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Kenya : Budget 2025, Éviter une Nouvelle Crise

Le Kenya présente un budget 2025 prudent pour éviter les émeutes de 2024. Mais la colère gronde face à la répression et à la crise. Que va-t-il se passer ?

En juin 2024, les rues de Nairobi s’embrasaient. Des milliers de Kényans, exaspérés par un projet de loi de finances prévoyant des hausses d’impôts sur des produits du quotidien, prenaient d’assaut le Parlement. La réponse des autorités fut brutale : au moins 60 morts, des dizaines de disparus, et une répression qui a marqué les esprits. Un an plus tard, le gouvernement kényan présente son budget 2025 dans un climat de tension palpable. Comment éviter une nouvelle explosion sociale tout en répondant aux défis économiques d’un pays lourdement endetté ? Cet article plonge dans les enjeux de ce budget, les leçons des violences passées, et les défis qui attendent le Kenya.

Un Budget sous Haute Surveillance

Ce jeudi, le Parlement kényan examine un projet de loi de finances très attendu. Contrairement à l’année dernière, le gouvernement a opté pour la prudence. Pas de hausses massives d’impôts pour les ménages, mais un recentrage sur les entreprises et une tentative de réduire les dépenses publiques. Cette stratégie vise à apaiser une population déjà à bout face à la flambée du coût de la vie et à un marché de l’emploi stagnant.

Le Kenya, puissance économique régionale, fait face à des défis colossaux. Avec une dette publique écrasante, le pays consacre plus d’argent au remboursement des intérêts de ses emprunts qu’aux secteurs cruciaux comme la santé ou l’éducation. Le gouvernement cherche donc à augmenter ses revenus sans provoquer la colère des citoyens, un équilibre délicat dans un contexte de méfiance généralisée.

Retour sur la Crise de 2024

L’année dernière, le projet de loi de finances 2024 avait mis le feu aux poudres. En prévoyant des taxes sur des biens de première nécessité, il avait cristallisé la frustration d’une population confrontée à une crise économique persistante. Les manifestations, menées en grande partie par une jeunesse désabusée, avaient culminé le 25 juin 2024, lorsque des milliers de personnes ont envahi le Parlement à Nairobi. Le président William Ruto, sous pression, avait finalement retiré le texte.

« Nous venons nous battre pour notre pays », déclarait Tupac Thuku, 21 ans, lors d’une manifestation récente à Nairobi.

Mais ce recul avait un coût. Les affrontements avec les forces de l’ordre ont fait au moins 60 morts, selon les estimations officielles, et des dizaines de personnes ont été arrêtées ou portées disparues. Les organisations de défense des droits humains dénoncent des détentions illégales et des cas de disparitions forcées, qui continuent d’alimenter la défiance envers les autorités.

Un Budget recentré sur les Entreprises

Pour 2025, le gouvernement a tiré les leçons de cette crise. Plutôt que d’imposer de nouvelles taxes aux consommateurs, il cible les entreprises, avec des mesures comme l’augmentation des impôts sur le revenu des sociétés et la suppression de certaines exonérations fiscales. Les petites et moyennes entreprises (PME), souvent considérées comme le moteur de l’économie kényane, pourraient toutefois souffrir de ces changements.

Les principales mesures du budget 2025 :

  • Augmentation des contributions sociales pour les employés et les employeurs.
  • Suppression des exonérations fiscales pour certaines grandes entreprises.
  • Réduction des dépenses publiques pour limiter le déficit.
  • Fermeture des échappatoires fiscales pour augmenter les recettes.

Ces mesures, bien que moins impopulaires que les taxes sur les ménages, ne font pas l’unanimité. Les entreprises, déjà sous pression dans un contexte économique difficile, risquent de répercuter ces coûts sur les consommateurs ou de réduire leurs effectifs. « Le budget cherche à éviter la controverse, mais il sera difficile pour les entreprises de l’accepter », explique Patricia Rodrigues, analyste chez Control Risks.

