas obtenu justice.
Erias Lukwago, avocat de Kizza Besigye
25 ans d’opposant, 25 ans de brimades
Pour Kizza Besigye, ce procès sous haute tension n’est malheureusement que le dernier épisode en date d’un long calvaire. Cela fait maintenant 25 ans que cet ancien médecin personnel du président Museveni a osé claquer la porte du pouvoir pour embrasser l’opposition et dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. 25 ans qu’il subit intimidations, arrestations arbitraires et procès en tout genre. Son tort ? Continuer de défier celui qui règne sans partage sur l’Ouganda depuis 1986.
Durcissement à l’approche des élections
Et à l’approche des prochaines élections, dont le président Museveni vient d’ailleurs d’annoncer le lancement du processus ce jeudi, la répression contre toutes les voix dissidentes semble s’intensifier. Kizza Besigye n’est pas le seul dans le collimateur du régime. Ces derniers mois, militants, artistes engagés ou simples citoyens un peu trop critiques ont été la cible d’une campagne d’intimidation sans précédent.
Face à cette dérive autoritaire, la communauté internationale, si prompte à donner des leçons de démocratie, reste bien silencieuse. Peur de froisser un allié stratégique ? Lassitude face à un pouvoir qui semble ne plus vouloir jouer le jeu ? Toujours est-il que sans une pression ferme de l’extérieur, le sort de Kizza Besigye, comme celui de tous les Ougandais aspirant au changement, risque bien de se jouer à huis clos. Dans l’indifférence et l’impunité.