Le 14 décembre 2025, le Chili a vécu un séisme politique. José Antonio Kast, figure emblématique de la droite conservatrice, a été élu président avec une avance écrasante. Près de 58 % des suffrages contre 42 % pour son adversaire de gauche : un score qui dépasse largement les prévisions et marque un tournant radical dans l’histoire récente du pays.
Ce n’est pas seulement une victoire électorale. C’est le signe d’un profond ras-le-bol, particulièrement chez les jeunes, face à l’insécurité croissante et à un bilan gouvernemental jugé décevant. Comment en est-on arrivé là ?
Une victoire inattendue en ampleur, mais pas en tendance
Quatre ans plus tôt, en 2021, le même José Antonio Kast s’était incliné au second tour face à Gabriel Boric, représentant d’une gauche jeune et progressiste. À l’époque, beaucoup voyaient en Boric le symbole d’une nouvelle génération prête à transformer le Chili. Pourtant, le vent a tourné. Les promesses de changement social se sont heurtées à une réalité économique difficile et à une explosion de la délinquance.
Les Chiliens, épuisés par les violences quotidiennes et l’impression d’un État impuissant, ont cherché une alternative ferme. Kast, avec son discours sans concession sur la sécurité et l’immigration illégale, a su incarner cette réponse. Son score final, autour de 58 %, reflète non seulement un rejet de la gauche au pouvoir, mais aussi une adhésion massive à son projet.
Les réactions internationales n’ont pas tardé. Des félicitations officielles ont afflué, soulignant la volonté de coopérer avec le nouveau président. Sur les réseaux, Kast a simplement écrit : « Gracias Chile. A trabajar ! » Un message sobre qui annonce déjà le ton de son mandat.
La jeunesse, grand artisan de ce basculement
L’un des phénomènes les plus marquants de cette élection reste le soutien massif des jeunes à José Antonio Kast. Dans les quartiers populaires de Santiago et ses environs, là où la délinquance frappe le plus fort, de nombreux électeurs de moins de 35 ans ont choisi le candidat conservateur.
Prenez l’exemple de Buin, une commune à une trentaine de kilomètres de la capitale. C’est là que Kast a commencé sa carrière politique locale dans les années 1990. Aujourd’hui, les habitants le considèrent presque comme l’un des leurs. Calem, 25 ans, aide-soignant, explique sans détour : il vote Kast parce qu’il est « le seul qui peut mettre fin à la délinquance et à l’immigration illégale ».
Ce n’est pas un cas isolé. Beaucoup de jeunes, qui avaient soutenu Boric ou s’étaient abstenus en 2021, ont changé d’avis. Alma, 32 ans, analyste bancaire, avoue avoir voté blanc il y a quatre ans, trouvant Kast trop extrême. Aujourd’hui, elle le voit différemment : « Il s’est modéré, il fait plus homme d’État. »
« La situation a changé en quatre ans. Le bilan du gouvernement précédent est désastreux, la croissance est en berne, et l’insécurité ne cesse de monter. »
Alma, 32 ans, résidente de Buin
Cette évolution n’est pas seulement personnelle. Elle reflète une tendance plus large : les jeunes Chiliens, confrontés à la violence dans leurs quartiers, priorisent désormais la sécurité sur les idéaux progressistes.
L’insécurité, catalyseur du vote Kast
Le Chili a connu ces dernières années une augmentation spectaculaire de la criminalité. Vols à main armée, trafics en tous genres, présence accrue de bandes organisées : les habitants des zones populaires en parlent comme d’un quotidien insupportable. Les statistiques officielles montrent une hausse continue des délits violents, renforçant le sentiment d’abandon.
José Antonio Kast a fait de ce thème son cheval de bataille. Promettant une tolérance zéro, un renforcement des forces de l’ordre et un contrôle strict des frontières, il a su parler directement à ceux qui se sentent les plus menacés. Dans les faubourgs de Santiago, son message a résonné particulièrement fort.
Les jeunes, souvent les premières victimes ou témoins de cette violence, ont vu en lui la solution crédible. Contrairement à une image parfois caricaturale d’extrémisme, beaucoup perçoivent aujourd’hui Kast comme un pragmatique capable de restaurer l’ordre.
Une stratégie électorale affinée
Entre 2021 et 2025, José Antonio Kast a travaillé son image. Sans renier ses convictions profondes, il a adouci certains angles pour élargir son électorat. Moins de provocations, plus de propositions concrètes sur l’économie et la sécurité. Cette modération calculée a payé.
