Alors que l’intelligence artificielle ne cesse de gagner du terrain, ses besoins en énergie croissent de façon exponentielle. Face à ce défi, le président argentin Javier Milei a fait une annonce fracassante : l’Argentine va se doter de nouveaux réacteurs nucléaires, y compris des petits réacteurs modulaires (SMR), pour répondre à cette demande grandissante. Un pari audacieux qui pourrait bien transformer le paysage énergétique du pays.
L’énergie nucléaire, «seule suffisamment efficace» selon Milei
Dans une vidéo publiée le vendredi 20 décembre, le chef d’État a affirmé sans détour que «l’énergie nucléaire est la seule suffisamment efficace, abondante et rapidement évolutive pour faire face au développement de notre civilisation». Selon lui, le mode de production énergétique actuel ne permettra pas à l’Argentine de «répondre à cette nouvelle demande» liée à l’essor fulgurant de l’IA.
Javier Milei mise donc sur l’atome pour propulser son pays dans une nouvelle ère énergétique. L’Argentine dispose déjà de trois centrales nucléaires – Atucha I, Atucha II et Embalse – qui ont fourni 9% de l’électricité consommée dans le pays en juillet 2024. Mais le président veut aller plus loin, bien plus loin.
Un premier SMR sur le site d’Atucha
La première étape de ce plan ambitieux ? La construction d’un petit réacteur modulaire sur le site d’Atucha, près de Buenos Aires, comme l’a révélé Demian Reidel, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Les SMR, plus compacts et plus simples à fabriquer que les réacteurs traditionnels, sont vus par beaucoup comme l’avenir du nucléaire civil.
Plusieurs pays, dont la Russie, le Canada, la Chine, la Corée du Sud et les États-Unis, ont des projets SMR en cours. L’Argentine compte bien rejoindre ce club très fermé et se positionner comme un leader dans ce domaine en Amérique latine.
Le projet CAREM, grand oublié de Milei ?
Pourtant, l’annonce présidentielle a suscité quelques interrogations. Adriana Serquis, ancienne présidente de la Commission nationale de l’énergie atomique (CNEA), y voit une «énorme contradiction». Elle rappelle en effet qu’un projet de SMR 100% argentin, baptisé CAREM, est déjà «très proche de l’achèvement» et «doit être mis en service en 2028».
Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Javier Milei fin 2023, «la construction du CAREM a été ralentie au point d’être pratiquement à l’arrêt», déplore Diego Hurtado, ex-secrétaire à la planification et aux politiques du ministère des sciences. Dans le cadre de son plan «tronçonneuse» visant à tailler dans les dépenses publiques, le président a supprimé plus de 30.000 postes dans la fonction publique et amputé le budget alloué à la science et la technologie.
Réchauffer les relations avec Paris
Au-delà des frontières argentines, l’annonce de Javier Milei a été saluée par plusieurs pays, à commencer par la France. Malgré leurs divergences idéologiques, Emmanuel Macron compte profiter de sa visite à Buenos Aires ce week-end pour relancer les relations d’affaires entre les deux pays, notamment dans le secteur du nucléaire civil.
Le géant français du nucléaire Framatome pourrait ainsi décrocher de juteux contrats en Argentine, que ce soit pour la construction de nouveaux réacteurs ou pour la maintenance des centrales existantes. De quoi réchauffer les relations entre Paris et Buenos Aires, refroidies ces dernières années par les déboires économiques argentins.
Un pari risqué mais nécessaire ?
Reste à savoir si le pari nucléaire de Javier Milei portera ses fruits. Ses détracteurs dénoncent un projet coûteux et risqué, dans un pays encore fragile économiquement. Ils pointent aussi du doigt les défis liés à la gestion des déchets radioactifs et à la sécurité des installations.
Mais pour le président argentin, il n’y a pas d’alternative. Face à l’urgence climatique et à la révolution de l’IA, l’atome serait la seule option viable pour assurer l’indépendance énergétique du pays. Un argument qui fait mouche auprès d’une partie de la population, lassée des coupures d’électricité à répétition.
Le nucléaire n’est pas une option, c’est une nécessité. Nous devons penser à long terme et investir massivement dans cette filière, pour le bien des générations futures.
Javier Milei, président de l’Argentine
Une chose est sûre : avec son plan nucléaire ambitieux, Javier Milei ne laisse personne indifférent. Ses partisans y voient un geste visionnaire, susceptible de propulser l’Argentine dans le club des grandes nations atomiques. Ses opposants, eux, redoutent un nouveau mirage qui pourrait coûter cher au pays. L’avenir nous dira qui avait raison.
En attendant, les yeux du monde entier sont braqués sur Buenos Aires. Car ce qui se joue en Argentine pourrait bien préfigurer les choix énergétiques que devront faire de nombreux pays dans les années à venir, tiraillés entre la tentation du nucléaire et la peur de l’atome. Un dilemme cornélien aux enjeux colossaux.