Dans un geste sans précédent à quelques heures de céder le pouvoir, le président sortant Joe Biden a frustré lundi les plans de vengeance de son successeur Donald Trump en graciant préventivement des dizaines d’élus et de fonctionnaires. Une initiative extraordinaire visant à les protéger de « poursuites judiciaires injustifiées et politiquement motivées » potentiellement orchestrées par la prochaine administration.
Parmi les bénéficiaires notables de cette vague de grâces figurent l’ancien chef d’état-major des armées, le général Mark Milley, l’ex-architecte de la lutte contre le Covid-19, le Dr Anthony Fauci, ainsi que tous les membres de la commission d’enquête sur l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, y compris l’ancienne députée républicaine Liz Cheney. Les policiers ayant témoigné devant cette commission font également partie des graciés.
Une décision historique pour préserver l’État de droit
Dans un communiqué expliquant cette décision exceptionnelle, le président démocrate de 82 ans a déclaré croire en « la solidité de notre système judiciaire » face aux débats politiques. Mais il a ajouté que « dans ces circonstances exceptionnelles », sa conscience lui dictait d’agir pour protéger des « serviteurs de l’État » menacés pour avoir « fidèlement rempli leurs fonctions ».
Certains, comme le général Milley et le Dr Fauci, avaient même été menacés de longues peines de prison par Donald Trump lui-même en cas de victoire. Le milliardaire républicain avait notamment qualifié le plus haut gradé américain de « traître » et laissé entendre qu’il méritait l’exécution pour ses critiques à son encontre.
Des menaces de représailles qui planaient
Pendant la campagne, Donald Trump avait clairement indiqué son intention de se venger une fois de retour au pouvoir. En septembre, il avait promis que « ces gens qui ont triché seront poursuivis avec toute la rigueur de la justice » et purgeraient « de longues peines de prison ». Une référence à peine voilée à ses opposants.
Le choix de Kash Patel, un proche conseiller de Trump connu pour ses théories complotistes, pour diriger le FBI dans la prochaine administration, n’avait fait qu’accroître les inquiétudes sur de possibles représailles judiciaires à venir.
Les graciés se disent soulagés mais pas coupables
Dans un communiqué, le général Milley s’est dit « profondément reconnaissant » de la décision de Biden, expliquant ne pas vouloir passer le restant de ses jours à se défendre contre ceux cherchant une « revanche injuste » après 43 ans de service. De son côté, le Dr Fauci, devenu la bête noire d’une partie de la droite radicale, a remercié le président mais assuré n’avoir « commis aucun crime » susceptible de justifier une enquête pénale.
Une grâce très large pour le fils Hunter Biden
Quelques semaines plus tôt, Joe Biden avait déjà suscité la polémique en graciant très largement son fils Hunter, une cible privilégiée des trumpistes, pour des délits de port d’arme illégal et de fraude fiscale. La Maison Blanche avait alors assumé protéger un proche d’une possible « instrumentalisation politique de la justice ».
Des milliers d’autres grâces plus classiques
Outre ces grâces préventives très politiques, le président démocrate a également annoncé vendredi un nombre record de près de 2 500 commutations de peine pour des condamnés de droit commun, essentiellement liés à des délits non violents en lien avec la drogue. Un ultime tour de clémence avant de quitter définitivement le pouvoir à midi précise ce lundi, après avoir gracié ou commué la peine de plus de 2 000 condamnés au cours de son mandat.
Biden assume son devoir malgré les risques
Si ces grâces préventives sans précédent témoignent des profondes divisions politiques qui minent l’Amérique, Joe Biden a voulu faire un geste fort à la veille de sa sortie. Malgré les risques juridiques et les critiques attendues, le président a choisi d’utiliser un pouvoir constitutionnel rarement invoqué, estimant de son devoir de protéger l’État de droit des dérives partisanes avant de passer la main.
Un choix courageux, à la hauteur des enjeux de cette fin de mandat sous haute tension. Reste désormais à voir comment Donald Trump, connu pour ne jamais désarmer, réagira à cet ultime camouflet de son prédécesseur. Et dans quelle mesure une éventuelle contre-attaque judiciaire pourra être contenue par le bouclier des grâces présidentielles.