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Kenya informé de l’arrestation de l’opposant ougandais Besigye

Le gouvernement ougandais affirme que le Kenya était complice de l'arrestation controversée de Kizza Besigye, figure de l'opposition. Un enlèvement selon sa femme, qui soulève des inquiétudes sur la répression politique dans la région.

L’arrestation de l’opposant historique ougandais Kizza Besigye au Kenya soulève des questions sur la coopération entre les deux pays dans la répression de voix dissidentes. Selon un porte-parole du gouvernement ougandais, les autorités kényanes étaient bien au courant de cette opération, qualifiée de “kidnapping” par l’épouse de Besigye.

Un “enlèvement” orchestré main dans la main ?

Chris Baryomunsi, représentant du pouvoir ougandais, a affirmé sans détour que l’arrestation et le transfert du Dr Besigye ont été menés en étroite coordination entre l’Ouganda et le Kenya. Une version contredisant celle avancée par Nairobi, qui niait toute implication dans cet incident “regrettable” et disait avoir ouvert une enquête.

Il n’est pas possible qu’une arrestation ait lieu dans le pays, en particulier à Nairobi, et que le suspect soit transféré au-delà des frontières sans que les institutions kényanes en soient informées.

Chris Baryomunsi, porte-parole du gouvernement ougandais

Pour Kampala, la complicité des autorités kényanes ne fait aucun doute. “Sans l’implication du Kenya, il n’aurait pas été possible de faire passer Besigye en Ouganda”, a martelé M. Baryomunsi. Pourtant Nairobi assure n’avoir été mis au courant de rien.

Un opposant devant la cour martiale

Arrêté le samedi 29 octobre à Nairobi, Kizza Besigye, ancien médecin personnel du président Yoweri Museveni devenu son principal opposant, a été présenté mercredi devant un tribunal militaire de Kampala. Accusé de détention illégale d’armes et de tentative de déstabilisation, il conteste la légalité des poursuites engagées et demande à être jugé par une cour civile.

En attendant son procès fixé au 2 décembre, le leader de 66 ans croupit à la prison de haute sécurité de Luzira. Une situation “extrêmement préoccupante” aux yeux d’un porte-parole du secrétaire général des Nations Unies Antonio Gutteres.

Condamnations internationales

De nombreuses organisations de défense des droits humains ont vivement critiqué l’arrestation extrajudiciaire de Besigye. Amnesty International y voit le signe d’“une tendance croissante et inquiétante de répression transnationale” de la part des autorités kényanes. Une analyse partagée par le Réseau de solidarité avec les dirigeants d’opposition panafricains.

D’autant que ce n’est pas un cas isolé. En septembre, le Kenya avait déjà reconnu avoir permis le rapatriement forcé de quatre réfugiés turcs, enlevés à Nairobi sans aucune procédure légale. Un modus operandi qui rappelle étrangement celui utilisé pour Besigye.

L’Ouganda pointé du doigt

Au-delà du rôle trouble joué par le Kenya, c’est bien le régime ougandais du président Museveni qui cristallise les critiques. Au pouvoir depuis 1986, l’homme fort de Kampala est régulièrement épinglé pour ses atteintes aux libertés fondamentales et sa féroce répression de toute opposition.

Des dérives autoritaires dénoncées tant par les ONG que par les chancelleries occidentales, sans grand effet jusqu’à présent. L’affaire Besigye illustre une fois encore les méthodes brutales employées par le régime pour faire taire ses détracteurs, y compris en dehors des frontières nationales.

Le spectre d’une déstabilisation régionale

Au-delà du sort personnel de Kizza Besigye, c’est la stabilité de toute la région qui pourrait être menacée par ce genre de pratiques. En bafouant l’état de droit et la souveraineté de ses voisins, le régime ougandais joue avec le feu et risque d’attiser les tensions.

Le manque de réaction ferme de la part de la communauté internationale est également pointé du doigt. Beaucoup s’inquiètent qu’en laissant les autorités de Kampala agir en toute impunité, on envoie un très mauvais signal aux autres dirigeants tentés par la dérive autoritaire.

Pour l’heure, tous les regards sont tournés vers le procès de Kizza Besigye début décembre. Un test grandeur nature pour la justice ougandaise, dont l’indépendance et l’impartialité sont fortement remises en question. Mais aussi un baromètre des relations entre Kampala et Nairobi, soupçonné d’avoir prêté main forte à la répression des voix dissidentes.

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