Imaginez une jeune femme de 18 ans, foulard rose sur la tête, s’occupant d’un âne au milieu d’un camp où le sable recouvre tout. Elle pense aux élections qui approchent et murmure un vœu simple : la paix. Cette scène, loin d’être fictionnelle, résume l’espoir fragile de milliers de jeunes en République centrafricaine.
L’espoir des jeunes face aux urnes en Centrafrique
À quelques jours d’un scrutin crucial, incluant l’élection présidentielle, les regards se tournent vers les plus jeunes. Dans les camps de déplacés autour de Birao, dans l’extrême nord-est du pays, ces adolescents et jeunes adultes portent en eux des rêves d’un avenir meilleur. Marqués par des années de conflits, ils voient dans le vote une opportunité de changer leur destin.
La chaleur est accablante, le quotidien rude, mais l’espérance reste vive. Ces jeunes, souvent privés d’éducation et de stabilité, placent tous leurs espoirs dans la paix durable. Pour eux, voter n’est pas seulement un droit : c’est un acte d’affirmation pour reconstruire un pays meurtri.
Une vie marquée par les déplacements forcés
Prenez Amani Abdramane, 18 ans. Elle a fui son village natal en 2015 avec sa famille après des violences ethniques. Son père a été tué quelques mois auparavant. Aujourd’hui, dans un camp improvisé près de Birao, elle s’occupe des tâches quotidiennes tout en pensant à l’avenir.
Son souhait est clair : que le futur président apporte la paix. Mais au-delà, elle rêve d’éducation pour elle et ses frères et sœurs. N’ayant pu aller plus loin que l’école primaire, elle incarne le parcours brisé de nombreux jeunes centrafricains.
Ces déplacements ne datent pas d’hier. Des décennies de conflits ont forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leurs foyers. En novembre 2025, plus de 416 000 déplacés internes étaient encore recensés, dont une grande majorité de moins de 25 ans.
« Mon souhait est que la personne pour qui je voterai nous apporte la paix. »
Amani Abdramane, 18 ans
Cette citation résume l’aspiration commune. La paix n’est pas un luxe, mais une nécessité pour envisager tout projet de vie.
Les primo-votants, une génération déterminée
Dans le quartier de Korsi, une radio communautaire sert de point de distribution des cartes d’électeurs. La foule est dense, l’excitation palpable. Beaucoup attendent ce moment depuis longtemps.
Marina Hajram, 18 ans, récupère sa carte avec un sourire. C’est sa première fois. L’émotion est forte : enfin, sa voix comptera. Derrière elle, Issa Abdoul, 25 ans, patiente aussi. Il veut garder précieusement ce document jusqu’au jour du vote.
Pour lui, ce scrutin représente une étape clé dans la reconstruction nationale. Ces jeunes déplacés, hébergés dans des conditions précaires, affrontent des obstacles supplémentaires. Beaucoup ont perdu leurs pièces d’identité en fuyant les combats.
« Je n’ai jamais voté de ma vie, je suis tellement heureuse. »
Marina Hajram, 18 ans
Cette joie simple illustre la détermination d’une génération qui refuse de rester silencieuse. Malgré les difficultés, ils se mobilisent pour faire entendre leurs priorités.
Le quartier accueille environ 7 000 des 10 000 déplacés de la ville. Ces chiffres soulignent l’ampleur du défi logistique pour assurer leur participation électorale.
La paix, fondation de tous les rêves
Dans un pays où 75 % de la population a moins de 35 ans, les jeunes représentent l’avenir. Pourtant, les violences persistantes freinent leurs projets. Si la situation s’est améliorée dans certaines zones urbaines, l’est du pays reste instable.
À la frontière avec les Soudans, des incursions armées et des exactions par des groupes rebelles locaux entretiennent l’insécurité. Ces troubles impactent directement la vie quotidienne des habitants de régions comme Birao.
Issene Abdoulkasim, 23 ans, en sait quelque chose. Son éducation s’est arrêtée au CM2. Aujourd’hui, il aspire à devenir couturier pour financer des études plus poussées. Son ambition ultime ? Devenir député pour promouvoir la paix et le développement.
« Je rêve d’étudier pour devenir député. Parce qu’en tant que député, je pourrai apporter la paix et le développement. »
Issene Abdoulkasim, 23 ans
Ses mots révèlent une maturité forgée par l’adversité. Pour lui, comme pour tant d’autres, la paix est le socle indispensable à toute progression personnelle et collective.
Ces aspirations ne sont pas isolées. Elles reflètent un consensus parmi les jeunes : sans stabilité, pas d’éducation, pas d’emplois, pas d’avenir serein.
