Imaginez un président ultralibéral qui, fort d’une victoire électorale éclatante, s’apprête à remodeler l’économie de son pays avec des réformes ambitieuses. Javier Milei, en Argentine, vient de remporter près de 40 % des voix aux élections législatives de mi-mandat. Ce succès lui ouvre la voie pour un triptyque de changements structurels : fiscalité, marché du travail, et plus tard, retraites.
Les Réformes de Deuxième Génération en Vue
Ce n’est pas une simple continuation des mesures initiales. Milei parle explicitement de réformes « de deuxième génération ». Elles visent à transformer en profondeur les fondations économiques argentines pour les deux années restantes de son mandat.
Le contexte est clair : l’Argentine traîne des problèmes chroniques. L’emploi informel représente 42 à 43 % du total, affectant non seulement les postes peu qualifiés mais l’ensemble de l’économie. Milei voit là une opportunité pour des changements radicaux.
Un Parlement Plus Favorable Dès Décembre
Le nouveau Parlement sera investi le 10 décembre. Milei disposera de la plus forte minorité à la Chambre des députés avec un bloc de 107 sièges. Cela inclut son parti La Libertad Avanza et l’allié du PRO, issu de la droite traditionnelle.
Au Sénat, la situation est similaire avec 24 sénateurs. Ce renforcement lui offre un levier inédit. Il pourrait convoquer une session extraordinaire pour accélérer les projets ou patienter jusqu’à la session ordinaire en mars 2026.
Milei a exprimé son espoir de voir les réformes fiscale et du travail approuvées en 2026. La réforme des retraites, elle, est reléguée plus tard. Il la juge impossible sans une recomposition préalable du marché du travail.
On a un plan pour réduire 20 taxes (…) de sorte que, les taux d’imposition diminuant, l’évasion fiscale n’ait plus de sens.
Cette stratégie fiscale cible directement l’emploi. En allégeant les charges sur les entreprises, Milei veut inciter à la création de postes formels. L’objectif : rendre l’informel moins attractif en baissant les incitations à l’évasion.
Flexibiliser le Marché du Travail
Le régime actuel des contrats est qualifié d’anachronique par Milei. Datant de plus de 70 ans, il ne correspond plus au monde contemporain. La flexibilisation est au cœur de ses propositions.
Parmi les mesures phares : des horaires pouvant aller jusqu’à 12 heures par jour. Des périodes d’essai allongées et un régime d’indemnités revu. Milei assure que les contrats existants perdureront pour ne léser personne.
Deux points cristallisent les débats. D’abord, la priorité des négociations par entreprise sur les conventions de branche. Ensuite, l’introduction de salaires dynamiques intégrant la productivité individuelle.
Points clés de la flexibilisation :
- Horaires étendus jusqu’à 12 heures
- Périodes d’essai prolongées
- Indemnités adaptées
- Négociations prioritaires en entreprise
- Salaires liés à la productivité
Milei présente cela comme un gagnant-gagnant. Les outsiders du marché du travail y adhéreraient volontiers. Même les syndicats y gagneraient avec de nouveaux adhérents formels.
Pourtant, la résistance s’annonce forte. La grande centrale syndicale CGT est sur le qui-vive. Elle y voit une précarisation déguisée en modernisation.
Vers des Alliances Inattendues ?
Depuis la victoire, Milei a multiplié les signaux d’ouverture. Par trois fois, il a évoqué la concertation au-delà de son camp libertarien. Un ton nouveau pour cet ultralibéral souvent solitaire.
Nous savons que d’autres veulent arriver au même point, mais avec une dynamique différente, et je crois qu’il y a un espace pour le dialogue.
A-t-il le choix ? Aucune majorité absolue en vue, ni pour lui ni pour quiconque. Le patronat, représenté par l’Union industrielle argentine, pousse dans ce sens. Bâtir du consensus devient le défi majeur.
Martin Rappallini, président de cette union, le résume parfaitement. Ces réformes attendues depuis des lustres nécessitent un large accord. Milei semble prêt à s’asseoir à la table des négociations.
