Imaginez un pays où l’inflation dépasse les 200 %, où l’économie vacille, et où un président autoproclamé « anarcho-capitaliste » promet de tout bouleverser. Ce pays, c’est l’Argentine, et ce président, c’est Javier Milei. Lors des législatives de mi-mandat du 26 octobre 2025, Milei a remporté un succès retentissant, obtenant plus de 40 % des voix au niveau national. Ce triomphe, inattendu par beaucoup, marque-t-il un tournant décisif pour l’Argentine ? Plongeons dans cette victoire électorale, ses implications, et ce qu’elle révèle de l’état actuel de ce géant sud-américain.
Un Vote de Confiance pour des Réformes Audacieuses
Le scrutin de dimanche a offert à Javier Milei une victoire éclatante, défiant les prévisions pessimistes des sondages. Avec 40,7 % des suffrages, son parti, La Libertad Avanza, a consolidé sa position comme une force politique majeure. Ce résultat n’est pas seulement un succès électoral ; il représente un véritable plébiscite pour les réformes ultralibérales que Milei défend depuis son élection à la présidence en 2023. Mais comment un président aussi clivant a-t-il réussi à rallier autant d’Argentins ?
Pour comprendre, il faut remonter à l’état de l’Argentine avant ce scrutin. L’économie, plombée par une crise chronique, souffrait de réserves de devises faibles et d’une monnaie, le peso, sous pression constante. Depuis deux mois, l’incertitude entourant les élections avait exacerbé ces tensions, faisant craindre une nouvelle dévaluation. Pourtant, Milei a transformé cette instabilité en un argument pour renforcer son mandat. Il a promis de poursuivre son programme de dérégulation et de réduction des dépenses publiques, présenté comme la seule voie pour sortir le pays de l’ornière.
« Ces élections sont la confirmation du mandat que nous avons reçu en 2023 pour avancer sur la voie réformiste. »
Javier Milei, lors de son discours post-électoral
Un Parlement Renforcé pour un Président Controversé
Le succès de La Libertad Avanza aux législatives n’est pas seulement symbolique. Selon les projections, le parti pourrait passer de 37 à 101 députés sur un total de 257, et de 6 à 20 sénateurs sur 72. Bien que cela ne suffise pas à obtenir une majorité absolue, ce gain significatif donne à Milei une marge de manœuvre accrue pour faire avancer ses projets. Auparavant, le président devait souvent recourir à des décrets ou à des alliances fragiles pour légiférer, ce qui limitait son efficacité face à un Parlement parfois hostile.
Cette nouvelle configuration parlementaire pourrait changer la donne. Avec un tiers des sièges, Milei dispose désormais d’un pouvoir de veto renforcé, un atout crucial pour imposer ses réformes. Parmi celles-ci, on compte des mesures de flexibilisation du marché du travail, des réformes fiscales, et une refonte du système de protection sociale. Ces projets, ambitieux, visent à transformer en profondeur une économie argentine marquée par des décennies de crises récurrentes.
Résultats clés des législatives 2025
- Score national de La Libertad Avanza : 40,7 % des voix
- Augmentation des députés : de 37 à environ 101
- Augmentation des sénateurs : de 6 à environ 20
- Participation électorale : 67,9 %, l’une des plus faibles depuis 1983
Un Bilan Économique à Double Tranchant
Javier Milei n’est pas arrivé à ce scrutin les mains vides. En 20 mois, son administration a accompli des progrès notables, notamment dans la lutte contre l’inflation. De plus de 200 % en 2023, elle est redescendue à 31,8 % en rythme annuel, un exploit dans un pays habitué aux spirales inflationnistes. De plus, Milei a réussi à instaurer un équilibre budgétaire, une première en 14 ans. Ces succès ont renforcé sa crédibilité auprès d’une partie de la population, lassée des promesses non tenues des gouvernements précédents.
Cependant, ce bilan a un revers. Les mesures d’austérité drastiques mises en place ont eu des conséquences sociales lourdes. Plus de 200 000 emplois ont été perdus, l’activité économique a reculé de 1,8 % en 2024, et la reprise attendue pour 2025 montre des signes d’essoufflement. Cette situation a creusé les inégalités, accentuant le sentiment d’une société à deux vitesses, où les plus vulnérables peinent à bénéficier des réformes.
