C’est un événement exceptionnel pour les amateurs d’art : le Petit Palais, à Paris, accueille depuis le 18 octobre la première grande rétrospective française consacrée à Jusepe de Ribera (1591-1652), génie précoce de la peinture baroque espagnole. Surnommé “le petit Espagnol” ou encore “l’héritier terrible du Caravage”, Ribera a marqué son époque par l’intensité et le réalisme cru de ses œuvres, magnifiés par sa maîtrise du clair-obscur.
Un parcours artistique fascinant
L’exposition, qui réunit plus de cent tableaux et dessins, retrace toute la carrière de Ribera, de ses débuts à Rome jusqu’à sa consécration à Naples. C’est la première fois qu’une rétrospective d’une telle ampleur est organisée, offrant au public une vision complète de l’évolution artistique de ce maître longtemps resté dans l’ombre du Caravage.
Les années de jeunesse romaines
Arrivé à Rome dès l’âge de 15 ans, Ribera y côtoie très probablement le Caravage lui-même, dont il va s’approprier et dépasser les leçons. Mais pendant longtemps, cette période romaine est restée mystérieuse, les tableaux de Ribera n’étant pas signés. Ce n’est que récemment qu’une soixantaine d’œuvres de jeunesse lui ont été réattribuées, révélant tout le talent précoce de “Lo Spagnoletto”.
Jusqu’à très récemment, on ne savait presque rien de la période romaine de Ribera, on ne connaissait que deux ou trois tableaux.
Annick Lemoine, directrice du Petit Palais et commissaire de l’exposition
La consécration napolitaine
C’est en s’installant à Naples en 1616 que Ribera accède à une renommée internationale. Ses œuvres, d’un réalisme saisissant, sont très recherchées par l’aristocratie et le clergé. Des toiles comme “Saint Jérôme et l’Ange du Jugement dernier” (1631) ou “Le Martyre de Saint-Barthélemy” , directement inspiré des procès de l’Inquisition, marquent les esprits par leur violence et leur expressivité.
Un “ténébrisme” précurseur
Ribera se distingue par son “ténébrisme” exacerbé, ce contraste violent entre l’obscurité et la lumière qui vient théâtraliser ses compositions. Cette noirceur visionnaire fascinera les artistes et écrivains du XIXe siècle, de Manet à Baudelaire. Qu’il peigne un mendiant, un saint ou une scène mythologique, Ribera transcende le réel par une combinaison unique de trivialité et de sublime.
Pour Ribera, qu’il s’agisse d’un mendiant, d’un philosophe ou d’une Pietà, toute peinture procède de la réalité, qu’il transpose avec une gestuelle théâtrale, des coloris noirs ou flamboyants, un réalisme cru magnifié lui aussi par un clair-obscur dramatique.
Un héritage longtemps sous-estimé
Malgré son immense succès de son vivant, Ribera a été quelque peu éclipsé dans l’histoire de l’art par l’aura sulfureuse du Caravage. Cette rétrospective vient donc réparer une injustice et redonner à ce génie singulier la place qu’il mérite. Entre réalisme et poésie noire, l’art puissant de Ribera surgit dans toute sa modernité.
L’exposition regorge d’importants prêts et découvertes, comme le “Philosophe” daté de 1610. Ce portrait d’un vieillard est réapparu en 2020 lors d’une vente aux enchères à Paris et peut enfin être montré au grand public.
Informations pratiques
L’exposition “Ribera à Rome. Autour du premier Apostolado” est à découvrir au Petit Palais jusqu’au 8 janvier 2023. Le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10h à 18h, avec une nocturne le vendredi jusqu’à 21h. Des visites guidées et conférences sont organisées pendant toute la durée de l’événement.
C’est donc une occasion unique de redécouvrir l’œuvre puissante et inclassable de Jusepe de Ribera, maître du clair-obscur et créateur d’images qui continuent de fasciner par leur étrange beauté. Une plongée au cœur des ténèbres du baroque espagnol, à ne manquer sous aucun prétexte pour tous les passionnés d’art ancien !