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Judo : Les Russes Reviennent avec Drapeau et Hymne

Pour la première fois depuis 2022, les judokas russes monteront sur les tatamis avec leur drapeau et leur hymne. L’IJF brise le tabou imposé par la guerre en Ukraine. Mais cette décision va-t-elle réellement unir ou diviser encore plus le monde du judo ?

Imaginez la scène : un judoka monte sur le podium, l’hymne russe retentit dans l’enceinte, le drapeau tricolore flotte à nouveau. Après trois années de restrictions, ce moment va redevenir réalité dès ce week-end à Abou Dabi. La nouvelle a fait l’effet d’un ippon magistral dans le monde du sport international.

Une décision qui marque l’histoire du judo mondial

Jeudi, la Fédération internationale de judo (IJF) a annoncé la pleine réintégration des athlètes russes. Fini la bannière neutre et les lettres « AIN » dans le dos des kimonos. Dès le Grand Slam d’Abou Dabi 2025, qui débute ce vendredi, les compétiteurs porteront fièrement les couleurs de leur pays.

Cette mesure prend effet immédiatement et concerne également l’hymne national lors des cérémonies protocolaire. Un retour complet, sans aucune restriction symbolique, qui intervient près de quatre ans après le début du conflit en Ukraine.

La Russie célèbre une « décision historique »

La réaction ne s’est pas fait attendre côté russe. Le président de la Fédération russe de judo, Sergueï Soloveïtchik, a qualifié cette annonce de « décision historique, juste et courageuse ».

« Nous remercions l’IJF pour cette décision si longtemps attendue. Le judo international est devenu le premier à rester fidèle aux valeurs de l’humanisme. »

Sergueï Soloveïtchik, président de la Fédération russe

Le ministre russe des Sports a également salué ce retour, rappelant que le judo reste l’un des sports les plus pratiqués dans le pays – près d’un demi-million de licenciés – et qu’il conserve une dimension particulière : c’est le « sport présidentiel », Vladimir Poutine étant lui-même ceinture noire et ancien président d’honneur de l’IJF.

Un parcours en trois étapes depuis 2022

Pour comprendre l’ampleur du revirement, il faut remonter le fil des événements. Février 2022 : la plupart des fédérations internationales excluent immédiatement la Russie et le Bélarus après l’invasion de l’Ukraine. L’IJF, elle, choisit une autre voie.

Contrairement à de nombreuses disciplines, elle refuse d’abord le bannissement total recommandé par le Comité international olympique. Ce n’est qu’en septembre 2022, sous la pression, qu’elle finit par suspendre les athlètes russes.

Puis vient le tournant de 2023. L’IJF fait partie des premières fédérations à réautoriser la participation… mais sous bannière neutre. Les judokas portent alors les lettres « AIN » (Athlètes Individuels Neutres) et c’est l’hymne de l’IJF qui retentit en cas de victoire.

Cette demi-mesure avait déjà provoqué le boycott de la délégation ukrainienne lors de plusieurs compétitions internationales.

Le précédent bélarusse a ouvert la voie

L’élément déclencheur de la décision actuelle ? Le retour complet du Bélarus, allié de la Russie, autorisé dès juin dernier lors des championnats du monde à Budapest. Là encore, l’Ukraine avait quitté la compétition en protestation.

L’IJF justifie aujourd’hui son choix en expliquant qu’après avoir rétabli la pleine représentation nationale bélarusse, il devenait logique d’accorder le même traitement aux Russes.

« À la suite des récents développements, il est désormais approprié d’autoriser la participation des athlètes russes dans les mêmes conditions », précise le communiqué officiel.

Le judo, discipline à part dans le paysage sportif

Le judo a toujours occupé une place particulière dans les relations russo-internationales. La discipline, fondée par Jigoro Kano, met en avant des valeurs d’amitié et de respect qui transcendent souvent les tensions politiques.

