Imaginez un homme qui, depuis les rangs de l’armée, a toujours porté en lui la flamme d’un passé sombre, un passé où la dictature régnait sans partage sur le Brésil. Jair Bolsonaro, cet ancien capitaine à la retraite, n’a jamais caché son admiration pour les années de plomb entre 1964 et 1985. Aujourd’hui, alors que les échos de son mandat présidentiel résonnent encore, il se trouve au bord d’un abîme judiciaire qui pourrait bien sceller son destin politique pour des décennies.
Son parcours est celui d’un provocateur né, un homme qui a su transformer ses controverses en armes électorales. Devenu le leader incontesté de la droite et de l’extrême droite brésilienne, il a gouverné la première puissance d’Amérique latine de 2019 à 2022. Mais son règne a été marqué par des défis constants aux piliers de la démocratie, culminant en une accusation de tentative de coup d’État qui le place sous les feux des projecteurs de la Cour suprême.
Un Héritage Chargé de Nostalgie Dictatoriale
Pour comprendre l’essence de Jair Bolsonaro, il faut plonger dans les racines de son discours. Dès ses débuts en politique, il s’est distingué par des déclarations qui frôlaient l’apologie d’un régime autoritaire. En 2016, alors qu’il se préparait à conquérir le pouvoir, il lâcha une phrase qui fit scandale : l’erreur de la dictature n’avait pas été de tuer, mais de torturer les opposants. Ces mots, prononcés sans un brin de remords, résument une vision du monde où la fermeté l’emporte sur les droits humains.
Ce style abrasif n’était pas un accident. Bolsonaro a bâti sa popularité sur des sorties qui choquaient et polarisaient. Misogynes, racistes ou homophobes, ses propos visaient à rallier une base électorale frustrée par les avancées sociales des décennies précédentes. Il se présentait comme le rempart contre un progressisme qu’il qualifiait de décadent, promettant un retour à des valeurs traditionnelles ancrées dans l’ordre et la discipline militaire.
Son ascension n’aurait pas été possible sans un contexte brésilien en ébullition. Les scandales de corruption qui avaient miné les gouvernements précédents, notamment sous les sociaux-démocrates, avaient laissé un vide. Bolsonaro, avec sa rhétorique simple et directe, combla ce vide en incarnant l’anti-système. Pourtant, loin d’être un outsider, il avait déjà siégé comme député pendant plus de deux décennies, depuis 1991, affinant son message au fil des années.
L’erreur a été de torturer et non de tuer.
Jair Bolsonaro, 2016
Cette citation, extraite d’un discours public, illustre parfaitement comment il normalisait l’horreur du passé. Elle n’était pas isolée ; elle s’inscrivait dans une série de déclarations qui testaient les limites de l’acceptable. Pour ses détracteurs, c’était une menace voilée contre les acquis démocratiques ; pour ses partisans, une preuve de franchise rafraîchissante dans un monde politique perçu comme hypocrite.
Les Racines d’un Capitaine Rebelle
Né le 21 mars 1955 dans une famille d’origine italienne près de São Paulo, Jair Bolsonaro grandit dans un Brésil encore marqué par les soubresauts post-dictature. Fils d’un dentiste et d’une vendeuse, il choisit tôt la voie des armes, entrant à l’Académie militaire des Agulhas Negras. Là, il forge son caractère, imprégné des valeurs d’obéissance et de patriotisme exacerbé qui le définiront plus tard.
Sa carrière militaire est modeste, ponctuée de mutineries mineures qui le propulsent dans les médias. En 1986, il publie une lettre ouverte dans un journal, réclamant des salaires plus élevés pour les officiers. Ce coup d’éclat lui vaut une sanction, mais aussi une notoriété naissante. Démissionné en 1988, il se lance en politique locale à Rio de Janeiro, où il est élu conseiller municipal dès sa première tentative.
Ce virage marque le début d’une trajectoire atypique. Élu député fédéral en 1990, il conserve son siège mandat après mandat, souvent avec des scores modestes mais stables. Pendant ces années, il cultive une image de trublion, attaquant les élites et défendant les forces armées. Ses interventions à la chambre, filmées et partagées, deviennent virales bien avant l’ère des réseaux sociaux, posant les bases de sa popularité future.
Dans les couloirs du Congrès, Bolsonaro n’hésitait pas à porter des tenues informelles, symbolisant son rejet des codes bourgeois de la politique traditionnelle.