Le Spectre de la Protestation Sociale
Le soutien électoral a une durée limitée. Certaines mesures touchent au quotidien des Argentins. L’économiste Pablo Tigani alerte sur ce risque.
Sur fond de récession, comprendre l’impact sur retraites, droits du travail et salaires pourrait accélérer les mécontentements. La protestation sociale menace d’éclater.
La CGT dénonce un nouvel ordre du travail augmentant inégalités et précarité. Pour le politologue Carlos Fara, ces réformes structurelles sont nécessaires mais pas prioritaires pour le quotidien immédiat.
| Aspect | Objectif de Milei | Risques Identifiés |
|---|---|---|
| Fiscalité | Réduire 20 taxes pour formaliser l’emploi | Évasion persistante si mal calibré |
| Marché du travail | Flexibiliser contrats et négociations | Résistance syndicale forte |
| Retraites | Réformer après le travail | Protestations massives potentielles |
La reprise de l’activité économique reste la priorité absolue. Sans elle, les réformes risquent de s’enliser. Le contexte de pertes d’emploi et d’économie au ralenti complique tout.
La Fiscalité au Service de l’Emploi Formel
Plongeons plus en profondeur dans la stratégie fiscale. L’emploi informel n’est pas qu’un fléau des bas salaires. Il gangrène l’ensemble du système productif argentin.
Milei propose une réduction massive de 20 taxes. L’idée : diminuer les taux d’imposition jusqu’à rendre l’évasion inutile. Les entreprises n’auront plus intérêt à rester dans l’ombre.
Cela allège le coût du travail. Les charges patronales baissent, incitant à recruter ou à formaliser les emplois existants. Une approche purement incitative, typique de l’ultralibéralisme.
Les gens, selon Milei, préféreront naturellement la légalité. Plus de sens à l’informel quand les avantages fiscaux s’évaporent. Cette vision optimiste mise sur la rationalité économique des acteurs.
Un Marché du Travail Reconçu pour le XXIe Siècle
Le code du travail argentin date d’une autre ère. Plus de sept décennies sans adaptation majeure. Milei veut le moderniser radicalement.
Horaires flexibles jusqu’à 12 heures : une mesure pour s’adapter aux besoins des entreprises modernes. Périodes d’essai étendues pour tester les compétences sans risque excessif.
Le régime d’indemnités sera revu pour plus d’équilibre. Milei insiste : personne ne perdra ses droits acquis. Seuls les nouveaux contrats bénéficieront des flexibilités.
La priorité aux accords d’entreprise sur les branches sectorielles change la donne. Cela permet une adaptation locale fine. Les salaires incluront une part variable liée à la performance individuelle.
On ne vise les droits de personne, assure M. Milei.
Cette promesse vise à désamorcer les critiques. Pourtant, les syndicats y voient une menace existentielle. Leur pouvoir de négociation collective pourrait s’effriter.
Les Retraites : Dernière Étape d’un Long Parcours
Milei est clair : pas de réforme des retraites avant une refonte du marché du travail. Cette séquence n’est pas anodine. Elle conditionne le succès de la dernière phase.
Sans emplois formels massifs, tout système de retraites reste bancal. L’informel prive les caisses de cotisations vitales. La recomposition préalable est donc impérative.
Cette approche pragmatique diffère de réformes brutales passées. Milei veut poser les bases solides avant de toucher à ce dossier explosif. Les retraites touchent des millions d’Argentins directement.
Aborder ce sujet trop tôt risquerait un backlash massif. La patience stratégique semble guider le président. 2026 pour fiscalité et travail, ensuite seulement les retraites.
Le Défi du Consensus Politique
Sans majorité absolue, Milei doit composer. Son ouverture au dialogue marque un virage. Fini le solitaire intransigeant ? Peut-être pas, mais la realpolitik s’impose.
Le PRO, allié de droite, renforce son bloc. Mais pour les réformes ambitieuses, il faudra plus. D’autres camps partagent des objectifs similaires, même avec des méthodes différentes.