« J’ai crié comme si c’était le but du dernier Mondial quand l’Argentine a été championne ! »
Facundo Campos, partisan de Milei, 38 ans
Un Style Clivant : Entre Provocation et Pragmatisme
Javier Milei est connu pour son style abrasif. Il n’a pas hésité à qualifier le Parlement de « nid à rats » ou à insulter ses opposants, ce qui lui a valu de nombreuses inimitiés. Cette approche, bien que fédératrice pour ses partisans, a souvent compliqué ses relations avec les autres forces politiques. Pourtant, lors de son discours post-électoral, Milei a semblé tendre la main, évoquant la possibilité de dialoguer avec des députés et sénateurs d’autres camps pour bâtir des consensus.
Ce changement de ton pourrait répondre aux attentes de l’opposition modérée, des acteurs économiques, et même d’institutions comme le FMI, qui insistent sur la nécessité de construire un soutien politique large. Les analystes s’accordent à dire que Milei devra faire preuve de plus de pragmatisme pour transformer son succès électoral en réformes concrètes. Comme le souligne le politologue Sergio Berensztein :
« Milei doit montrer de la flexibilité, de l’humilité et une disposition à des accords avec les gouverneurs et l’opposition. »
Sergio Berensztein, politologue
Les Défis à Venir : Réformer dans un Contexte Fragile
Avec un Parlement plus favorable, Milei a une opportunité unique de mettre en œuvre son programme. Parmi ses priorités pour les deux années restantes de son mandat figurent :
- Réforme fiscale pour simplifier et réduire les impôts
- Flexibilisation du marché du travail pour stimuler l’emploi
- Révision du système de protection sociale pour réduire les dépenses
- Poursuite de la lutte contre l’inflation, avec un objectif ambitieux de l’éradiquer d’ici mi-2026
Ces réformes, bien que séduisantes pour les partisans de Milei, risquent de rencontrer une résistance farouche. L’opposition péroniste, bien que fragilisée, reste une force influente, et le faible taux de participation (67,9 %) reflète une certaine désaffection de la population. Cette apathie pourrait compliquer la légitimation des réformes, surtout si elles aggravent les tensions sociales.
Un Soutien International et des Promesses Ambitieuses
Le succès de Milei a également attiré l’attention internationale. Son allié américain, Donald Trump, a promis une aide financière pouvant atteindre 40 milliards de dollars pour stabiliser l’économie argentine. Cette manne, si elle se concrétise, pourrait offrir une bouffée d’oxygène à un pays aux réserves de devises exsangues. Cependant, cette dépendance à l’aide extérieure soulève des questions sur la souveraineté économique de l’Argentine.
En parallèle, Milei devra naviguer dans un contexte international exigeant. Le FMI, créancier majeur de l’Argentine, pousse pour des réformes structurelles, mais aussi pour une plus grande inclusion sociale. Trouver un équilibre entre ces pressions externes et les attentes de sa base électorale sera un défi de taille.
Une Société Divisée Face à l’Avenir
Le triomphe de Milei ne fait pas l’unanimité. Dans les rangs de l’opposition, notamment chez les péronistes, le désarroi est palpable. Un militant, Mariano, 61 ans, exprime un sentiment d’impuissance face à l’ascension de Milei : « Ce qui gagne, c’est l’indifférence. » Cette fracture reflète une société argentine profondément divisée, entre ceux qui voient en Milei un sauveur et ceux qui craignent que ses réformes ne creusent davantage les inégalités.
La faible participation électorale, l’une des plus basses depuis 1983, est un signal inquiétant. Elle suggère une défiance envers le système politique, qui pourrait compliquer la mise en œuvre des réformes à long terme. Milei devra non seulement convaincre les parlementaires, mais aussi rallier une population fatiguée par des décennies de crises.
Vers un Tournant Historique ?
Les législatives de 2025 marquent un moment charnière pour l’Argentine. Javier Milei, avec son style provocateur et ses idées radicales, a su transformer un climat d’incertitude en une opportunité politique. Son pari : faire de l’Argentine un modèle d’ultralibéralisme en Amérique latine. Mais ce projet ambitieux repose sur sa capacité à concilier des réformes audacieuses avec les réalités d’une société fracturée.
Pour l’heure, Milei savoure une victoire qui renforce son assise. Mais les deux années à venir seront cruciales. Parviendra-t-il à éradiquer l’inflation, à relancer l’économie, et à unifier un pays divisé ? L’Argentine retient son souffle, et le monde observe.
L’Argentine se trouve à un carrefour. Le succès de Milei aux législatives pourrait redessiner le paysage politique et économique du pays, mais à quel prix ?









