En Ouganda, la liberté d’expression est une fois de plus mise à mal. Un jeune homme de 21 ans, Emmanuel Nabugodi, vient d’écoper d’une peine de prison de 2 ans et 8 mois pour avoir posté une vidéo controversée sur le réseau social TikTok. Son crime ? Avoir appelé à la “flagellation publique” du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986.
Nabugodi avait mis en scène, dans sa vidéo virale, un simulacre de procès présidentiel. Un geste qui lui a valu d’être arrêté et reconnu coupable de “propagation de discours haineux” envers le chef de l’État octogénaire. Malgré une défense assurée par l’avocat Erias Lukwago, le tribunal n’a pas fait preuve de clémence. Le jeune tiktoker croupit désormais dans la prison de haute sécurité de Kigoo, non loin de la capitale Kampala.
Une tendance inquiétante en Ouganda
Le cas de Nabugodi est loin d’être isolé. En l’espace d’une semaine, il est le quatrième Ougandais à comparaître devant la justice pour des accusations similaires d’outrage au président et à sa famille. Un phénomène qui illustre le durcissement du régime de Museveni face à toute forme de dissidence, aussi minime soit-elle.
Les ONG et gouvernements occidentaux pointent régulièrement du doigt les atteintes aux droits humains et à la liberté d’expression qui minent l’Ouganda. Sous la férule de Museveni depuis près de quatre décennies, le pays s’enfonce dans un autoritarisme qui ne tolère guère la critique ou la moquerie envers ses dirigeants.
Des précédents alarmants
Emmanuel Nabugodi n’est malheureusement pas un cas unique. En juillet dernier, Edward Awebwa, 24 ans, avait écopé de six ans de prison pour avoir “diffusé des informations trompeuses et malveillantes” après avoir raillé le président et sa famille sur TikTok. L’écrivain Kakwenza Rukirabashaija, lui, a choisi l’exil en Allemagne en 2022 après avoir été arrêté et torturé pour des propos peu amènes envers Museveni et son fils sur les réseaux.
Même les figures intellectuelles n’échappent pas à la répression. La militante et autrice Stella Nyanzi a dû fuir en Europe après avoir passé plusieurs mois en prison en 2019 pour un poème critique envers le président. Des faits qui illustrent la détermination du régime à museler toute voix dissidente, y compris dans la sphère culturelle.
Un climat délétère pour la presse
Au-delà des particuliers, c’est tout le paysage médiatique ougandais qui est sous pression. Le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières place le pays à une peu enviable 128e place sur 180. Les journalistes qui osent aborder des sujets sensibles ou remettre en cause le pouvoir s’exposent à des représailles allant du harcèlement judiciaire à la violence physique.
Dans ce contexte, les réseaux sociaux apparaissent comme l’un des derniers espaces où les citoyens peuvent exprimer leur mécontentement, non sans risques. Les lourdes condamnations infligées à des jeunes internautes en sont la preuve. Pour Emmanuel Nabugodi et ses semblables, une simple vidéo humoristique peut virer au cauchemar carcéral.
Quel avenir pour la liberté d’expression en Ouganda ?
Le durcissement de la répression envers les voix critiques sur les réseaux sociaux soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir de la liberté d’expression en Ouganda. Si même une blague potache sur TikTok peut valoir des années de prison, quelle place reste-t-il pour un véritable débat démocratique ?
Les défenseurs des droits humains appellent la communauté internationale à accentuer la pression sur le régime de Museveni pour qu’il respecte les libertés fondamentales de ses citoyens. Mais dans un pays où le chef de l’État s’accroche au pouvoir depuis plus de 35 ans, le chemin vers une société plus ouverte et tolérante s’annonce semé d’embûches.
En attendant, Emmanuel Nabugodi et ses compagnons d’infortune payent le prix fort pour avoir osé défier, même sur le ton de l’humour, l’autorité présidentielle. Leur sort rappelle à quel point la liberté d’expression, pourtant consacrée par les textes internationaux, reste un combat de tous les instants dans certaines parties du monde. Un combat d’autant plus crucial à l’ère du numérique, où un simple post peut faire basculer une vie.