Cette proximité feinte avec le peuple – short et maillot de foot en guise d’uniforme – contrastait avec ses idées élitistes. Il se posait en défenseur des classes moyennes et populaires, tout en flirtant avec des thèmes ultraconservateurs. Cette dualité allait devenir la clé de son succès électoral, lui permettant de transcender les clivages habituels.
Un Soutien International Controversé
L’ascension de Bolsonaro coïncide avec l’émergence d’un populisme global. Son allié le plus visible ? Donald Trump, le président américain qui voyait en lui un miroir outre-Atlantique. Dès 2018, lors de la campagne brésilienne, Trump apporte un soutien tonitruant, tweetant en faveur de l’ancien capitaine. Cette endorsement presidential booste la visibilité de Bolsonaro, le positionnant comme un leader fort sur la scène mondiale.
Mais cette amitié n’est pas sans prix. Lorsque Bolsonaro refuse de condamner ouvertement les excès de son administration, Trump riposte par des mesures économiques punitives. Des surtaxes douanières sur l’acier et l’aluminium brésilien sont imposées, justifiées par une prétendue ingérence dans les affaires internes. Pour Bolsonaro, c’est une trahison ; pour les analystes, une illustration des limites de cette alliance opportuniste.
Le fils aîné de Bolsonaro, Eduardo, joue un rôle pivotal dans ce lien transatlantique. Installé aux États-Unis, financé par son père, il multiplie les contacts avec l’administration Trump. Il revendique avoir influencé les sanctions, arguant d’une « chasse aux sorcières » contre son père. Cette ingérence familiale souligne comment le clan Bolsonaro étend ses tentacules au-delà des frontières, transformant la politique en affaire de réseau personnel.
- Endorsement public de Trump en 2018, boostant la campagne.
- Sanctions douanières en représailles à des critiques internes.
- Rôle d’Eduardo Bolsonaro comme lobbyiste aux USA.
Ces éléments révèlent une stratégie où l’international sert de levier domestique. Bolsonaro n’hésite pas à invoquer l’ami américain pour légitimer ses positions, même lorsque cela nuit à l’économie brésilienne. Cette danse diplomatique, faite de flatteries et de tensions, préfigure les crises qui marqueront son mandat.
Le Clan Familial : Une Machine Politique Huilée
Au cœur du pouvoir bolsonariste bat le cœur d’une famille unie par l’ambition. Jair Bolsonaro a eu cinq enfants de trois unions différentes, et quatre d’entre eux ont embrassé la politique avec zèle. Ce clan n’est pas seulement un soutien moral ; il forme une véritable structure parallèle, gérant campagnes, médias et alliances stratégiques.
Sa dernière épouse, Michelle, âgée de vingt-sept ans de moins que lui, incarne le pilier évangélique. Ancienne télévangéliste, elle mobilise les communautés religieuses qui ont été décisives dans les urnes. Catholique de nom, Bolsonaro s’est converti en partie à cette foi pour consolider son électorat, assistant à des cultes et citant la Bible dans ses discours.
Les fils, eux, occupent des postes clés. Flávio, l’aîné, est sénateur ; Carlos, policier de formation, anime les réseaux sociaux du père ; Eduardo, diplomate autoproclamé, tisse les liens internationaux. Ensemble, ils forment un rempart contre les attaques judiciaires, coordonnant défenses et contre-offensives médiatiques. Mais cette proximité a ses revers : des enquêtes pour corruption et entrave à la justice les visent tous.
Membre du Clan | Rôle Politique |
---|---|
Flávio Bolsonaro | Sénateur |
Carlos Bolsonaro | Conseiller municipal, gestionnaire réseaux |
Eduardo Bolsonaro | Député, liens internationaux |
Ce tableau illustre l’étendue de l’emprise familiale. Mais au-delà des postes, c’est la loyauté indéfectible qui unit le clan. Lorsque Jair est accusé, les fils contre-attaquent, dénonçant une persécution orchestrée. Michelle, discrète mais influente, apporte une touche de douceur à cette machine bien rodée, humanisant l’image du leader.
Cette dynastie en herbe s’appuie sur des alliances solides. Les lobbies de l’agronégoce, grands bénéficiaires des politiques pro-défrichement, et les évangéliques, friands de discours moralisateurs, forment le socle. Sans eux, l’ascension bolsonariste aurait été impossible. Ils transforment des idées radicales en votes concrets, prouvant que la politique brésilienne est autant affaire de réseaux que de rhétorique.
