Imaginez une marée orange fluo déferlant dans les rues de Londres, des pancartes brandies sous un ciel gris, et une question qui flotte dans l’air : quel impact un petit groupe d’activistes peut-il vraiment avoir face à l’immense machine des énergies fossiles ? Ce samedi 26 avril 2025, le mouvement écologiste Just Stop Oil a organisé son ultime défilé dans la capitale britannique, marquant la fin d’une ère d’actions choc qui ont secoué le Royaume-Uni pendant trois ans. De jets de soupe sur des chefs-d’œuvre aux blocages d’autoroutes, leurs méthodes ont divisé, choqué, mais aussi forcé le débat sur le climat. Alors, mission accomplie ou capitulation face à la répression ? Plongeons dans l’histoire et l’héritage de ce groupe controversé.
Une Dernière Marche pour l’Histoire
Le cortège de ce samedi n’avait rien des perturbations spectaculaires qui ont fait la réputation de Just Stop Oil. Quelques centaines de militants ont marché calmement du Parlement jusqu’au siège de Shell, géant pétrolier symbole de leurs combats. À l’arrivée, ils ont retiré leurs chasubles orange emblématiques, révélant des tee-shirts ornés d’un point d’interrogation. Une pancarte géante posait la question : « Nous avons eu un impact, et vous, qu’avez-vous fait ? » Ce geste, à la fois défiant et introspectif, résume l’état d’esprit du mouvement : célébrer ses victoires tout en interrogeant l’avenir.
Pourquoi cette marche était-elle la dernière ? Officiellement, Just Stop Oil revendique une victoire majeure : l’engagement du gouvernement travailliste britannique à ne plus autoriser de nouveaux projets pétroliers ou gaziers. Une promesse qui, selon le groupe, valide des années de lutte. Mais derrière ce triomphe affiché, une réalité plus sombre se dessine : la répression judiciaire et les lois anti-protestation ont rendu leurs actions de plus en plus risquées.
Des Actions Choc qui Ont Marqué les Esprits
Depuis sa création en 2022, Just Stop Oil s’est distingué par des actions aussi audacieuses que controversées. Leur objectif ? Forcer le public et les décideurs à regarder en face l’urgence climatique. Voici quelques-unes de leurs initiatives les plus marquantes :
- Blocages d’autoroutes : En grimpant sur des portiques au-dessus de l’autoroute M25, les militants ont paralysé le trafic, provoquant des retards de milliers d’heures et une colère publique.
- Attaques symboliques : Jets de soupe sur Les Tournesols de Van Gogh à la National Gallery ou poudre orange sur Stonehenge, ces gestes ont attiré l’attention mondiale, mais aussi des accusations de vandalisme.
- Interruptions culturelles : Des spectacles comme Les Misérables ou des événements sportifs ont été perturbés, amplifiant leur visibilité.
- Actions ciblées : Peinture sur des jets privés ou intrusion dans des sites industriels, visant directement les symboles de la pollution.
Ces actions, souvent qualifiées d’extrémistes par leurs détracteurs, ont eu un impact indéniable : elles ont maintenu la question des combustibles fossiles au cœur du débat public. Mais à quel prix ? Les arrestations massives et les peines de prison ont transformé le militantisme en un parcours semé d’embûches.
La Répression : Un Tournant Décisif
Le mouvement a recensé 3 300 arrestations depuis 2022, dont 180 ont conduit à des incarcérations. Actuellement, 11 militants, dont le cofondateur Roger Hallam, sont derrière les barreaux, et cinq autres risquent la prison en mai. Ces chiffres traduisent une répression judiciaire sans précédent, soutenue par des lois anti-protestation adoptées sous le précédent gouvernement conservateur.
Parmi les cas les plus médiatisés, deux militantes ont été condamnées à des peines de deux ans pour avoir jeté de la soupe sur le verre protecteur des Tournesols de Van Gogh. Bien que l’œuvre n’ait pas été endommagée, la sévérité des sentences a choqué. Comme l’a dénoncé un organisateur de la marche, Tim Crosland, devant la Cour d’appel :
Le véritable héritage de Just Stop Oil ne peut être jugé à l’aune des politiques d’un État défaillant. Il est bien plus important.