Un scrutin à haut enjeu pour la jeunesse
Dimanche, plus de 2,3 millions d’électeurs sont appelés aux urnes pour un quadruple scrutin : municipal, régional, législatif et présidentiel. Sept candidats se disputent la magistrature suprême, dont le président sortant qui vise un troisième mandat.
Cette élection marque un tournant potentiel. Pour les jeunes déplacés, c’est l’occasion de peser sur l’avenir du pays. Beaucoup voteront pour la première fois, contrairement aux scrutins de 2020 où l’insécurité et leur âge les avaient écartés.
Seulement 13 % des déplacés vivent dans des camps organisés. La majorité est dispersée, rendant leur mobilisation plus complexe. Pourtant, leur participation pourrait influencer les résultats.
Les priorités des jeunes déplacés :
- Une paix durable pour retourner chez eux
- L’accès à l’éducation pour tous les enfants
- Des opportunités professionnelles et de formation
- La fin des violences ethniques et rebelles
Cette liste, bien que simple, résume des besoins essentiels. Elle montre à quel point les enjeux électoraux transcendent les questions politiques traditionnelles.
Des défis persistants dans l’est du pays
La région de Birao illustre parfaitement les contrastes centrafricains. Loin de la capitale, elle subit encore les répercussions de conflits voisins et internes. Les incursions depuis le Soudan voisin aggravent une situation déjà tendue.
Ces violences récurrentes maintiennent des milliers de familles en état de précarité. Les camps deviennent des refuges temporaires qui s’éternisent. Pour les jeunes, grandir dans cet environnement limite drastiquement leurs horizons.
Malgré cela, l’approche des élections ravive l’espoir. Les cartes d’électeurs distribuées symbolisent un pouvoir retrouvé. Chaque document remis est une petite victoire contre l’exclusion.
Les organisations internationales suivent de près cette mobilisation. Elles soulignent l’importance d’inclure ces voix marginalisées dans le processus démocratique.
Éducation et développement : les clés d’un renouveau
L’éducation revient constamment dans les témoignages. Pour Amani, Marina ou Issene, l’école représente la porte vers un avenir choisi, non subi. Pourtant, les conflits ont interrompu les scolarités de générations entières.
Reprendre des études, apprendre un métier, contribuer au pays : voilà les ambitions modestes mais profondes de ces jeunes. Ils ne demandent pas l’impossible, juste les conditions pour bâtir leur vie.
Leur engagement politique naît de cette frustration. En votant, ils espèrent élire des leaders capables de prioriser ces besoins fondamentaux. La reconstruction passe inévitablement par l’investissement dans la jeunesse.
« La seule chose que je demande, c’est que mes frères, mes sœurs et moi puissions aller à l’école. »
Amani Abdramane
Cette phrase, prononcée avec simplicité, porte une force immense. Elle rappelle que derrière les chiffres des déplacés se cachent des histoires individuelles pleines d’espoir.
Les jeunes centrafricains démontrent une résilience remarquable. Face à l’adversité, ils choisissent l’action civique plutôt que la résignation.
Vers une participation massive des jeunes ?
Le scrutin de dimanche pourrait marquer un tournant démographique. Avec une population majoritairement jeune, leur taux de participation sera scruté. Les efforts pour distribuer les cartes dans les camps portent leurs fruits.
Malgré les obstacles administratifs et sécuritaires, la mobilisation semble réelle. Ces primo-votants portent les aspirations d’un pays en quête de stabilité.
Quel que soit le résultat, leur voix aura été entendue. Elle rappelle aux candidats que la paix et le développement passent par l’écoute des plus vulnérables.
Dans les camps de Birao, sous le soleil implacable, l’attente est palpable. Ces jeunes déplacés incarnent l’avenir de la Centrafrique. Leur détermination à voter, malgré tout, inspire le respect.
Ils rêvent d’un pays où plus personne n’a à fuir, où l’école est accessible à tous, où la paix permet de construire. Dimanche, ils franchiront un pas vers ce rêve. L’espoir, ténu mais tenace, continue de guider leurs pas dans le sable.
En définitive, ces jeunes nous enseignent une leçon universelle : même dans les contextes les plus difficiles, l’espoir et l’engagement civique peuvent tracer la voie vers un lendemain meilleur.
Leur histoire mérite d’être connue, car elle dépasse les frontières de la Centrafrique. Elle parle de résilience humaine, de soif de paix et de la force de la jeunesse face à l’adversité.
En suivant ces élections, gardons en tête ces visages, ces voix. Ils nous rappellent que la démocratie se construit aussi dans les camps de déplacés, au cœur des régions oubliées.
La Centrafrique a besoin de paix pour guérir ses plaies. Ces jeunes le savent mieux que quiconque. Leur vote dimanche sera un cri d’espoir pour l’avenir.