L’Investiture : Promesses d’Ordre et Premiers Orages
Le 1er janvier 2019, Jair Bolsonaro prête serment devant une foule en liesse. « Rétablir l’ordre », telle est sa promesse phare, un clin d’œil à ses racines militaires. Élu avec 55 % des voix au second tour de 2018, il surfe sur une vague anti-corruption et anti-gauchiste, balayant le candidat du Parti des travailleurs.
Mais l’euphorie est de courte durée. Dès les premiers mois, des tensions émergent avec les institutions. La Cour suprême, gardienne de la constitution, freine plusieurs réformes phares. Bolsonaro, habitué à commander, peine à naviguer les méandres du checks and balances démocratique. Ses appels à l’intervention militaire, lancés en public, sèment l’inquiétude parmi les analystes.
Sur le plan économique, le bilan est mitigé mais positif pour ses soutiens. Une libéralisation accélérée attire les investissements étrangers, et le chômage recule légèrement. Pourtant, ces gains masquent des inégalités croissantes, avec une Amazonie sacrifiée sur l’autel du progrès. Le capitaine-président, climatosceptique assumé, minimise les alertes environnementales, arguant que le développement prime sur les lubies écologistes.
Nous allons rétablir l’ordre dans ce pays.
Jair Bolsonaro, investiture 2019
Cette déclaration d’intention sonne comme un programme. Mais l’ordre bolsonariste rime souvent avec répression. Des opérations contre les favelas se multiplient, justifiées par la lutte contre le crime organisé. Si elles rassurent une partie de l’opinion, elles alimentent les accusations de violations des droits humains, ravivant les fantômes de la dictature.
La Pandémie : Une Gestion qui Divise et Dévaste
Arrive 2020, et avec elle le Covid-19, qui frappe le Brésil de plein fouet. La gestion de la crise par Bolsonaro devient le talon d’Achille de son mandat. Minimisant la gravité du virus – « une grippette », lance-t-il –, il s’oppose frontalement aux mesures sanitaires. Masques et confinements sont raillés comme des complots mondialistes.
Les conséquences sont tragiques : près de 700 000 morts, un bilan parmi les plus lourds au monde. Les experts qualifient cette approche de calamiteuse, pointant du doigt le sabotage des campagnes de vaccination et les discours anti-scientifiques. La Cour suprême intervient à plusieurs reprises, imposant des quarantaines locales malgré les résistances du président.
Ces bras de fer institutionnels marquent un tournant. Bolsonaro accuse les juges de trahison, appelant ses partisans à la mobilisation. Les réseaux sociaux, qu’il domine avec maestria, deviennent un champ de bataille. Fake news et théories du complot pullulent, érodant la confiance dans les autorités sanitaires. Pour beaucoup, cette période cristallise l’image d’un leader irresponsable, prêt à sacrifier des vies pour son agenda idéologique.
- Refus des masques et promotion de remèdes non prouvés comme l’hydroxychloroquine.
- Conflits avec les gouverneurs pro-confinement.
- Intervention de la Cour suprême pour imposer des mesures fédérales.
Cette liste succincte résume les errements d’une présidence en crise. Pourtant, pour ses fidèles, Bolsonaro incarne la résistance à un État omnipotent. La polarisation s’accentue, divisant familles et amis. La pandémie n’est pas seulement une épreuve sanitaire ; elle devient un test pour la cohésion nationale, que le président semble déterminé à fracturer.
Les hôpitaux débordés, les morgues improvisées : ces images hantent la mémoire collective brésilienne, un legs amer d’une gouvernance climato-sceptique et anti-vaccin.
Parallèlement, la déforestation en Amazonie explose sous son mandat. Les chiffres officiels montrent une hausse de 20 % des coupes illégales, favorisées par une politique laxiste. Bolsonaro, qui voit dans la forêt un frein au développement, réduit les budgets des agences environnementales. Internationalement, cela isole le Brésil, avec des critiques acerbes de l’Union européenne et des ONG.
La Défaite Électorale : Un Cheveu et un Exil
Octobre 2022 approche, et avec lui l’échéance fatidique. Bolsonaro affronte Luiz Inácio Lula da Silva, l’icône de gauche qu’il avait contribué à discréditer. La campagne est féroce : accusations de fraude, attaques personnelles, mobilisation des évangéliques. Au second tour, la victoire de Lula ne se dessine que d’un cheveu – 50,9 % contre 49,1 %.