Longtemps, Vladimir Poutine a été président d’honneur de l’IJF. Cette proximité historique explique en partie pourquoi la fédération a toujours cherché des solutions intermédiaires plutôt que l’exclusion pure et simple.

Aujourd’hui, l’instance dirigée par Marius Vizer met en avant une philosophie claire : le sport doit rester un pont entre les peuples, même dans les périodes les plus troubles.

« Le sport est le dernier pont qui unit les peuples et les nations dans des environnements conflictuels très difficiles. Les athlètes ne sont pas responsables des décisions prises par les gouvernements. »

Communiqué IJF

La Russie, poids lourd incontestable du judo

Il faut dire que l’absence des Russes laissait un vide immense sur les tatamis. Nation historique du judo, la Russie truste les podiums depuis des décennies. Ne pas les voir aux Jeux de Paris 2024 – leur fédération avait boycotté les conditions neutres jugées « humiliantes » – avait déjà marqué les esprits.

L’IJF le reconnaît sans détour : « La Russie a toujours été une nation de premier plan dans le monde du judo, et son retour complet devrait enrichir la compétition à tous les niveaux. »

Des noms comme Natalia Kuziutina, Inal Tasoev ou encore les jeunes pousses qui arrivent chaque année font partie du gratin mondial. Leur retour va mécaniquement augmenter le niveau général.

Vers de nouvelles tensions avec l’Ukraine ?

Mais ce retour plein et entier ne fait pas l’unanimité. L’histoire récente montre que chaque assouplissement a été suivi d’un retrait ukrainien. La question est désormais de savoir si Kiev acceptera de croiser à nouveau les Russes sur les tatamis.

Le précédent des Mondiaux 2023 et 2024, marqués par des boycotts, laisse peu de place au doute. Beaucoup s’attendent à une nouvelle absence ukrainienne dès ce week-end à Abou Dabi.

Un précédent rare dans le sport olympique

Dans le paysage sportif actuel, cette décision fait figure d’exception. Si la boxe, sous l’égide de l’IBA (exclue du mouvement olympique), avait déjà réautorisé les emblèmes nationaux russes, aucune fédération olympique majeure n’avait franchi ce pas.

Le CIO maintient pour sa part des restrictions strictes : pas de représentation nationale pour Paris 2024, et les critères pour Los Angeles 2028 restent à définir. L’IJF devient ainsi la première grande fédération à rompre clairement avec la ligne olympique en vigueur.

Que va-t-il se passer à Abou Dabi ce week-end ?

Le Grand Slam d’Abou Dabi 2025 va devenir le théâtre d’une première historique. Plusieurs judokas russes de premier plan sont inscrits. Pour la première fois depuis 2022, on pourra voir le drapeau russe flotter officiellement lors d’une grande compétition internationale.

Les regards seront braqués sur les cérémonies de remise des médailles. Un hymne russe retentissant dans l’arène marquerait un tournant symbolique fort, trois ans après le début des sanctions sportives massives.

Cette compétition risque aussi d’être le révélateur des nouvelles dynamiques géopolitiques dans le sport. Va-t-on vers une fragmentation durable des calendriers internationaux ? Ou ce retour russe dans le judo préfigure-t-il un assouplissement général ?

Une chose est sûre : le week-end prochain à Abou Dabi ne sera pas un Grand Slam comme les autres. Il entrera probablement dans l’histoire du judo, bien au-delà des résultats sportifs.

En résumé : Après trois années de restrictions progressives puis d’assouplissements, les judokas russes retrouvent enfin leur identité nationale complète en compétition. Une décision saluée comme historique en Russie, mais qui pourrait creuser encore le fossé avec l’Ukraine et interroger le mouvement olympique sur la place du sport dans les conflits géopolitiques.

Le judo, plus que jamais, se retrouve au cœur des débats sur la neutralité du sport. Reste à voir si ce pont tendu par l’IJF tiendra face aux vents contraires de l’histoire.

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