Imaginez la banque centrale la plus puissante du monde dirigée par un homme qui n’a jamais hésité à défendre Donald Trump, même quand les chiffres disaient le contraire. C’est exactement ce qui pourrait arriver dans quelques mois.
Mardi, à la Maison Blanche, le président élu a présenté Kevin Hassett comme le « potentiel président de la Fed ». Un signal fort. Jerome Powell, l’actuel patron, voit son mandat expirer en mai 2026, et tout indique que Trump veut installer un allié de longue date à sa place.
Un fidèle devenu favori incontesté
Kevin Hassett, 62 ans, n’est pas un inconnu dans l’entourage Trump. Il a déjà occupé le fauteuil de directeur du Conseil économique national pendant le premier mandat. Un poste stratégique où il a été l’un des principaux architectes de la réforme fiscale de 2017.
Depuis l’élection, son nom revenait avec insistance. Mais c’est désormais officiel : il est le dernier candidat sérieux en lice. Trump adore les surprises, certes, pourtant cette fois l’affaire semble entendue. Reste le vote du Sénat, à majorité républicaine, qui ne devrait poser aucun problème.
Un parcours 100 % républicain
« Kevin a été fantastique. Il comprend l’économie mieux que quiconque. » > Donald Trump, décembre 2025
Docteur en économie, Hassett a conseillé plusieurs candidats républicains avant Trump : John McCain, George W. Bush, Mitt Romney. Il a aussi travaillé dans les années 1990… à la Fed elle-même, comme économiste. Ironie du sort.
Longtemps chercheur à l’American Enterprise Institute, think tank conservateur très influent, il a ensuite rejoint le fonds d’investissement de Jared Kushner après avoir quitté la Maison Blanche en 2019. Un réseau solide, une loyauté sans faille.
Un défenseur acharné, même quand les chiffres dérangent
Hassett s’est fait une spécialité : présenter toujours le verre à moitié plein, même quand il est presque vide. Inflation qui repart à la hausse depuis avril ? Il assure que tout est sous contrôle. Créations d’emplois décevantes ? Il minimise et vante les mérites du protectionnisme.
Pire, cet été, lorsque les chiffres officiels du marché du travail ont montré un net ralentissement, Trump a accusé l’agence de statistiques de manipuler les données. Hassett a pris sa défense publiquement. Un positionnement qui a choqué une large partie de la communauté des économistes, attachée à l’indépendance des statistiques officielles.
La Fed dans le viseur depuis des années
Trump n’a jamais caché son envie de voir la Fed baisser massivement les taux d’intérêt. Pendant son premier mandat, il avait même menacé de limoger Jerome Powell – chose juridiquement très compliquée.
Hassett, lui, a multiplié les piques. Il a récemment ironisé sur le coût des travaux de rénovation du siège de la Fed à Washington, suggérant que cela pourrait justifier un renvoi de Powell. Un sourire en coin, toujours.
Car l’homme cultive une image décontractée : lunettes rectangulaires, yeux rieurs, blagues sur ses prétendus talents de basketteur (il se vante de ne jamais rater un tir). Un style qui contraste avec la gravité habituelle des banquiers centraux.
Que changerait vraiment un président Hassett ?
La Fed est une institution collégiale. Un seul homme, même président, ne peut imposer sa volonté. Le comité vote à la majorité, et les gouverneurs sont nommés pour 14 ans précisément pour limiter l’influence politique.
Cela dit, le président fixe l’agenda, choisit les sujets de discussion, et surtout nomme les vice-présidents et les nouveaux gouverneurs au fil des vacances de postes. À moyen terme, l’impact peut être considérable.
Surtout, Hassett arriverait avec un mandat clair : taux plus bas, rapidement. Il a toujours défendu une politique monétaire très accommodante. Dans un contexte où l’inflation reste au-dessus de l’objectif de 2 %, cela pourrait créer des tensions sérieuses au sein du comité.
Les marchés surveillent déjà : les rendements obligataires ont légèrement monté depuis l’annonce, signe que les investisseurs anticipent une Fed plus souple… et donc un dollar plus faible à terme.
Un test pour l’indépendance de la Fed
Depuis 1913, la Réserve fédérale a été conçue pour être protégée des pressions politiques. C’est cette indépendance qui lui a permis de reprendre le contrôle de l’inflation dans les années 1980 sous Paul Volcker, au prix d’une récession sévère.
Nommer un proche de Trump à sa tête serait un signal fort. Même si Hassett jure qu’il respecterait cette indépendance, ses prises de position passées laissent planer le doute.
Beaucoup d’économistes craignent un retour des années 1970, quand la Fed, sous pression politique, avait laissé l’inflation s’emballer.
Et si le Sénat disait non ?
Théoriquement possible, mais peu probable. Les républicains détiennent la majorité, et Hassett a déjà été confirmé sans difficulté pour son poste au Conseil économique national en 2017.
Quelques sénateurs modérés pourraient poser des questions sur son indépendance, mais la discipline de parti devrait l’emporter. Le vote pourrait intervenir dès le printemps 2026.
En attendant, les spéculations vont bon train sur les autres postes clés : vice-président, gouverneurs. Trump a déjà promis de « nettoyer » la Fed. Hassett pourrait être le premier domino.
Conclusion : un tournant historique en vue
Si Kevin Hassett prend les commandes de la Fed, ce sera la première fois qu’un président aussi clairement aligné sur la Maison Blanche accédera à ce poste depuis des décennies.
Les marchés, les entreprises, les ménages du monde entier retiendront leur souffle. Car une Fed plus politique, c’est potentiellement une inflation plus dure à juguler, un dollar plus volatil, et des taux qui pourraient rester bas trop longtemps.
Une chose est sûre : 2026 s’annonce comme une année charnière pour l’économie américaine… et mondiale.
À suivre de très près.