Le choc est rude. Bolsonaro, groggy, refuse d’admettre la défaite publiquement. Deux jours avant la fin de son mandat, il s’envole pour la Floride, laissant le pays en suspens. Cet exil temporaire alimente les spéculations : fuit-il la justice ou prépare-t-il un retour en force ? Ses partisans, laissés en plan, sombrent dans la frustration.
La transition est chaotique. Lula reprend les rênes le 1er janvier 2023, promettant réconciliation et reconstruction. Mais les plaies sont vives : la polarisation a atteint des sommets, et l’héritage bolsonariste – inégalités exacerbées, environnement dégradé – pèse lourd. Pour Bolsonaro, cette défaite n’est pas la fin ; elle est le début d’une bataille judiciaire acharnée.
L’Assaut du 8 Janvier : Écho du Capitole
Le 8 janvier 2023, Brasília s’embrase. Des milliers de bolsonaristes, frustrés par la défaite, envahissent le Congrès, le palais présidentiel et la Cour suprême. Ils appellent à une intervention militaire pour renverser le gouvernement Lula. Les images – drapeaux brésiliens brandis, statues profanées – rappellent l’assaut sur le Capitole américain deux ans plus tôt.
Bolsonaro, depuis la Floride, se distance officiellement, mais ses discours ambigus y sont pour beaucoup. Ses appels répétés à l’armée, ses doutes sur l’intégrité électorale ont enflammé les esprits. L’événement, qui fait plusieurs blessés et des millions de dégâts, marque un point de non-retour. Des centaines d’arrestations suivent, et l’enquête pointe vers une organisation orchestrée.
Trump, fidèle à lui-même, qualifie Bolsonaro de « grand monsieur » et dénonce une persécution. Cette solidarité transatlantique renforce le narratif de victimisation. Pour les autorités brésiliennes, cependant, c’est la preuve d’une tentative de déstabilisation. L’assaut devient le catalyseur du procès à venir, transformant une émeute en affaire d’État.
C’était une grande manifestation pacifique.
Allusion à l’assaut, par des soutiens de Bolsonaro
Cette minimisation, courante dans les cercles bolsonaristes, ignore la violence des faits. Les vidéos montrent des foules déchaînées, brisant vitres et portes. L’événement non seulement ébranle la démocratie brésilienne mais interroge le rôle des leaders populistes dans l’incitation à la violence. Bolsonaro, même absent, en porte la responsabilité morale.
Le Procès Historique : Vers une Condamnation Inévitable ?
Devant la Cour suprême, le procès de Jair Bolsonaro s’annonce comme un moment pivot. Accusé d’avoir ourdi un plan pour empêcher l’investiture de Lula, il risque plus de quarante ans de prison. Les charges sont lourdes : incitation à la sédition, association de malfaiteurs, tentative de coup d’État. Chaque audience décortique des mois de manœuvres, de discours enflammés et de pressions sur les institutions.
Se disant victime d’une « persécution politique », Bolsonaro dénonce un complot de la gauche et des juges. Son inéligibilité jusqu’en 2030, prononcée pour désinformation électorale, n’est que la partie visible de l’iceberg. Le bracelet électronique imposé à la mi-juillet 2025, qu’il qualifie d' »humiliation suprême », le confine à résidence, l’éloignant des foules qu’il galvanisait.
Privé de ses réseaux sociaux fétiches, il communique via des porte-parole, multipliant les lamentations. « Ma famille a été persécutée, visée par des enquêtes et ridiculisée », clame-t-il. Cette victimisation, pilier de sa défense, vise à rallier les fidèles. Mais les preuves s’accumulent : enregistrements, témoignages, documents internes révèlent un complot minutieux.
- Accusations principales : tentative de coup et incitation à la violence.
- Peine encourue : plus de 40 ans de détention.
- Mesures restrictives : bracelet électronique et assignation à résidence.
Ces points soulignent la gravité de la situation. Pour la première fois, un ex-président brésilien risque la prison pour atteinte à la démocratie. Le verdict, attendu dans les mois à venir, pourrait redéfinir les limites du pouvoir exécutif. Si condamné, Bolsonaro disparaît de la scène ; sinon, il renaît plus fort, martyr autoproclamé.
Problèmes de Santé : Le Paradoxe de l’Homme Fort
Alors que le procès bat son plein, la santé de Bolsonaro devient un front supplémentaire. En 2018, lors de la campagne, une lame le frappe au ventre, infligeant des blessures abdominales graves. Il en réchappe de justesse, mais les séquelles persistent : infections récurrentes, chirurgies multiples. En mai 2025, une opération lourde le cloue au lit, sondes et tubes à l’appui.