Milei appelle à s’asseoir et trouver des accords. Cette main tendue surprend après une campagne virulente. La victoire électorale donne de la marge de manœuvre.
Le patronat applaudit cette voie. Martin Rappallini insiste : consensus obligatoire. Ces réformes ne passeront pas par la force brute.
Le défi de ce gouvernement : bâtir du consensus pour des changements structurels.
Risques Sociaux et Économiques à l’Horizon
La lune de miel post-électorale ne durera pas éternellement. Pablo Tigani met en garde : la compréhension tardive des impacts pourrait enflammer la rue.
Retraites, salaires, droits : ces thèmes sont sensibles. En période de récession, toute mesure perçue comme régressive risque l’explosion.
La CGT prépare déjà sa riposte. Modernisation ou précarisation ? Le débat est lancé. Pour elle, c’est une réédition de politiques inégalitaires passées.
Carlos Fara tempère : l’Argentine a besoin de ces réformes. Mais le quotidien prime. Reprise de l’activité d’abord, structurels ensuite.
Une Stratégie en Trois Temps
Récapitulons le calendrier envisagé. Décembre : nouveau Parlement. Possible session extraordinaire pour lancer les débats.
2026 : approbation espérée pour fiscalité et travail. Réduction de 20 taxes en pole position. Flexibilisation des contrats suit de près.
Après : retraites. Seulement quand le marché du travail sera assaini. Une logique séquentielle pour maximiser les chances de succès.
Cette patience calculée distingue Milei. Pas de tout, tout de suite. Prioriser pour éviter l’échec global.
Impacts Potentiels sur l’Économie Argentine
Si réussies, ces réformes pourraient transformer l’Argentine. Emploi formel en hausse grâce à la fiscalité allégée. Productivité boostée par la flexibilisation.
Entreprises plus compétitives. Investissements attirés par un marché du travail moderne. Retraites viables à long terme avec plus de cotisants.
Mais les obstacles sont nombreux. Résistance syndicale, inertie parlementaire, conjoncture défavorable. Le chemin s’annonce semé d’embûches.
Milei parie sur le dialogue et le consensus. Saura-t-il convaincre au-delà de son base ? Les prochains mois diront si cette stratégie paie.
Les Acteurs Clés en Présence
La Libertad Avanza : parti de Milei, fer de lance libertarien. Le PRO : allié de droite, apportant expérience et sièges.
Union industrielle : voix du patronat, pressant pour les réformes. CGT : syndicat majeur, en opposition frontale.
Économistes comme Tigani et politologues comme Fara : observateurs critiques. Leur analyse éclaire les risques et opportunités.
Tous ces acteurs façonneront l’issue. Milei doit naviguer entre alliances et oppositions. Un équilibre délicat.
Perspectives pour les Deux Années à Venir
Les deux ans restants s’annoncent intenses. Parlement réceptif mais pas acquis. Réformes ambitieuses mais contestées.
Milei dopé par sa victoire joue gros. Succès : entrée dans l’histoire comme réformateur. Échec : blocage et impopularité rapide.
La méthode reste l’inconnue majeure. Dialogue sincère ou passage en force déguisé ? Les signaux d’ouverture laissent espérer la première option.
L’Argentine retient son souffle. Ces réformes de deuxième génération pourraient marquer un tournant. Ou plonger le pays dans de nouvelles turbulences.
À suivre : comment Milei transformera-t-il ces promesses en lois concrètes ?
En attendant, le président prépare le terrain. Session extraordinaire ou ordinaire ? Les choix tactiques commenceront dès décembre.
L’emploi informel, boulet économique, pourrait enfin être allégé. Si la fiscalité suit. Le travail flexibilisé, si les négociations aboutissent.
Les retraites attendront. Sagesse ou report d’un dossier trop chaud ? L’avenir le dira.
Milei avance avec prudence calculée. Son succès électoral n’est qu’un début. La vraie bataille parlementaire et sociale commence maintenant.
Restez attentifs : l’Argentine ultralibérale de Milei pourrait réserver bien des surprises. Entre alliances inattendues et résistances farouches, le spectacle est lancé.
