C’est un rebondissement inattendu dans l’un des feuilletons judiciaires les plus suivis de ces dernières années. Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks qui risquait 175 ans de prison aux États-Unis pour avoir révélé des documents confidentiels, vient de recouvrer la liberté après 12 ans de bras de fer acharnés. Un dénouement aussi soudain que mystérieux, fruit d’un accord de dernière minute dont les détails étaient jalousement gardés.
Les coulisses d’une négociation secrète
L’annonce a pris tout le monde de court, y compris les plus proches soutiens d’Assange. Comme le révèle Laurent Dauré, président du comité de soutien français, seul un cercle très restreint était dans la confidence : les avocats du lanceur d’alerte et son épouse Stella. Rien n’avait fuité jusqu’au dernier moment. Une prouesse quand on sait l’attention médiatique qui entoure ce dossier brûlant.
Selon les premières informations disponibles, Julian Assange aurait accepté de plaider coupable pour un seul des 18 chefs d’accusation qui pesaient sur lui, en échange de l’abandon des autres poursuites. Une peine d’environ 5 ans de prison serait requise, mais il l’aurait déjà largement purgée après plus de 3 ans passés dans la prison de haute sécurité de Belmarsh à Londres.
Le système états-unien fonctionne ainsi. Il menace de peines colossales – 175 ans de prison pour Julian Assange – pour obtenir une reconnaissance de culpabilité partielle.
– Laurent Dauré, président du comité de soutien français à Julian Assange
Une victoire en demi-teinte pour la liberté de la presse
Si la libération de Julian Assange est indéniablement une bonne nouvelle pour ses proches et tous les défenseurs de la liberté d’informer, certains dénoncent la méthode utilisée par la justice américaine. Plutôt qu’un procès en bonne et due forme, Washington a privilégié une justice négociée dans l’ombre, contraignant l’accusé à accepter sa culpabilité pour échapper à une sanction disproportionnée.
Une pratique récurrente outre-Atlantique, comme le rappelle l’affaire John Kiriakou. Cet ex-agent de la CIA avait lui aussi été poursuivi en 2012 pour avoir dénoncé dans la presse les pratiques de torture de l’agence. Menacé de lourdes peines, il avait fini par plaider coupable en échange d’une condamnation allégée à 30 mois de prison.
Pourquoi cet accord surprise et pourquoi maintenant ?
Difficile de connaître avec certitude les motivations qui ont poussé l’administration Biden à lâcher du lest dans ce dossier qui empoisonne la réputation américaine depuis des années. La pression internationale et citoyenne, sans cesse grandissante en faveur de la libération d’Assange, a sans doute fini par peser dans la balance à l’approche des élections de 2024.
Quant au timing de l’accord, il interroge. Pourquoi avoir attendu la veille d’une audience cruciale devant la justice britannique, prévue ce mercredi, pour examiner la demande d’appel d’Assange contre son extradition ? Les autorités américaines craignaient-elles une issue défavorable ? Ou souhaitaient-elles éviter les révélations embarrassantes que ce procès n’aurait pas manqué de soulever ?
Quoi qu’il en soit, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour Julian Assange. Après avoir payé au prix fort son combat pour la transparence, le voilà enfin libre de retrouver les siens et de tourner la page d’une bataille judiciaire éreintante. Mais son combat, lui, est loin d’être terminé. Car au-delà de son cas personnel, c’est la question fondamentale du droit d’informer à l’ère du tout-numérique qui reste posée. Et elle est plus que jamais d’actualité.