Imaginez une journée ordinaire à Jakarta, l’heure du déjeuner, des employés qui discutent dans les couloirs… Et soudain, une explosion sourde au rez-de-chaussée. En quelques minutes, un immeuble de bureaux entier se transforme en piège mortel. Hier, mardi, ce scénario cauchemardesque est devenu réalité dans le quartier animé de Kemayoran.
Une explosion de batterie de drone à l’origine du drame
Tout a commencé par un incident que personne n’aurait imaginé aussi destructeur. Une batterie de drone, stockée au rez-de-chaussée dans les locaux d’une entreprise spécialisée dans les drones agricoles, a explosé en début d’après-midi. Le feu s’est immédiatement propagé, bloquant les issues et transformant les étages en fournaise.
Les premières flammes ont été signalées peu après 14 heures locales. Très vite, une épaisse fumée noire s’est élevée dans le ciel de Jakarta, visible à des kilomètres. Les témoins décrivent une scène de panique totale : les alarmes qui hurlent, les employés qui courent dans les escaliers, et cette odeur âcre qui envahit tout.
Un bilan humain particulièrement lourd
À 17 heures, le chef de la police du centre de Jakarta a annoncé un chiffre glaçant : 22 personnes avaient perdu la vie. Parmi elles, sept hommes et quinze femmes, dont une femme enceinte. Ce qui frappe les secours, c’est que la plupart des victimes ne présentent presque aucune brûlure.
Le véritable tueur ? La fumée toxique. Les victimes ont été asphyxiées en tentant de fuir ou en restant coincées dans les bureaux. Un phénomène malheureusement classique dans les incendies modernes, où les matériaux synthétiques dégagent des gaz mortels bien avant que les flammes n’atteignent les personnes.
« La majorité des victimes sont probablement mortes par asphyxie », a déclaré le responsable policier Susatyo Purnomo Condro.
Une intervention massive des secours
Plus de cent pompiers et vingt-neuf camions ont été mobilisés. Les images tournées par les chaînes locales montrent des scènes impressionnantes : des grandes échelles déployées jusqu’au toit pour évacuer les derniers occupants, des lances à incendie qui arrosent sans relâche la façade noircie, des vitres qui éclatent sous la chaleur.
Même plusieurs heures après l’extinction des flammes principales, les pompiers continuaient à refroidir le bâtiment. La structure, encore extrêmement chaude, dégageait une fumée persistante à plusieurs étages. Chaque recoin devait être inspecté pour retrouver d’éventuels survivants… ou d’autres victimes.
Une riveraine, Nurhayati, 53 ans, a assisté à l’arrivée des premiers secours : « Quand les pompiers ont forcé la porte, c’était déjà l’enfer à l’intérieur. Le feu avait tout envahi en très peu de temps. » Son témoignage résume la violence de la propagation.
Pourquoi une batterie de drone a-t-elle pu causer une telle catastrophe ?
Les batteries lithium-ion, largement utilisées dans les drones professionnels, sont connues pour leur densité énergétique exceptionnelle. Mais elles présentent aussi un risque majeur : l’emballement thermique. Une surcharge, un court-circuit ou un choc peut déclencher une réaction en chaîne impossible à arrêter.
Dans un local professionnel, entreposer ce type de matériel sans protection spécifique (armoire ignifugée, système de détection dédié) peut transformer une simple pièce en bombe incendiaire. Les enquêteurs vont désormais examiner les conditions de stockage, les autorisations, et les éventuelles négligences.
Le chef de la police a été clair : « Nous vérifierons si des règles ont été enfreintes, si les permis étaient en ordre, et si une responsabilité pénale peut être engagée. » Une enquête approfondie du laboratoire médico-légal est en cours.
Les incendies mortels, un fléau récurrent en Indonésie
Ce drame n’est malheureusement pas isolé. L’archipel indonésien paie régulièrement un lourd tribut aux incendies. En 2023, une explosion dans une usine de nickel avait déjà coûté la vie à douze personnes et blessé des dizaines d’autres.
Les causes sont souvent similaires : normes de sécurité laxistes, stockage dangereux de produits inflammables, bâtiments anciens non conformes, et parfois une réponse des secours ralentie par les embouteillages monstres de Jakarta.
Chaque fois, les autorités promettent des enquêtes et des mesures. Mais les drames se répètent, rappelant cruellement que la sécurité incendie reste un défi majeur dans un pays en développement rapide.
Que retenir de cette tragédie ?
Derrière les chiffres, il y a vingt-deux vies fauchées brutalement. Des familles détruites en quelques minutes. Des collègues qui ne rentreront jamais chez eux. Et une question lancinante : aurait-on pu éviter ce carnage ?
Ce drame met en lumière les dangers méconnus des nouvelles technologies. Les drones agricoles, pourtant utiles pour l’agriculture indonésienne, transportent dans leurs batteries une énergie capable de tout dévaster si les règles élémentaires ne sont pas respectées.
Alors que les secours continuent de fouiller les décombres et que le bilan pourrait encore s’alourdir, Jakarta retient son souffle. La ville tentaculaire, habituée aux catastrophes naturelles, découvre que le danger peut aussi venir… d’une simple batterie mal stockée.
Ce mardi noir dans le quartier de Kemayoran restera gravé dans les mémoires. Espérons qu’il servira, cette fois, de véritable électrochoc pour renforcer la sécurité des milliers de bâtiments qui abritent chaque jour des millions d’Indonésiens.
À l’heure où nous publions cet article, les opérations de secours se poursuivent et le bilan définitif n’est pas encore connu. Nos pensées accompagnent les familles des victimes et les survivants choqués par cette tragédie.