Paradoxalement, cet homme qui se targuait de force surhumaine expose sa vulnérabilité. Des vidéos crues, où il exhibe cicatrices et drains, circulent pour susciter la compassion. « Voyez ce qu’ils m’ont fait », semble-t-il dire, liant son corps martyrisé à la supposée injustice judiciaire. Cette stratégie humanise le leader, contrastant avec son image de dur à cuire.
Mais la santé n’excuse pas tout. Interdit de contact avec Eduardo, soupçonné d’entrave à la justice, il subit un isolement familial douloureux. Les enquêtes sur le clan s’intensifient, menaçant de démanteler cette forteresse unie. Pour Bolsonaro, ces épreuves physiques et légales sont un calvaire, mais aussi une opportunité de se poser en victime du système.
De l’attentat de 2018 aux opérations de 2025 : un corps marqué par la politique violente.
Cette vulnérabilité ajoutée à ses ennuis judiciaires peint un portrait nuancé. Loin du superman autoproclamé, Bolsonaro apparaît comme un homme usé par ses propres excès. Pourtant, sa résilience – ou son entêtement – reste intacte, promettant une fin de partie incertaine.
Menaces sur le Clan : Une Famille sous Pression
L’interdiction de contact avec Eduardo n’est pas anodine. Le fils cadet, accusé d’avoir falsifié des documents pour protéger son père, risque à son tour l’inculpation. Cette fracture familiale, imposée par la justice, fissure l’unité tant vantée du clan. Flávio et Carlos, eux aussi épinglés pour irrégularités financières, sentent le filet se resserrer.
Michelle, pilier discret, voit son rôle de première dame d’ombre menacé. Les évangéliques, son bastion, commencent à douter face aux scandales. « Sans pitié ni compassion », déplore Bolsonaro, évoquant les raids médiatiques et judiciaires. Cette plainte, récurrente, vise à transformer la poursuite en martyre collectif.
Pourtant, le clan résiste. Des meetings virtuels, des pétitions en ligne maintiennent la flamme. Eduardo, depuis les USA, continue ses plaidoyers, reliant l’affaire à une conspiration globale. Cette solidarité, mise à l’épreuve, pourrait soit les briser, soit les souder davantage dans l’adversité.
Un Avenir Politique Obscurci
Avec l’inéligibilité jusqu’en 2030 et une potentielle condamnation, l’avenir de Bolsonaro s’assombrit. La droite brésilienne, orpheline de leader, cherche des successeurs, mais aucun n’égale son charisme brut. Ses idées – anti-environnementalisme, conservatisme social – perdurent, infiltrant le Parti libéral qui l’a porté au pouvoir.
Menacé de mort politique, il n’en reste pas moins une figure clivante. Pour les uns, un sauveur trahi ; pour les autres, un danger public. Son procès, au-delà de l’individu, interroge la santé de la démocratie brésilienne : peut-elle guérir des divisions qu’il a semées ?
Alors que les débats font rage, une chose est sûre : l’histoire de Jair Bolsonaro n’est pas terminée. Du capitaine rebelle au président contesté, en passant par le prévenu en sursis, son parcours défie les normes. Et dans ce Brésil en mutation, son ombre plane encore, rappelant que la nostalgie autoritaire n’est jamais loin.
Maintenant, élargissons le regard. Comment cette affaire influence-t-elle l’Amérique latine entière ? Les populistes régionaux, de l’Argentine au Mexique, observent avec attention. Une condamnation pourrait décourager les tentatives similaires ; un acquittement, les encourager. Bolsonaro, wittingly or not, devient un cas d’école pour l’étude des dérives démocratiques.
Sur le plan économique, les sanctions de Trump avaient déjà égratigné le Brésil. Aujourd’hui, avec Lula aux manettes, les relations se réchauffent, mais les cicatrices persistent. L’agronégoce, allié fidèle de Bolsonaro, grince des dents face aux nouvelles régulations environnementales. Cette transition illustre les enjeux : croissance versus préservation, un dilemme que le capitaine ignorait superbement.
Quant à la pandémie, son legs est indélébile. Les 700 000 morts ne sont pas qu’un chiffre ; ce sont des familles brisées, des économies ruinées. Les survivants, vaccinés tardivement, portent encore les stigmates d’une hésitation fatale. Bolsonaro, en promouvant des traitements douteux, a semé le doute scientifique qui hante encore les débats publics.
