Au cœur de la tourmente qui secoue le Liban, un homme se dresse, déterminé à guider son pays vers des jours meilleurs. Le général Joseph Aoun, commandant en chef de l’armée libanaise, vient de voir son mandat prolongé d’un an, témoignage de la confiance placée en lui en ces temps troublés. Mais les défis qui l’attendent sont à la hauteur de cette marque d’estime.
Une mission cruciale dans le sud du Liban
Après la trêve historique conclue entre Israël et le Hezbollah, c’est au général Aoun qu’incombe la tâche titanesque de piloter le déploiement de l’armée libanaise dans le sud du pays. Une mission d’une importance capitale, qui vise à assurer une paix durable dans cette région meurtrie par des décennies de conflit.
Selon les termes de l’accord, les militaires libanais devront prendre position aux côtés des Casques bleus de l’ONU, tandis que les combattants du Hezbollah se retireront vers le nord, abandonnant leurs armes lourdes. Un véritable jeu d’équilibriste pour le général Aoun, qui devra composer avec la « coopération totale » promise par le mouvement pro-iranien, tout en rassurant ses détracteurs.
60 jours pour réussir
Le compte à rebours est lancé : Joseph Aoun dispose de 60 jours pour mener à bien cette opération délicate, en parallèle du retrait des troupes israéliennes. Un timing serré, qui témoigne de l’urgence de la situation et de l’espoir d’une paix enfin durable.
Mais le général peut compter sur des atouts de poids. Respecté pour son intégrité et son engagement en faveur de l’intérêt national, il a su tisser des liens solides avec l’ensemble de la classe politique libanaise, mais aussi nouer des contacts précieux avec les grandes capitales occidentales, de Paris à Washington.
Il a la réputation d’être un homme intègre. Au sein de l’armée libanaise, il est perçu comme quelqu’un de dévoué, qui défend l’intérêt national, et qui essaye de consolider l’institution, la seule encore épargnée par le confessionnalisme.
Karim Bitar, politologue
Un soutien international crucial
Ce soutien international s’est avéré vital pour l’armée libanaise, confrontée à une crise économique sans précédent. Une conférence organisée à Paris en octobre a permis de lever 200 millions de dollars d’aide, un ballon d’oxygène pour une institution mise à rude épreuve, contrainte un temps de supprimer la viande dans les repas de ses soldats.
Outre l’allié américain, le Liban a pu compter sur le soutien du Qatar et de la France. Une mobilisation internationale qui témoigne de l’importance stratégique du pays du Cèdre et de la confiance placée dans son armée et son commandant en chef.
Un présidentiable qui ne dit pas son nom
Alors que le Liban est privé de président depuis plus de deux ans, miné par les dissensions entre le camp du Hezbollah et ses adversaires, le nom de Joseph Aoun revient avec insistance pour endosser le costume de chef de l’État. Issu de la communauté maronite, à laquelle la fonction présidentielle est traditionnellement dévolue, le général garde un silence poli sur ses ambitions.
À 60 ans, ce polyglotte passé par le français et l’anglais a en effet un profil qui séduit : un bilan salué à la tête de l’armée, une aura d’intégrité, une capacité à dialoguer avec tous. Mais endosser les habits de président, après les années Aoun – un homonyme sans lien de parenté – qui ont laissé un goût amer aux Libanais, n’est pas sans risque.
Même parmi ceux qui le respectent, nombreux sont ceux qui sont contre son élection à la présidence, essentiellement parce qu’il vient de l’armée.
Karim Bitar, politologue
D’autant que l’idée qu’un chef de l’armée puisse « systématiquement devenir président » ne fait pas l’unanimité, y compris dans les rangs de l’opposition au Hezbollah. Le général devra donc manœuvrer avec finesse s’il décide de se lancer dans la bataille présidentielle.
Mais dans l’immédiat, c’est sur le terrain, dans ce sud du Liban meurtri, que Joseph Aoun devra démontrer ses qualités de stratège et de rassembleur. Avec l’espoir de marquer de son empreinte l’histoire d’un pays qui rêve d’un avenir enfin apaisé.