Au cœur de l’actualité hongkongaise, un homme se dresse contre vents et marées pour défendre ses convictions démocratiques. Jimmy Lai, magnat de la presse et figure incontournable du mouvement prodémocratie, a brisé près de quatre ans de silence en témoignant à son propre procès pour atteinte à la sécurité nationale. Un procès qui cristallise les tensions entre Pékin et l’ex-colonie britannique.
Le parcours d’un “fauteur de troubles”
Né en Chine continentale, Jimmy Lai a fui clandestinement à Hong Kong à l’âge de 12 ans. De simple ouvrier dans des ateliers, il a bâti un véritable empire du textile, Giordano, avant de se lancer dans la presse. Mais son vrai combat, c’est la démocratie. Profondément marqué par la répression de Tiananmen en 1989, il fonde des publications critiques envers le régime chinois, dont l’emblématique Apple Daily.
Ses médias, mêlant hard news et prises de position sans concession, deviennent des porte-voix du camp démocrate. Lors des grandes manifestations de 2019 contre l’emprise grandissante de Pékin, Apple Daily et le magazine Next sont en première ligne. Une position engagée qui vaut à Jimmy Lai d’être qualifié de “traître” par les autorités chinoises.
Un engagement inébranlable malgré les risques
Alors qu’il aurait pu profiter paisiblement de sa fortune, Jimmy Lai a choisi une voie plus périlleuse. Interrogé sur ses motivations, il confiait : “Je suis peut-être un rebelle-né, peut-être que je suis quelqu’un qui, outre l’argent, a besoin de donner beaucoup de sens à sa vie”. Une quête de sens qui l’a mené tout droit en prison.
La loi sur la sécurité nationale sonnera le glas pour Hong Kong
– Jimmy Lai, avant son arrestation en 2020
Arrêté une première fois en août 2020 lors d’une perquisition d’Apple Daily, Jimmy Lai a ensuite été maintenu en détention malgré une brève libération sous caution. Depuis, les conditions se sont durcies pour le septuagénaire, désormais soumis à des règles spéciales en raison de la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin.
Un procès sous haute surveillance
Aujourd’hui, c’est un Jimmy Lai amaigri mais déterminé qui comparaît devant la justice hongkongaise. Accusé de “collusion avec des forces étrangères”, il risque la prison à vie dans ce procès emblématique de la répression qui s’abat sur l’ex-colonie britannique. Même le choix de son avocat, un Britannique spécialiste des droits humains, a été contesté par les autorités.
Pour beaucoup, Jimmy Lai incarne la résistance d’une partie de la société civile hongkongaise face à la mainmise de plus en plus affirmée de Pékin. Son combat pour la liberté de la presse et la démocratie force le respect, même chez ceux qui ne partagent pas toutes ses idées. À 75 ans, celui qui est devenu “le plus vieux prisonnier politique de Hong Kong” selon son fils, n’a rien perdu de sa combativité.
Un symbole des tensions entre Hong Kong et Pékin
Au-delà du sort individuel de Jimmy Lai, c’est l’avenir même de Hong Kong qui se joue. La loi sur la sécurité nationale, imposée en 2020 en réponse aux manifestations monstres de l’année précédente, a profondément changé la donne. De nombreux militants ont été arrêtés ou ont choisi l’exil, tandis que la liberté de la presse et l’indépendance de la justice sont de plus en plus menacées.
Dans ce contexte, le procès de Jimmy Lai apparaît comme un test décisif. Son issue dira si Hong Kong peut encore préserver les libertés qui faisaient sa singularité au sein de la Chine, ou si elle est condamnée à un alignement pur et simple sur le modèle autoritaire chinois. Une chose est sûre : quelle que soit la sentence, Jimmy Lai ne renoncera pas à ses convictions. Car comme il le dit lui-même, il est de ceux qui ont “besoin de donner du sens à leur vie”, au-delà des considérations matérielles. Un état d’esprit qui force l’admiration, et qui restera comme un symbole de la résistance hongkongaise.