Et l’Amazonie ? Les feux de 2019-2022, attisés par les politiques pro-défrichement, ont alerté le monde. Aujourd’hui, les efforts de reboisement peinent à compenser. Bolsonaro, climatosceptique forcené, balayait les accords de Paris d’un revers de main. Son successeur, lui, réintègre les négociations, mais le mal est fait : la forêt, poumon planétaire, tousse encore.
Revenons au clan. Michelle, avec sa foi inébranlable, pourrait émerger comme figure indépendante. Les évangéliques, 30 % de l’électorat, restent un vivier précieux. Mais sans Jair, la dynamique change. Les fils, ambitieux, risquent l’implosion sous le poids des enquêtes. Eduardo, en exil doré, rêve d’un retour triomphal, mais la justice américaine pourrait compliquer les choses.
Le 8 janvier, ce jour noir, a laissé des traces. Les bâtiments restaurés cachent des fractures profondes. Les militaires, traditionnellement apolitiques, sont épinglés pour sympathies. Lula épure les rangs, mais la méfiance persiste. Bolsonaro avait semé la graine ; l’orage l’a fait pousser en tempête.
Santé fragile, isolement judiciaire : Bolsonaro, l’homme fort, ploie sous le fardeau. Ses vidéos post-opératoires, crues et émouvantes, touchent une corde sensible. Mais est-ce suffisant pour inverser la tendance ? Les sondages montrent un soutien érodé, même chez les bolsonaristes durs.
Enfin, le Brésil post-Bolsonaro. Lula consolide, mais les défis s’accumulent : inflation, inégalités, sécurité. L’extrême droite, sans leader charismatique, se fragmente. Pourtant, l’esprit bolsonariste – anti-élite, pro-armes, conservateur – infuse les débats. Il a redessiné le paysage politique, pour le meilleur et pour le pire.
En conclusion, Jair Bolsonaro n’est pas qu’un homme ; il est un symptôme. D’un Brésil divisé, nostalgique de ses gloires passées, réfractaire au multiculturalisme. Son procès, plus qu’une affaire personnelle, est un reckoning national. Et tandis que la Cour suprême délibère, le monde retient son souffle. Quel verdict pour la démocratie ? L’avenir, incertain, nous le dira.
Pour approfondir, considérons les implications globales. En Europe, où les populistes montent, l’exemple brésilien sert d’avertissement. Aux USA, Trump, en campagne, cite Bolsonaro comme allié spirituel. Cette interconnection des droites mondiales, facilitée par les réseaux, défie les frontières traditionnelles de la politique.
Sur le plan social, les discours homophobes et racistes de Bolsonaro ont légitimé des violences. Les communautés LGBTQ+ et afro-brésiliennes rapportent une hausse des agressions pendant son mandat. Aujourd’hui, les initiatives de réparation peinent, tant la rhétorique a imprégné les esprits.
Économiquement, le bilan positif – croissance du PIB, réformes fiscales – est entaché par la dette pandémique. Bolsonaro avait promis la prospérité ; il a livré une récession masquée par des subventions temporaires. Lula hérite d’un pays endetté, forcé à des austérités que l’ancien capitaine évitait.
La famille, ce socle fissuré, pourrait se réinventer. Imaginez Michelle candidate en 2030, ou Eduardo rentrant en héros. Mais les ombres judiciaires planent. Le Brésil, terre de contrastes, adore les sagas familiales ; celle des Bolsonaro en est une tragique.
Le 8 janvier reste une plaie ouverte. Des documentaires, livres, analyses fleurissent, disséquant l’événement. Était-ce spontané ou planifié ? Les preuves penchent pour le second, avec des financements occultes. Bolsonaro, muet sur les détails, laisse le mystère planer.
Sa santé, ce fil rouge douloureux, humanise le monstre pour certains. L’attentat de 2018, vu comme un complot de gauche, galvanisa sa base. Les chirurgies suivantes, rituelles presque, servent de métaphore : un corps lacéré, comme la nation qu’il voulait diriger.
Politiquement, l’inéligibilité est un coup dur. Mais en 2030, à 75 ans, pourrait-il revenir ? Les lois évoluent, les amnisties se négocient. Ses héritiers portent la torche, adaptant son message à une génération Z sceptique.
En somme, Bolsonaro défie l’oubli. Son legs, toxique et fascinant, questionne : la démocratie tolère-t-elle ses ennemis internes ? Le Brésil, résilient, avancera. Mais l’ombre du capitaine, avec ses nostalgies funestes, s’étirera longtemps.