Il y a un an, les rues de Nairobi s’embrasaient. Des milliers de jeunes, portés par une colère collective, ont défié l’ordre établi pour s’opposer à un projet de loi controversé. Ces manifestations, menées par la Gen Z kényane, ont marqué un tournant dans l’histoire du pays. Mais aujourd’hui, alors que les élections de 2027 approchent, ce mouvement autrefois uni semble se fissurer. Entre ceux qui s’engagent dans la politique traditionnelle et ceux qui veulent transformer le système de l’extérieur, quel avenir attend cette jeunesse audacieuse ?
Une Révolte Historique Portée par la Jeunesse
L’été 2024 restera gravé dans les mémoires kényanes. Un projet de loi des finances, visant à augmenter les impôts dans un pays où la pauvreté touche 40 % de la population, a déclenché une vague de protestations sans précédent. Ce n’était pas une révolte ordinaire : sans leader officiel, sans affiliation politique traditionnelle, elle a réuni des jeunes de toutes origines, transcendant les divisions ethniques et géographiques qui structurent habituellement la politique kényane.
Le point culminant de ce mouvement, le 25 juin 2024, a vu des milliers de manifestants envahir le Parlement à Nairobi. Leur action a forcé le président William Ruto à retirer le projet de loi, une victoire retentissante pour cette génération née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010. Mais cette victoire a eu un coût : une répression brutale, avec 60 morts et des dizaines de disparus, selon les estimations.
La violence de l’État a été brutale et traumatisante. Elle visait à nous intimider, mais elle a révélé le désespoir d’un système qui s’accroche au pouvoir.
Une jeune militante, 28 ans
Un Mouvement Sans Leader, mais Uni
Ce qui a rendu ces manifestations uniques, c’est leur caractère spontané. Contrairement aux mouvements politiques traditionnels au Kenya, souvent marqués par des rivalités ethniques, la Gen Z a su fédérer autour d’une cause commune : le rejet d’un système perçu comme corrompu et déconnecté des réalités quotidiennes. Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé, permettant aux jeunes d’organiser des campagnes, de collecter des fonds pour les blessés et de coordonner un soutien juridique pour les manifestants arrêtés.
Pour beaucoup, cette révolte a été un révélateur. Les jeunes Kényans, souvent marginalisés dans un pays où la politique est dominée par une élite vieillissante, ont prouvé qu’ils pouvaient faire plier le gouvernement. Mais après cette victoire, le mouvement a commencé à montrer des signes de division.
Des Chemins qui Divergent
Un an après, la jeunesse kényane se trouve à un carrefour. Certains, comme une figure emblématique du mouvement, ont choisi d’intégrer la politique traditionnelle. Ce jeune homme, connu pour ses discours enflammés, s’est rapproché d’un vétéran de l’opposition, une décision qui a surpris et déçu beaucoup de ses anciens camarades. Pour lui, rejoindre un parti établi est une stratégie pragmatique pour influencer le système de l’intérieur.
Si vous allez faire de la politique, alors faites-la correctement. Le mouvement était trop désorganisé pour provoquer un changement durable.
Un ancien manifestant, 27 ans
Cette démarche divise. Pour certains, s’associer à l’élite politique, souvent critiquée pour sa corruption, revient à trahir les idéaux du mouvement. D’autres, au contraire, y voient une opportunité de porter la voix de la jeunesse dans les sphères du pouvoir.
Refuser le Système ou le Transformer ?
D’autres jeunes leaders, comme une militante de 28 ans, rejettent toute compromission avec les partis traditionnels. Pour elle, la Gen Z doit rester fidèle à ses racines contestataires et viser une transformation radicale du système. Elle souligne que de nombreux jeunes se préparent à briguer des postes politiques, des assemblées locales au Parlement, sans s’aligner sur les partis dominants, souvent perçus comme gangrénés par la corruption.
Cette division reflète un débat plus large : faut-il réformer le système de l’intérieur ou le renverser de l’extérieur ? Les deux camps s’accordent sur un point : la jeunesse doit jouer un rôle central dans l’avenir politique du Kenya. Mais les moyens d’y parvenir divergent.
Les jeunes Kényans se préparent pour 2027, mais leurs visions divergent : certains veulent réformer, d’autres révolutionner. Une chose est sûre : ils ne se contenteront plus d’être spectateurs.
Les Leçons d’une Révolte
Les manifestations de 2024 ont transformé la jeunesse kényane. Confrontés aux gaz lacrymogènes et à la répression, ces jeunes ont acquis une expérience précieuse. Ils ont appris à s’organiser, à mobiliser des ressources et à faire entendre leur voix. Cette maturité politique se traduit aujourd’hui par une ambition nouvelle : prendre le pouvoir, non pour intégrer un système défaillant, mais pour le redéfinir.
Pour beaucoup, les élections de 2027 seront un moment décisif. Les jeunes candidats, issus des rangs des manifestants, pourraient bouleverser le paysage politique kényan. Ils portent en eux l’espoir d’une gouvernance plus transparente, plus inclusive et plus proche des besoins de la population.
Les Défis à Venir
Malgré cet élan, les obstacles restent nombreux. La répression brutale de 2024 a laissé des cicatrices, tant physiques que psychologiques. Les disparus, les blessés et les familles endeuillées rappellent le coût de la contestation dans un pays où les forces de l’ordre n’hésitent pas à user de la violence. De plus, la corruption, profondément enracinée dans le système politique, représente un défi de taille pour les jeunes aspirants au changement.
Pourtant, l’énergie et la détermination de la Gen Z restent intactes. Leur capacité à mobiliser les réseaux sociaux, à organiser des campagnes et à fédérer des soutiens internationaux pourrait leur donner un avantage dans la course électorale. Mais pour réussir, ils devront surmonter leurs divisions internes et définir une stratégie claire.
Vers une Révolution Électorale ?
À l’approche des élections de 2027, une question domine : la jeunesse kényane parviendra-t-elle à transformer sa colère en pouvoir politique ? Les divergences au sein du mouvement pourraient affaiblir leur impact, mais elles témoignent aussi de la richesse et de la complexité de cette génération. Que ce soit en rejoignant les partis établis ou en défiant le système de l’extérieur, les jeunes Kényans sont déterminés à ne plus être relégués au second plan.
Leur combat ne se limite pas à une élection. Il s’agit de redéfinir l’avenir d’un pays où la pauvreté, la corruption et les inégalités restent des défis majeurs. Comme le souligne une militante : « La prochaine élection ne sera pas seulement un vote. Ce pourrait être le moment où nous reprenons notre futur en main. »
Défis | Solutions envisagées |
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Corruption politique | Promouvoir des candidats indépendants et transparents |
Répression policière | Renforcer les campagnes pour la justice et les droits humains |
Divisions internes | Créer des plateformes de dialogue pour unifier les stratégies |
Les manifestations de 2024 ont planté une graine. Reste à savoir si elle germera en un mouvement politique durable ou si elle sera étouffée par les défis du système. Une chose est certaine : la Gen Z kényane a prouvé qu’elle pouvait changer la donne. Les prochaines années diront si elle saura transformer cette énergie en un véritable renouveau pour le Kenya.