Imaginez : vous sortez d’une prison américaine après avoir été condamné à 45 ans pour avoir aidé à faire transiter des centaines de tonnes de cocaïne. Et soudain, un coup de fil de la Maison Blanche change tout. C’est exactement ce qui est arrivé à Juan Orlando Hernández, ancien président du Honduras, cette semaine.
Une grâce qui tombe à pic… ou presque
Lundi soir, les portes de la prison de Virginie occidentale s’ouvrent. Juan Orlando Hernández, dit JOH, est libre. Donald Trump vient de signer sa grâce complète. Pour la famille, c’est un miracle. Pour beaucoup d’observateurs, c’est surtout un timing politique explosif : le Honduras votait dimanche pour élire son prochain président et le candidat soutenu par Trump est au coude-à-coude.
Mais derrière la joie, il y a la peur. Une peur viscérale.
« Il ne peut pas être parmi nous pour le moment »
Depuis sa maison de Tegucigalpa, Ana García, l’épouse de l’ancien président, a accordé une longue interview. Elle est directe : son mari craint pour sa vie. Les menaces de mort sont réelles. Le discours de haine du gouvernement actuel est incessant.
« Sa situation n’est pas facile à cause de l’insécurité, des menaces de mort, du discours constant de haine que le gouvernement tient envers lui. C’est pourquoi il ne peut pas être parmi nous pour le moment. Nous voulons protéger sa vie. »
Ana García, épouse de Juan Orlando Hernández
Traduction : un retour immédiat au Honduras est hors de question. Même si le souhait le plus cher de la famille reste de vivre dans leur pays.
La politique ? Pas pour tout de suite
On pouvait s’attendre à ce que JOH, à peine libéré, annonce un retour tonitruant sur la scène politique hondurienne. Il n’en est rien. Ana García est formelle : ils n’en ont même pas parlé.
Les années de prison ont laissé des cicatrices profondes. L’ancien couple présidentiel veut d’abord guérir. Retrouver une vie de famille. Reprendre leurs métiers d’avocats. La vie publique semble très loin.
« Je crois que nous devons nous donner le temps de guérir de la douleur occasionnée par ces années. Il ne pense pas à la vie publique et politique, mais plutôt à une vie privée où nous pourrons passer du temps en famille. »
Une « injustice » selon la famille
Pour Ana García, la condamnation de son mari était une machination politique. Elle pointe directement l’administration Biden. Selon elle, la grâce de Trump rétablit la vérité et met fin à une persécution.
Elle parle d’une « injustice terrible » corrigée par « l’homme le plus informé du monde ». Les mots sont forts. Ils reflètent la vision d’une partie de la droite hondurienne qui n’a jamais accepté le procès new-yorkais de 2024.
Que dit exactement la grâce ?
Selon l’avocat Renato Stabile, il s’agit d’une grâce totale et complète. En droit américain, cela signifie que légalement, c’est comme si les accusations n’avaient jamais existé. Juan Orlando Hernández ressort blanchi aux yeux de la justice des États-Unis.
Conséquence juridique clé : plus aucune charge fédérale américaine ne pèse sur lui. Il peut voyager librement sur le territoire américain et n’a plus de casier judiciaire aux États-Unis.
Un contexte électoral brûlant
Le Honduras vit des heures décisives. Le scrutin de dimanche oppose principalement deux hommes : Nasry « Tito » Asfura, du Parti National (le parti de JOH), et Salvador Nasralla, autre figure de droite. Les résultats sont encore incertains.
Donald Trump a publiquement apporté son soutien à Asfura. La grâce de Hernández, intervenue en plein dépouillement, a immédiatement été interprétée comme un signal fort envoyé aux électeurs honduriens.
Ana García dit pourtant qu’ils ne s’y attendaient pas. La demande de grâce avait été déposée plusieurs mois plus tôt. La réponse est arrivée comme un coup de tonnerre.
Un pays profondément divisé
Depuis l’arrivée au pouvoir de Xiomara Castro en 2022, le climat politique est électrique. L’extradition de Juan Orlando Hernández, quelques mois après la fin de son mandat, avait été vécue comme une humiliation par ses partisans.
Aujourd’hui, la grâce américaine ravive les passions. D’un côté, ceux qui crient à la revanche. De l’autre, ceux qui y voient une ingérence flagrante des États-Unis dans les affaires honduriennes.
Et maintenant ?
Juan Orlando Hernández est libre, mais exilé de fait. Il ne peut pas rentrer sans risquer sa vie, selon sa famille. Il ne veut pas, pour l’instant, revenir en politique.
Pourtant, son ombre reste immense au Honduras. Sa grâce, dans ce contexte électoral tendu, pourrait peser lourd sur l’avenir du pays. Beaucoup se demandent si ce n’est qu’un début.
Une chose est sûre : l’histoire de Juan Orlando Hernández est loin d’être terminée. Entre justice américaine, menaces réelles et jeu politique international, le feuilleton hondurien captive l’Amérique latine entière.
Restera-t-il à l’écart ? Reviendra-t-il un jour prendre la lumière ?
Ou quelqu’un d’autre portera-t-il son héritage politique ?
Les prochains mois nous le diront.
En attendant, une famille tente de se reconstruire loin des caméras. Et un pays retient son souffle.









