Au Kenya, l’indignation gronde face à une nouvelle vague d’enlèvements visant de jeunes opposants au régime. Les forces de sécurité sont pointées du doigt, accusées d’être à l’origine de ces disparitions qui rappellent les heures sombres de la répression sous l’ère Moi dans les années 90. Malgré les promesses du président William Ruto de mettre fin à ces pratiques, la police a violemment réprimé lundi une manifestation pacifique appelant à la libération des disparus.
Des dizaines de manifestants arrêtés et gazés
Dans les rues de Nairobi, des dizaines de Kényans ont répondu à l’appel à manifester contre les récents enlèvements de jeunes hommes ayant critiqué le président Ruto sur les réseaux sociaux. Brandissant les portraits de certains disparus, scandant leurs noms, ils réclamaient leur libération immédiate et la fin de ces disparitions forcées. Mais la police a rapidement dispersé le rassemblement pourtant pacifique à coups de gaz lacrymogènes, procédant à de nombreuses arrestations musclées, dont celle d’un sénateur.
Je ne vois pas pourquoi ils font ça à des gens qui ne sont même pas violents.
Wanjiku, une manifestante de 29 ans
Selon des témoins, les forces de l’ordre ont agi avec une brutalité disproportionnée face à des citoyens exerçant leur droit de manifester pacifiquement. Cette répression violente intervient quelques jours à peine après que le président Ruto a promis de mettre fin aux enlèvements, acculé par la pression des défenseurs des droits humains et de plusieurs figures politiques.
Une vague de disparitions qui indigne
Ces dernières semaines, le Kenya est secoué par une série d’enlèvements visant principalement de jeunes opposants ayant osé critiquer le président Ruto en ligne. Parmi eux, deux avaient même publié une image générée par intelligence artificielle montrant le chef de l’État allongé dans un cercueil. Des actes de liberté d’expression qui leur auraient valu d’être kidnappés par les forces de sécurité, si l’on en croit les accusations de nombreux activistes.
D’après la Commission nationale des droits de l’homme du Kenya (KNCHR), pas moins de 7 cas d’enlèvements ont été signalés rien que ce mois-ci, dont 6 personnes toujours portées disparues à ce jour. Et le bilan pourrait être bien plus lourd. La KNCHR estime qu’au total, 29 des 82 personnes enlevées depuis juin, en marge des manifestations anti-gouvernementales violemment réprimées, n’ont toujours pas été retrouvées.
La police nie, les enquêtes piétinent
Face à l’indignation grandissante, la police kényane a fermement nié toute implication dans ces disparitions. Mais le manque apparent d’enquêtes et de résultats suscite les interrogations des militants des droits humains qui estiment que les autorités, au mieux, ferment les yeux sur ces enlèvements, au pire, les commanditent.
Les citoyens n’ont pas peur de parler, même si l’intimidation est réelle.
Nerima Wako, de l’ONG Siasa
Malgré les risques, la société civile refuse de se taire et continue de réclamer la vérité et la justice pour les disparus. Comme le souligne Wanjiku, une manifestante de 29 ans, le combat est loin d’être terminé. Et à voir la détermination des Kényans descendus dans la rue lundi, il promet d’être long et difficile face à un pouvoir qui semble déterminé à museler toute voix dissidente par la force.
Le spectre des disparitions orchestrées par l’État, instrument de terreur du régime de l’ancien président Moi dans les années 90, ressurgit au Kenya. Un passé que beaucoup pensaient révolu mais qui semble ressurgir dangereusement malgré les promesses du nouveau pouvoir. Reste à savoir jusqu’où l’indignation de la population et la pression de la communauté internationale pousseront le président Ruto à agir. En attendant, chaque jour qui passe rend plus mince l’espoir des familles de revoir vivants leurs proches disparus.