Imaginez un homme de bientôt 78 ans, diabétique, enfermé seul dans une cellule où la température grimpe jusqu’à 44 °C en été, sans la moindre climatisation. Ses ongles virent au violet, puis tombent. Ses dents se déchaussent. Il perd du poids à vue d’œil. Et pourtant, les autorités assurent que tout va bien. C’est la réalité quotidienne de Jimmy Lai, figure emblématique de la liberté de la presse à Hong Kong, selon le témoignage bouleversant de ses enfants.
Un cri d’alarme lancé depuis Washington
À des milliers de kilomètres de Hong Kong, à Washington, les enfants de Jimmy Lai ont choisi de briser le silence. Claire et Sebastien Lai ont rencontré des journalistes pour alerter sur l’état de santé de leur père, détenu depuis décembre 2020. Leur message est clair : le temps presse. Chaque jour passé en prison rapproche Jimmy Lai d’un point de non-retour.
Ils décrivent un homme méconnaissable. « Il a perdu énormément de poids, il est beaucoup plus faible », confie Claire Lai. Elle a pu le voir il y a quelques mois avant de quitter Hong Kong. Les images qu’elle garde en mémoire sont terrifiantes.
Des symptômes qui ne trompent pas
Les signes physiques sont alarmants. Les ongles de Jimmy Lai prennent des teintes inquiétantes – violet, gris, verdâtre – avant de se détacher complètement. Ses dents pourrissent. Son corps, déjà fragilisé par le diabète, semble abandonné aux conditions extrêmes de détention.
L’été hongkongais est impitoyable. Dans la prison de Stanley, où il est incarcéré, la chaleur est suffocante. Pas de ventilateur, pas de climatisation. Quarante-quatre degrés dans une cellule d’isolement. Pour un homme de son âge et avec ses pathologies, c’est une torture lente.
« Il a perdu beaucoup de poids et il est beaucoup plus faible qu’avant. »
Claire Lai, fille de Jimmy Lai
Des petites mesquineries qui brisent le moral
Au-delà des conditions physiques, les enfants dénoncent un acharnement psychologique quotidien. Jimmy Lai, catholique pratiquant, s’est vu refuser la communion. Un détail qui peut sembler anodin, mais qui touche profondément un homme de foi.
Pire encore : les gardiens auraient identifié ses rares petits plaisirs pour les lui retirer. Quand ils ont appris qu’il appréciait la sauce au curry, celle-ci a purement et simplement disparu de ses plateaux-repas. « Ce sont des petites choses comme ça qui sont extrêmement mesquines », déplore Claire Lai.
Ces gestes, aussi insignifiants soient-ils individuellement, s’accumulent et pèsent lourd sur le moral d’un homme déjà privé de tout contact humain normal depuis cinq ans.
Un parcours qui a mené derrière les barreaux
Pour comprendre pourquoi Jimmy Lai est devenu une cible prioritaire, il faut remonter à 2019. À l’époque, les manifestations massives pour la démocratie secouent Hong Kong. Le fondateur du journal Apple Daily devient l’une des voix les plus audibles du mouvement prodémocratie.
Ses éditoriaux sans concession, ses appels à la communauté internationale, ses prises de position radicales en faveur de la liberté d’expression lui valent l’admiration de millions de Hongkongais… et la colère de Pékin.
Lorsque la loi sur la sécurité nationale entre en vigueur en 2020, il est l’une des premières cibles. On l’accuse de collusion avec des forces étrangères pour avoir réclamé des sanctions contre la Chine et Hong Kong. On l’accuse aussi de sédition pour les articles publiés dans son journal. Apple Daily est forcé de fermer en juin 2021.
Un citoyen britannique au cœur d’une bataille diplomatique
Sebastien Lai, le fils de Jimmy, porte double nationalité britannique. Il espère que ce statut jouera en faveur de son père. Il appelle directement le Premier ministre Keir Starmer et le président américain réélu Donald Trump à intervenir personnellement auprès de Pékin.
« Ça prendrait deux heures pour mettre mon père dans un avion et l’envoyer ailleurs », lance-t-il, la voix pleine d’émotion. « Ce serait la chose humaine à faire. Ils l’ont déjà mis en enfer. »
Pour l’instant, les appels répétés du Royaume-Uni et des États-Unis restent sans réponse concrète. Jimmy Lai demeure en détention provisoire, son procès traîne en longueur, et les conditions de son incarcération ne s’améliorent pas.
Le gouvernement hongkongais balaie les accusations
Face aux témoignages de la famille, les autorités de Hong Kong restent sur une ligne inflexible. Elles affirment que les soins prodigués à Jimmy Lai sont « adéquats et complets ». Elles dénoncent des articles « déformant les faits » et accusent les médias internationaux de vouloir ternir l’image du territoire.
Cette réponse officielle contraste violemment avec les descriptions détaillées des enfants. Difficile, de l’extérieur, de trancher définitivement. Mais les symptômes décrits – ongles qui tombent, dents qui pourrissent – ne sont pas anodins et interrogent sur la réalité des soins en prison.
Un symbole qui dépasse le cas individuel
Jimmy Lai n’est pas seulement un magnat des médias. Il est devenu, malgré lui, le symbole du recul des libertés à Hong Kong depuis 2020. Son sort cristallise les inquiétudes sur l’application de la loi sur la sécurité nationale et sur le sort réservé aux voix dissidentes.
Chaque mois qui passe en prison est un mois de plus où la communauté internationale mesure l’ampleur de la répression. Chaque détail sur sa santé qui filtre rappelle que derrière les grands principes, il y a des êtres humains qui souffrent.
À l’approche de son 78e anniversaire, la question n’est plus seulement juridique ou politique. Elle est profondément humaine : jusqu’à quand laissera-t-on un homme âgé, malade, payer de son corps le prix de ses idées ?
La famille Lai continue son combat. Washington, Londres, les capitales européennes : ils frappent à toutes les Politics. Leur espoir repose désormais sur une mobilisation plus forte, plus visible, capable de faire bouger des lignes que l’on croyait figées.
En attendant, dans une cellule surchauffée de Hong Kong, un vieil homme attend. Plus faible chaque jour. Plus seul. Mais toujours debout.









