Imaginez la scène : après des décennies de silence radio, des responsables libanais et israéliens se retrouvent enfin autour d’une même table. L’espoir, même ténu, pointe le bout de son nez. Et le lendemain matin, le ciel s’embrase à nouveau. C’est exactement ce qui s’est passé cette semaine au Liban.
Un réveil sous les bombes après une nuit d’espoir
Jeudi matin, très tôt, l’armée israélienne a déclenché une nouvelle série de frappes aériennes dans le sud du Liban. Les villages de Mahrouna et Jbaa ont été directement visés. Des colonnes de fumée noire s’élevaient déjà quand les premiers habitants, réveillés par les alertes, quittaient précipitamment leurs maisons.
Quelques heures plus tôt, pourtant, un événement historique venait de se produire : une rencontre directe entre représentants civils libanais et israéliens, la première du genre depuis plus de quarante ans.
Ce que l’on sait des frappes du jeudi
Peu avant l’aube, le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, le colonel Avichay Adraee, publiait des messages très précis. Cartes à l’appui, il désignait deux bâtiments spécifiques dans les villages de Jbaa et Mahrouna et ordonnait l’évacuation immédiate dans un rayon de 300 mètres.
Les habitants n’ont eu que quelques minutes. Puis les explosions ont retenti. Une maison à Jbaa a été touchée de plein fouet. À Mahrouna, c’est tout un secteur qui a été pilonné. À l’heure où ces lignes sont écrites, aucun bilan officiel des victimes n’a encore été communiqué.
D’autres alertes ont rapidement suivi pour deux villages supplémentaires. Le message est clair : ces opérations ne sont pas isolées, elles s’inscrivent dans une campagne plus large.
Pourquoi Israël justifie-t-il ces bombardements ?
Pour Tel-Aviv, il ne s’agit pas d’une rupture de la trêve, mais au contraire de son application stricte. Selon l’armée israélienne, le Hezbollah profiterait du cessez-le-feu conclu fin novembre 2024 pour se réarmer discrètement dans le sud du pays.
Les services de renseignement israéliens affirment avoir détecté des mouvements de matériel et de combattants dans plusieurs villages frontaliers. Les frappes viseraient donc à détruire ces « infrastructures terroristes » avant qu’elles ne deviennent opérationnelles.
« Nous allons bientôt attaquer des infrastructures terroristes du Hezbollah à travers le sud du Liban afin de contrer ses tentatives illégales de rétablir ses activités dans la région »
Colonel Avichay Adraee, porte-parole de l’armée israélienne
Ce discours est constant depuis plusieurs semaines. Il a même conduit, le 23 novembre dernier, à une frappe spectaculaire dans la banlieue sud de Beyrouth qui a éliminé Haitham Ali Tabatabai, un haut commandant militaire du Hezbollah.
La réunion historique de la veille : de quoi parlait-on vraiment ?
Mercredi, sous l’égide des États-Unis, de la France et de l’ONU, une réunion tripartite s’est tenue dans un lieu tenu secret. Pour la première fois, ce n’étaient plus des officiers en uniforme qui représentaient le Liban et Israël, mais des civils de haut rang.
L’atmosphère a été décrite comme « positive » par les deux parties. Côté israélien, on a même évoqué la possibilité d’une future coopération économique. Côté libanais, on a immédiatement tempéré : toute normalisation passera d’abord par la paix et le retrait total israélien des derniers points encore occupés au sud.
Le Premier ministre libanais Nawaf Salam a été très clair devant la presse :
« Les relations économiques viendront à la toute fin du processus de normalisation, qui doit venir après la paix. Elles ne peuvent pas précéder la paix. »
De son côté, Benjamin Netanyahu a réaffirmé que le désarmement du Hezbollah restait une condition « incontournable ».
Un cessez-le-feu en sursis permanent
La trêve conclue il y a un an, après une guerre particulièrement meurtrière, repose sur des bases fragiles. Elle prévoit le retrait progressif des forces du Hezbollah au nord du Litani et le départ des troupes israéliennes des zones occupées.
Un an plus tard, aucun des deux camps n’estime que l’autre respecte pleinement ses engagements. Israël pointe les tentatives de réarmement. Le Liban dénonce la présence persistante de soldats israéliens dans plusieurs points du sud et les survols quasi-quotidiens de son espace aérien.
Chaque incident devient alors prétexte à escalade. Et chaque frappe israélienne est vécue comme une humiliation supplémentaire par une population libanaise déjà épuisée par des années de crises.
Les habitants coincés entre deux feux
Dans les villages frontaliers, la peur est devenue une compagne quotidienne. Les alertes d’évacuation arrivent souvent au milieu de la nuit. Les familles doivent choisir entre rester et risquer leur vie, ou partir et abandonner tout derrière elles.
Les enfants grandissent au son des drones et des explosions lointaines. Les agriculteurs ne savent plus s’ils pourront récolter leurs olives cette année. L’économie locale, déjà sinistrée, s’effondre un peu plus à chaque nouveau cycle de violence.
Et pourtant, beaucoup refusent toujours de partir. « C’est notre terre, répètent-ils. On ne la laissera pas. »
Vers une nouvelle guerre ou un apaisement durable ?
La question hante tous les observateurs. D’un côté, la reprise des discussions directes, même limitées, constitue une avancée inédite. De l’autre, les frappes continuent, plus précises, plus fréquentes.
Certains y voient la preuve que la diplomatie progresse : Israël accepte enfin de parler directement au Liban plutôt que de passer uniquement par des intermédiaires. D’autres estiment au contraire que ces bombardements sont un moyen de faire pression maximale avant toute négociation sérieuse.
Ce qui est certain, c’est que la situation reste explosive. Un mauvais calcul, une frappe trop meurtrière, une riposte mal calibrée du Hezbollah, et tout pourrait basculer à nouveau dans le chaos d’une guerre ouverte.
Pour l’instant, la communauté internationale observe, multiplie les appels au calme, mais peine à imposer un calendrier précis de mise en œuvre complète de la trêve.
Dans les villages du sud, on retient son souffle. Une fois de plus.
À retenir : Des discussions historiques ont eu lieu mercredi entre Liban et Israël. Moins de 24 heures plus tard, de nouveaux bombardements frappaient le sud du pays. La trêve conclue il y a un an reste fragile, chaque camp accusant l’autre de la violer. La population civile paie le prix le plus lourd de cette tension permanente.
La route vers une paix durable au Liban sud semble encore bien longue. Et semée d’embûches.









