À la veille d’un vote crucial à l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA), l’Iran a mis en garde jeudi contre une résolution condamnant son programme nucléaire, affirmant que cela “affaiblirait” ses relations avec l’instance onusienne basée à Vienne.
Alors qu’une visite du chef de l’AIEA Rafael Grossi en Iran la semaine dernière n’a pas permis de débloquer la situation, les pays européens, associés à Washington, ont soumis un texte dénonçant le manque supposé de coopération de Téhéran sur le dossier nucléaire. Un vote formel est prévu ce jeudi au siège viennois de l’agence.
Un “outil politique” selon l’Iran
Pour le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi, cette initiative “inappropriée” des trois pays européens (E3) “ne fera qu’affaiblir et perturber les relations entre l’Agence et l’Iran”. Son adjoint chargé des questions juridiques, Kazem Gharibabadi, a même accusé les Européens de se servir de l’AIEA comme d’un “outil politique”.
À Téhéran, le journal réformateur Sazandegi a illustré les tensions en une avec un photomontage montrant le ministre Araghchi tournant le dos au directeur Grossi. En cas de vote positif, l’Iran a prévenu qu’il “réagirait en conséquence et de manière appropriée”.
Un accord nucléaire fragilisé
Cette résolution, bien que symbolique à ce stade, intervient dans un contexte délicat. En 2015, l’Iran avait conclu à Vienne un accord sur le nucléaire avec les grandes puissances (France, Allemagne, Royaume-Uni, Chine, Russie, États-Unis). Le texte prévoyait un allègement des sanctions contre des garanties que l’Iran ne cherche pas à acquérir l’arme atomique.
Mais en 2018, le président américain Donald Trump a retiré unilatéralement son pays de l’accord et rétabli de lourdes sanctions contre Téhéran. En riposte, l’Iran s’est progressivement affranchi de ses engagements, augmentant ses réserves d’uranium enrichi à des niveaux inédits.
L’urgence de “réponses crédibles”
Le projet de résolution porté par les Européens “réaffirme qu’il est essentiel et urgent” que l’Iran fournisse des “réponses techniques crédibles” sur la présence de traces d’uranium inexpliquées sur deux sites non déclarés près de Téhéran, à Turquzabad et Varamin.
Malgré les avertissements de Téhéran, le texte devrait être soumis au vote des 35 États membres du Conseil des gouverneurs de l’AIEA. L’issue du scrutin, qui requiert une majorité simple, ne fait guère de doute tant l’Iran semble isolé sur ce dossier.
Le spectre de l’arme atomique
Alors que l’accord de 2015 plafonnait l’enrichissement d’uranium à 3,67%, l’Iran a franchi un palier supplémentaire en portant ce taux à 60%, proche des 90% nécessaires pour une utilisation militaire. Le pays a toujours nié vouloir se doter de l’arme atomique, mais les soupçons restent vifs.
Des négociations pour sauver l’accord et faire revenir Washington dans le giron ont échoué en 2022, laissant planer de sérieux doutes sur l’avenir du pacte. Dans ce contexte, une condamnation de l’Iran par l’AIEA, même symbolique, risque d’envenimer davantage la situation et de compliquer un éventuel retour à la table des négociations.