C’est un moment poignant et historique qui s’est déroulé mercredi au Japon. Hideo Yamada, un haut responsable du parquet, a présenté ses excuses à Iwao Hakamada, 88 ans. Cet homme a passé 46 années derrière les barreaux, dont une grande partie dans le couloir de la mort, avant d’être finalement innocenté.
Iwao Hakamada avait été condamné à la peine capitale en 1968 pour le meurtre de son patron et de trois membres de sa famille. Malgré ses protestations d’innocence, il a vu les années s’écouler en prison, son destin suspendu à l’ombre de la potence. C’est sa sœur, Hideko, qui a mené un combat acharné pour prouver son innocence et obtenir sa libération.
Un procès en révision qui bouleverse tout
Fin septembre, un juge a finalement déclaré Iwao Hakamada innocent du quadruple meurtre. Un véritable coup de tonnerre dans cette affaire vieille de plus d’un demi-siècle. Le magistrat a estimé que des éléments de preuve avaient été « fabriqués » et que les interrogatoires subis par l’accusé étaient « inhumains », visant à lui infliger une « douleur physique et mentale » pour obtenir des aveux sous la contrainte.
Suite à cette décision, le chef de la police locale s’était déjà rendu au domicile d’Iwao Hakamada en octobre pour lui présenter ses excuses. Mercredi, c’était au tour du procureur régional en chef, Hideo Yamada, de venir s’incliner devant le vieil homme et sa sœur.
Nous sommes terriblement désolés que vous, M. Iwao Hakamada, ayez été placé dans des conditions juridiquement instables pendant une période très longue, vous obligeant, ainsi que votre sœur Hideko, à vivre des moments difficiles qu’il est à peine possible d’exprimer par des mots.
Hideo Yamada, procureur régional en chef
Une affaire qui interroge sur la peine de mort
Le calvaire d’Iwao Hakamada et son acquittement après tant d’années remettent en lumière la question de la peine de mort au Japon. Le pays est l’un des derniers pays développés, avec les États-Unis, à encore appliquer ce châtiment suprême et irrévocable.
Pourtant, plusieurs affaires troublantes d’erreurs judiciaires sont venues ébranler la confiance dans le système. Iwao Hakamada est le cinquième condamné à mort à avoir obtenu un procès en révision depuis l’après-guerre au Japon. Et dans les quatre cas précédents, les accusés ont également fini par être acquittés.
Malgré ces zones d’ombre, le nouveau ministre japonais de la Justice a déclaré qu’il serait « inapproprié » d’abolir la peine capitale, tout en appelant à la « prudence » dans les condamnations. Un positionnement qui montre la difficulté à faire évoluer les mentalités sur ce sujet sensible au Japon, où la peine de mort bénéficie encore d’un large soutien de l’opinion publique.
Le combat d’une vie pour la vérité
Au-delà des débats sur la peine de mort, l’histoire d’Iwao Hakamada est avant tout celle d’un homme broyé par une terrible erreur judiciaire. Un innocent qui a vu sa vie basculer du jour au lendemain, condamné à mort pour des crimes qu’il n’avait pas commis.
Pendant toutes ces années, c’est sa sœur Hideko qui a été son plus grand soutien. Elle n’a jamais cessé de clamer l’innocence de son frère et de se battre pour sa libération. Un combat de longue haleine, semé d’embûches et de déceptions, mais qu’elle a mené avec une détermination sans faille.
Nous sommes extrêmement heureux qu’il ait été reconnu innocent. Merci d’être venus aujourd’hui.
Hideko Hakamada, sœur d’Iwao Hakamada
Aujourd’hui, à 88 ans, Iwao Hakamada est enfin un homme libre. Mais peut-on vraiment réparer une vie brisée, effacer un demi-siècle passé derrière les barreaux ? Les excuses du parquet sont un premier pas, une reconnaissance de l’injustice subie. Mais elles ne pourront jamais rendre à cet homme les années perdues.
L’acquittement d’Iwao Hakamada restera comme un moment marquant dans l’histoire judiciaire du Japon. Un symbole des failles d’un système qui peut condamner des innocents à mort. Mais surtout, un témoignage poignant de la force de l’amour fraternel et du combat d’une sœur pour la vérité et la justice, envers et contre tout.