Lorsque Jimmy Carter a pris ses fonctions de président des États-Unis en 1977, il a insufflé un vent de changement dans les relations entre Washington et l’Amérique latine. Malgré le contexte tendu de la Guerre Froide qui l’opposait à l’Union Soviétique, cet homme d’État visionnaire a entrepris de redéfinir la politique étrangère américaine dans cette région du monde traditionnellement sous influence de la Maison Blanche.
Une Politique Fondée sur les Droits Humains et les Valeurs Démocratiques
D’après un expert en sciences politiques proche du dossier, la politique globale de Jimmy Carter envers l’Amérique latine était orientée vers la promotion des droits humains, la démocratisation et la coopération multilatérale. Cette approche novatrice tranchait avec les pratiques interventionnistes qui avaient prévalu jusqu’alors.
La signature en 1977 des accords Torrijos-Carter sur la rétrocession du canal de Panama illustre parfaitement cette volonté de changement. Effective le 31 décembre 1999, cette décision courageuse et impopulaire témoignait d’une réelle compréhension des enjeux géopolitiques régionaux de la part du président démocrate.
Des Positions Fermes Face aux Dictatures
En Amérique centrale, l’administration Carter a pris le parti de ne pas soutenir le dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza, finalement renversé par le Front sandiniste de libération nationale en 1979. Dans le même temps, Washington a dû composer avec la junte militaire au Salvador pour éviter une prise de pouvoir communiste, ce qui a débouché sur une longue guerre civile.
Plus au sud, le président démocrate s’est montré critique envers les régimes dictatoriaux du Chili, de l’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay. Des sanctions telles que la suspension des livraisons d’armes ont été adoptées, sans pour autant obtenir de réelles avancées démocratiques. Néanmoins, la politique de Carter a conforté la lutte des défenseurs des droits humains dans leur recherche des disparus.
Une Volonté de Dialogue avec Cuba
Quinze ans après la crise des missiles, Jimmy Carter a cherché à normaliser les relations diplomatiques avec Cuba. L’embargo en vigueur depuis 1962 a été assoupli et des « sections d’intérêts » ont été ouvertes à Washington et à La Havane. Cette main tendue a permis d’ouvrir pour la première fois la voie du dialogue avec le régime castriste.
Cependant, l’exode massif de Cubains depuis le port de Mariel en 1980 et l’envoi de troupes cubaines en Afrique ont mis un coup d’arrêt à ce processus. Il faudra attendre 2002 pour que Jimmy Carter effectue une visite historique à La Havane en tant qu’ex-président, suivi d’un second voyage en 2011.
L’Héritage Contrasté d’une Présidence Téméraire
Si la politique audacieuse de Jimmy Carter a ouvert de nouveaux horizons dans les relations entre les États-Unis et l’Amérique latine, elle s’est aussi heurtée à de nombreux défis et revers. Son successeur républicain Ronald Reagan optera d’ailleurs pour un retour à la confrontation, notamment avec Cuba.
Néanmoins, l’approche humaniste et multilatérale initiée par Jimmy Carter a posé les jalons d’un dialogue constructif, comme en témoignera des années plus tard la normalisation des relations avec Cuba sous la présidence de Barack Obama. Un héritage précieux, bien que fragile, pour le continent américain.
Jimmy Carter avait compris que la relation entre les États-Unis et le Panama ne pouvait conduire qu’à une nouvelle crise si la question du canal n’était pas réglée.
Luis Guillermo Solis, ex-président du Costa Rica
Le président Carter, décédé ce dimanche à l’âge de 98 ans, restera comme un dirigeant visionnaire qui a su bousculer les lignes de la diplomatie américaine en Amérique latine. S’il n’a pas toujours atteint ses objectifs, il a contribué à façonner un nouveau paradigme dans les relations interaméricaines, fondé sur le respect des droits humains, la promotion de la démocratie et la coopération.