Tim Crosland, militant
Les lois récentes, qui criminalisent des actes comme le locking on (s’attacher à des infrastructures) ou la perturbation d’infrastructures clés, ont donné aux autorités des outils puissants pour étouffer les manifestations. Pour Gilly Robinson, une militante de 61 ans, cette répression est un scandale : « La loi devrait nous protéger, car nous agissons pour la sécurité de tous. »
Une Victoire en Demi-Teinte
Just Stop Oil revendique une victoire avec la décision du gouvernement travailliste de geler les nouveaux projets pétroliers et gaziers. Selon le groupe, leurs actions ont contribué à maintenir 4,4 milliards de barils de pétrole sous terre, un succès environnemental majeur. Mais cette annonce est à nuancer. Le Premier ministre Keir Starmer a pris ses distances avec le mouvement, condamnant leurs méthodes et insistant sur l’application stricte de la loi.
De plus, le contexte international complique la lutte. L’élection de Donald Trump aux États-Unis, avec ses promesses de relancer l’exploitation des énergies fossiles, a assombri les perspectives mondiales. Comme l’explique Mel Carrington, porte-parole du mouvement :
La répression rend la mobilisation plus difficile, et le contexte a changé. Nous devons repenser notre stratégie.
Mel Carrington, porte-parole
Face à ces défis, Just Stop Oil ne disparaît pas. Le groupe prévoit de soutenir ses membres emprisonnés et de collaborer avec d’autres mouvements de désobéissance civile pour élaborer de nouvelles approches. Mais quelles formes prendra cette résistance ?
Quel Avenir pour le Militantisme Climatique ?
La fin des actions choc ne signifie pas la fin de la lutte. Just Stop Oil envisage une transition vers des formes de militantisme moins visibles, mais potentiellement tout aussi percutantes. Voici quelques pistes possibles :
- Actions en justice : Continuer à contester les lois anti-protestation dans les tribunaux, en dénonçant leur caractère oppressif.
- Soutien aux prisonniers : Mettre en lumière le sort des activistes incarcérés, qualifiés de prisonniers politiques.
- Collaborations internationales : S’inspirer de mouvements européens plus clandestins, comme ceux influencés par l’écologiste radical Andreas Malm.
- Sensibilisation : Utiliser les réseaux sociaux et les médias pour maintenir la pression sur les décideurs.
Cette réorientation intervient dans un climat de défiance. Les militants se sentent trahis par un système judiciaire qui, selon eux, protège les intérêts des puissants. Pourtant, leur impact est indéniable. En trois ans, Just Stop Oil a transformé le débat public, obligeant même les médias les plus réticents à aborder la question climatique.
Un Héritage Controversé mais Durable
Just Stop Oil divise autant qu’il inspire. Pour certains, leurs actions étaient des actes de vandalisme inutiles ; pour d’autres, des gestes désespérés face à l’inaction climatique. Leur bilan peut être résumé ainsi :
Succès | Défis |
---|---|
Maintien de 4,4 milliards de barils de pétrole sous terre | 3 300 arrestations et 180 incarcérations |
Influence sur la politique gouvernementale | Lois anti-protestation draconiennes |
Visibilité mondiale de la cause climatique | Colère publique et accusations de vandalisme |
Leur héritage dépasse les chiffres. Just Stop Oil a montré qu’un petit groupe déterminé pouvait défier des géants. Mais ils ont aussi mis en lumière les limites de la désobéissance civile dans un système qui criminalise la dissidence.
Et Maintenant, À Vous de Jouer
En posant leur question finale – « Et vous, qu’avez-vous fait ? » – les militants de Just Stop Oil passent le relais. Leur marche n’était pas seulement une fin, mais un appel à l’action. Face à l’urgence climatique, chacun est confronté à ses responsabilités. Soutenir les énergies renouvelables, repenser ses habitudes de consommation, ou s’engager dans des initiatives locales : les moyens d’agir sont nombreux.
Le mouvement a peut-être rangé ses chasubles orange, mais la lutte pour le climat, elle, ne fait que commencer. Dans un monde où les tempêtes s’intensifient et les ressources s’épuisent, la question n’est plus de savoir si nous devons agir, mais comment. Alors, quelle sera votre prochaine étape ?