Dans le même temps, d’autres figures plus radicales ont émergé à sa droite, comme Johannes Kaiser, qui a obtenu 14 % au premier tour. Cela a permis à Kast de se positionner comme le candidat sérieux, responsable, face à une gauche perçue comme idéologue et inefficace.
Le résultat : une coalition large, allant des conservateurs traditionnels aux déçus de la gauche modérée, en passant par une jeunesse pragmatique. Les sondages de la dernière ligne droite donnaient déjà Kast favori à 57 %. La réalité a dépassé les attentes.
Quelles perspectives pour le Chili sous Kast ?
Avec cette victoire, le Chili entre dans une nouvelle ère. Le pays n’avait pas connu de président aussi à droite depuis la fin de la dictature en 1990. José Antonio Kast, admirateur assumé de certaines réalisations économiques de l’époque Pinochet, va devoir naviguer entre héritage controversé et nécessité de rassemblement.
Sur le plan intérieur, la priorité annoncée est claire : rétablir l’ordre. Renforcement policier, durcissement des peines, contrôle de l’immigration : les mesures promises ne tarderont pas. Sur le plan économique, Kast mise sur une relance libérale pour redynamiser une croissance atone.
À l’international, le nouveau président devrait maintenir des relations pragmatiques, tout en affirmant une ligne souverainiste. Les premiers messages de félicitations venus de l’étranger montrent que le Chili reste un partenaire respecté.
Un signal pour l’Amérique latine entière
Cette élection ne concerne pas seulement le Chili. Dans une région marquée par des alternances fréquentes entre gauche et droite, la victoire de Kast s’inscrit dans une vague conservatrice observée dans plusieurs pays. L’Argentine avec Javier Milei, l’Équateur ou encore le Pérou ont connu des mouvements similaires.
Le thème commun ? La lassitude face à l’insécurité et aux difficultés économiques, souvent attribuées à des gouvernements progressistes. Le Chili, autrefois laboratoire de la gauche jeune avec Boric, devient aujourd’hui un exemple de retournement spectaculaire.
Les observateurs noteront que ce n’est pas l’idéologie pure qui l’a emporté, mais le pragmatisme. Les Chiliens ont voté pour celui qui promettait de résoudre leurs problèmes concrets, au-delà des clivages traditionnels.
Les défis qui attendent le nouveau président
Malgré la large victoire, José Antonio Kast n’aura pas les mains totalement libres. Le Parlement reste fragmenté, et des oppositions farouches s’annoncent déjà du côté de la gauche. Reconquérir la confiance d’une partie de la population qui reste méfiante face à son passé politique sera essentiel.
La question de l’immigration, centrale dans sa campagne, devra être traitée avec mesure pour éviter les tensions sociales. De même, le souvenir de la dictature plane toujours : tout excès rhétorique pourrait raviver les divisions.
Mais avec un mandat clair et un soutien populaire massif, Kast dispose d’une fenêtre unique pour imprimer sa marque. Les prochains mois diront si cette victoire annonce une stabilisation durable ou de nouvelles turbulences.
Une chose est sûre : le Chili de décembre 2025 n’est plus celui de 2021. Les jeunes, en particulier, ont montré qu’ils pouvaient surprendre. Leur vote massif pour la sécurité et le changement témoigne d’une maturité politique nouvelle, prête à privilégier le concret sur les rêves.
José Antonio Kast entre en fonction avec une légitimité forte. Reste à transformer cette confiance en résultats tangibles. Les Chiliens, épuisés par les années précédentes, n’attendent que cela : des actes.
Résumé en quelques points :
- Victoire écrasante : environ 58 % des voix pour Kast.
- Soutien massif des jeunes, particulièrement dans les zones touchées par l’insécurité.
- Rejet du bilan du gouvernement précédent et priorité donnée à la sécurité.
- Stratégie électorale réussie : modération et positionnement pragmatique.
- Nouveau chapitre pour le Chili, le plus à droite depuis 1990.
Cette élection marque peut-être la fin d’un cycle ouvert avec les grandes manifestations de 2019 et l’arrivée de Boric. Le Chili choisit aujourd’hui une voie différente, plus conservatrice, plus sécuritaire. L’avenir dira si ce choix portera ses fruits, mais une chose est certaine : le message des urnes est sans ambiguïté.
En attendant, José Antonio Kast peut savourer une victoire qui dépasse largement ses espérances d’il y a quatre ans. Le travail commence maintenant.









