Un an déjà que les armes se sont tues… ou presque. Le 27 novembre 2024, un accord de cessez-le-feu mettait fin à une guerre éclair entre Israël et le Hezbollah. Tout le monde pensait alors que les troupes israéliennes quitteraient rapidement le sud du Liban. Pourtant, en ce début d’année 2025, cinq positions militaires israéliennes sont toujours bien ancrées en territoire libanais, et elles ne cessent de se renforcer.
Cinq points stratégiques qui défient l’accord international
L’accord était pourtant clair : retrait total des forces israéliennes sous soixante jours et repli du Hezbollah au nord du Litani. Mais dès février 2025, Israël annonçait qu’il conserverait temporairement cinq sites « jusqu’à ce qu’il soit évident qu’il n’y a plus d’activité du Hezbollah dans la zone ». Un an plus tard, ces cinq postes sont toujours là, et les images satellite parlent d’elles-mêmes.
Où se trouvent exactement ces bases ?
Implantées sur les crêtes dominant la Ligne bleue, la frontière officielle entre les deux pays, ces positions offrent un contrôle visuel parfait sur les villages libanais les plus sensibles. De l’ouest à l’est, on les retrouve à Labbouné, près d’Aïta al-Chaab, à Hatzivoni entre Houla et Markaba, à Maroun al-Ras, à Aitaroun et jusqu’à la colline d’El Hamames, la plus en profondeur, à près d’1,5 kilomètre à l’intérieur du Liban.
La base de Labbouné n’est qu’à 150 mètres d’un poste de la FINUL et de la frontière. Celle d’El Hamames, elle, domine toute la plaine et permet de surveiller plusieurs kilomètres au nord. Chaque position couvre un village ou un groupe de villages jugés stratégiques pour la sécurité des localités israéliennes situées juste en face : Metoula, Margaliot, Avivim ou Zar’it.
Des fortifications qui ne cessent de grandir
Les images satellite prises ces derniers mois montrent une évolution spectaculaire. Chaque base, d’une superficie d’un à deux hectares, est désormais entourée de remblais de terre massifs et de sacs de sable. Des routes d’accès ont été élargies, parfois doublées, pour permettre le passage rapide de blindés et de camions logistiques.
À l’intérieur, deux zones distinctes apparaissent : une partie principale avec des préfabriqués servant de logements et de postes de commandement, et une zone plus petite réservée aux véhicules. Des antennes de communication et des radars ont également fait leur apparition sur plusieurs sites.
Observation clé : Les voies d’accès, autrefois de simples pistes, mesurent désormais jusqu’à huit mètres de large sur certains tronçons, permettant le croisement de deux convois militaires.
Des villages rayés de la carte
Autour de ces positions, le paysage est lunaire. Les villages les plus proches ont été méthodiquement détruits. Près de la position d’Hatzivoni, absolument tous les bâtiments visibles dans un rayon de plusieurs centaines de mètres ont été rasés. Même scénario à Kfar Kila, Aïta al-Chaab ou Blida.
Des chercheurs américains de l’Université de l’Oregon ont calculé le taux de destruction village par village à partir de comparaisons d’images satellite. Les chiffres sont accablants :
- Kfar Kila : 65 % détruit
- Aïta al-Chaab : 57 % détruit
- Yarine : 55 % détruit
- Maroun al-Ras : plus de 50 %
- Houla et Markaba : plus de 40 %
Cette stratégie rappelle celle appliquée dans la bande de Gaza : créer une zone tampon vide de toute présence humaine susceptible d’être utilisée par des combattants.
« Les villages frontaliers ont été transformés en no man’s land permanent »
Observation issue de l’analyse des images satellite
Un cessez-le-feu en sursis permanent
L’accord de novembre 2024 prévoyait un mécanisme clair : retrait israélien en échange du désarmement du Hezbollah au sud du Litani sous contrôle de l’armée libanaise et de la FINUL. Un an plus tard, aucun des deux camps n’a totalement respecté ses engagements.
Côté israélien, le maintien des cinq positions est justifié par la persistance d’activités du Hezbollah dans la zone. Côté libanais et Hezbollah, on accuse Israël d’utiliser ce prétexte pour annexer de facto une bande frontalière.
Entre les deux, la FINUL, censée surveiller la zone, se retrouve dans une position délicate : certaines de ses positions sont à quelques mètres seulement des bases israéliennes, sans pouvoir réel d’intervention.
Pourquoi ces cinq points précis ?
Chaque position n’a pas été choisie au hasard. Elles correspondent aux principaux axes d’infiltration utilisés par le Hezbollah lors de la guerre de 2024. Elles dominent également les routes qui permettent de contourner la frontière et d’atteindre rapidement les villes israéliennes du nord.
En occupant ces crêtes, l’armée israélienne s’assure :
- Une vue panoramique à 360° sur des dizaines de kilomètres
- Un contrôle des principaux axes routiers libanais
- Une capacité de réaction immédiate en cas de nouvelle incursion
- Une pression permanente sur les populations locales
En résumé, ces cinq postes forment une nouvelle ligne de défense avancée, bien au-delà de la frontière internationalement reconnue.
Vers une nouvelle guerre ou une occupation durable ?
La question brûlante que tout le monde se pose : ces positions sont-elles temporaires ou Israël prépare-t-il une occupation de longue durée ? Les travaux de fortification continus et l’élargissement des voies d’accès suggèrent plutôt la seconde hypothèse.
Dans le même temps, la reconstruction des villages détruits n’a pratiquement pas commencé. Les habitants, déplacés à Beyrouth ou dans la Békaa, savent qu’ils ne pourront pas revenir tant que ces positions existeront.
La situation actuelle ressemble à un cessez-le-feu gelé : plus de guerre ouverte, mais une tension permanente, des violations quotidiennes et une militarisation croissante des deux côtés de la frontière.
À retenir : Un an après la fin officielle des hostilités, le sud du Liban reste une poudrière. Cinq positions israéliennes, de plus en plus solides, dominent un paysage de ruines. L’accord de cessez-le-feu de 2024 n’est plus qu’un souvenir lointain, et chaque jour qui passe éloigne un peu plus la perspective d’une paix durable.
La communauté internationale observe, condamne parfois, mais n’agit pas vraiment. Pendant ce temps, sur les crêtes du sud Liban, les blindés israéliens continuent de creuser leur nid, face à un Hezbollah qui, même affaibli, n’a pas désarmé.
La prochaine étincelle pourrait bien embraser à nouveau toute la région.