La Dette, un Fardeau Incontournable

Le Kenya est confronté à une dette publique colossale, contractée auprès de bailleurs internationaux comme la Chine ou le Fonds monétaire international (FMI). En 2025, le paiement des intérêts représente une part plus importante du budget que les investissements dans la santé ou l’éducation. Cette situation limite la marge de manœuvre du gouvernement, qui cherche un nouvel accord avec le FMI pour obtenir un prêt supplémentaire.

La Banque mondiale, dans ses dernières prévisions, a abaissé ses attentes de croissance pour le Kenya, passant de 5 % à 4,5 % pour 2025. Ce ralentissement économique complique encore davantage la gestion des finances publiques. Le pays doit trouver un moyen de relancer son économie tout en répondant aux besoins de sa population, une équation complexe.

Violences Policières : Une Colère Persistante

Si le budget 2025 est conçu pour éviter les tensions, d’autres facteurs continuent d’alimenter la grogne. Les violences policières, en particulier, restent un sujet brûlant. Cette semaine, la mort d’Albert Ojwang, un homme arrêté après avoir critiqué un haut responsable de la police, a suscité une vague d’indignation. Retrouvé mort en cellule, son décès a d’abord été présenté comme un suicide, avant qu’une autopsie ne révèle des signes d’agression.

« Ce décès est déchirant et inacceptable », a déclaré le président William Ruto, sous pression face à la colère populaire.

Cet incident n’est pas isolé. Les manifestations de ce jeudi à Nairobi, bien que moins nombreuses que l’année précédente, ont vu des affrontements avec les forces de l’ordre, qui ont utilisé des grenades lacrymogènes. Les manifestants demandent des comptes, notamment la démission d’un haut responsable policier, Eliud Kipkoech Lagat.

La Répression des Voix Critiques

Le climat de répression s’intensifie au Kenya. Fin mai, une développeuse informatique a été arrêtée pour avoir créé une plateforme critiquant le projet de loi de finances 2025. Accusée de cybercriminalité, elle a dénoncé un texte qui, selon elle, menace le pouvoir d’achat et la vie privée des Kényans. Cet épisode illustre une tendance inquiétante : les autorités cherchent à faire taire les voix dissidentes.

Dans un pays où la jeunesse utilise de plus en plus les réseaux sociaux pour s’exprimer, cette répression pourrait avoir des conséquences à long terme. Les Kényans, en particulier les plus jeunes, se sentent exclus d’un système politique marqué par la corruption et l’inaction face à leurs préoccupations.

Perspectives pour 2025 : Un Équilibre Fragile

Le budget 2025 est une tentative de concilier des impératifs contradictoires : relancer l’économie, réduire la dette, et apaiser une population en colère. Mais même sans hausses d’impôts massives, il risque de ne pas suffire à calmer les tensions. Les défis structurels, comme le chômage des jeunes, la corruption endémique, et les inégalités croissantes, restent au cœur des préoccupations.

Défi Impact
Dette publique Limite les investissements dans la santé et l’éducation.
Chômage des jeunes Alimente la frustration et les manifestations.
Violences policières Renforce la méfiance envers les autorités.

Patricia Rodrigues prévient : « Ce n’est pas parce que la question fiscale n’est plus au premier plan que des troubles ne se produiront pas. » Les Kényans, en particulier les jeunes, restent vigilants. Toute nouvelle mesure perçue comme injuste pourrait raviver les flammes de la contestation.

En conclusion, le budget 2025 est un test crucial pour le gouvernement kényan. Parviendra-t-il à restaurer la confiance tout en répondant aux défis économiques et sociaux ? Dans un pays où la jeunesse représente une force vive mais désillusionnée, l’avenir reste incertain. Une chose est sûre : les Kényans ne resteront pas silencieux face à l’injustice.

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