La situation à Alep, deuxième ville de Syrie, a connu un tournant majeur ce samedi. Selon les informations rapportées par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni, le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et leurs alliés rebelles ont réussi à prendre le contrôle de la majeure partie de la ville, après une offensive lancée mercredi contre les forces gouvernementales.
Cette offensive d’ampleur marque la fin de plusieurs années d’un calme relatif dans le nord-ouest de la Syrie. Les combats acharnés qui se sont déroulés depuis mercredi ont fait 311 morts selon le dernier bilan de l’OSDH, dont 183 combattants du HTS et leurs alliés, 100 soldats et membres des forces progouvernementales, ainsi que 28 civils. Un lourd tribut qui témoigne de la violence des affrontements.
La Russie intervient, le gouvernement syrien se retire
Face à l’avancée des forces rebelles, des médias gouvernementaux syriens ont rapporté la mort de quatre civils dans le bombardement par le HTS d’une résidence d’étudiants à Alep. Mais la contre-attaque ne s’est pas arrêtée là. La Russie, allié clé du régime de Bachar al-Assad, est elle aussi entrée dans la danse. Pour la première fois depuis 2016, des raids aériens russes ont frappé Alep dans la nuit, coïncidant avec l’arrivée d’importants renforts militaires rebelles dans la région selon l’OSDH.
Malgré cette intervention, l’ONG affirme que « le gouverneur d’Alep et les commandants de la police et des services de sécurité se sont retirés du centre-ville ». Un retrait qui démontre l’ampleur de la progression rebelle et jihadiste, et soulève des questions sur la capacité du gouvernement à maintenir son emprise sur cette ville stratégique.
HTS, acteur majeur de la rébellion syrienne
Le groupe Hayat Tahrir al-Sham, qui domine cette offensive, n’est pas un acteur nouveau dans le conflit syrien. Issu de l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, il a progressivement étendu son contrôle sur de vastes zones dans le nord-ouest de la Syrie depuis le début de la guerre civile en 2011. Outre la majeure partie de la province d’Idleb, le HTS et ses alliés sont présents dans des territoires des régions voisines d’Alep, Hama et Lattaquié.
Leur offensive sur Alep intervient malgré un cessez-le-feu négocié en mars 2020 par la Russie et la Turquie, autre puissance impliquée dans le conflit syrien, après une précédente offensive du régime syrien. Cet accord avait permis d’instaurer un calme précaire dans la région. Sa remise en cause par l’opération en cours montre la fragilité des équilibres et la complexité persistante de la situation sur le terrain.
L’avenir d’Alep et de la Syrie en question
La prise de contrôle d’Alep par les rebelles et jihadistes porterait un coup dur au régime syrien de Bachar al-Assad. Depuis 2015 et avec le soutien crucial de la Russie et de l’Iran, le gouvernement avait réussi à reconquérir une grande partie du territoire syrien perdu aux mains de ses opposants depuis 2011.
Mais la situation reste très instable et fragmentée, comme le montre la nouvelle donne à Alep. Malgré des années de guerre et des centaines de milliers de morts, aucune solution politique globale n’est en vue. Les puissances étrangères impliquées dans le conflit, comme la Russie, l’Iran, la Turquie ou encore les États-Unis, poursuivent des agendas souvent divergents.
La population syrienne continue de payer le prix fort de cette guerre interminable. Des millions de personnes ont été déplacées et la crise humanitaire perdure, sans perspective d’amélioration durable. Les civils d’Alep se retrouvent une nouvelle fois au cœur des combats, pris en étau entre les différents protagonistes et soumis à un regain de violence.
Les développements des prochains jours seront cruciaux pour déterminer si les forces progouvernementales parviendront à reprendre pied à Alep ou si les rebelles et jihadistes consolideront leur mainmise. Au-delà, c’est l’équilibre géopolitique de toute la Syrie et la possibilité d’une désescalade durable du conflit meurtrier qui ravage le pays depuis plus de dix ans qui sont en jeu. Un nouveau test pour la communauté internationale et les vaines tentatives de résolution politique.