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Iran : Le Carburant Va Flamber pour les Gros Consommateurs

Dès le 6 décembre, dépasser 160 litres d’essence par mois coûtera deux fois plus cher en Iran. Les voitures neuves, elles, paieront plein tarif dès le premier litre. Dans un pays où l’essence était presque gratuite, cette décision fait déjà trembler le pouvoir… Que va-t-il se passer cette fois ?

Imaginez remplir votre réservoir pour moins d’un euro les 60 premiers litres. En Iran, c’était la réalité jusqu’à présent. Mais dès le 6 décembre, cette époque touche à sa fin pour ceux qui roulent beaucoup… et pour tous les propriétaires de voitures neuves.

Un troisième prix qui change tout

Le gouvernement iranien vient de valider une mesure qui instaure trois tarifs différents à la pompe. Les deux premiers restent inchangés : 15 000 rials le litre pour les 60 premiers litres mensuels, puis 30 000 rials pour les 100 litres suivants. Mais au-delà de 160 litres par mois, le prix bondit à 50 000 rials le litre, soit plus du double du tarif subventionné actuel.

Cette hausse ciblée vise les gros rouleurs : taxis, livreurs, familles nombreuses avec de vieux modèles gourmands, habitants des périphéries qui parcourent chaque jour des dizaines de kilomètres. Pour eux, la facture risque de devenir très salée.

Les voitures neuves privées de toute subvention

La seconde bombe concerne directement les modèles récents. Toute voiture sortie d’usine en Iran ou importée paiera désormais 50 000 rials dès le premier litre, sans aucun quota subventionné. Une mesure présentée comme un moyen de décourager l’achat de véhicules neufs dans un pays où la flotte vieillissante dépasse souvent les vingt ans d’âge.

En pratique, cela signifie qu’une famille qui remplace enfin sa vieille Paykan par une Saipa toute neuve verra immédiatement sa facture carburant multipliée par trois ou quatre. Un signal fort envoyé aux classes moyennes qui rêvaient de changer de voiture.

Pourquoi maintenant ?

Le président Massoud Pezeshkian l’avait annoncé dès octobre : « Il ne fait aucun doute que le carburant devrait être plus cher ». Derrière cette phrase se cache une réalité brutale : l’État iranien n’a plus les moyens de maintenir les subventions massives qui faisaient de l’Iran le champion mondial de l’essence la moins chère.

Entre les sanctions internationales qui étranglent les exportations pétrolières, la chute du rial et une consommation intérieure qui explose, le système était devenu intenable. Chaque litre vendu à 15 000 rials représente une perte colossale pour les finances publiques.

« Nous devons réaligner progressivement les prix sur les coûts réels »

Explication officieuse relayée par plusieurs responsables économiques

Le traumatisme de novembre 2019

Personne n’a oublié les images. En novembre 2019, une hausse brutale de 50 à 200 % avait mis le feu aux poudres. En quelques heures, des centaines de milliers d’Iraniens étaient descendus dans la rue. Pompes à essence incendiées, autoroutes bloquées, affrontements violents… Le bilan officiel faisait état de plusieurs centaines de morts.

Aujourd’hui, le gouvernement jure avoir tiré les leçons. La hausse est progressive, ciblée, et présentée comme inévitable. Mais dans les files d’attente devant les stations-service, la colère gronde déjà.

Qui va vraiment payer la facture ?

À première vue, les 160 litres mensuels semblent généreux. Mais dans la réalité iranienne, beaucoup de ménages les dépassent facilement :

  • Une vieille Peugeot 405 consomme 10-12 litres aux 100 km en ville
  • 60 km par jour pour aller travailler = déjà 120 litres mensuels
  • Ajoutez les courses, les enfants, les week-ends… et le seuil est franchi

Les taxis, eux, tournent souvent à plus de 300 litres par mois. Pour eux, la nouvelle tarification représente une augmentation de plusieurs centaines d’euros mensuels. Certains parlent déjà de répercuter sur les courses… ou de se mettre en grève.

Simulation concrète
Voiture consommant 10 L/100 km – 2 000 km par mois
→ 200 litres consommés
• 60 L à 15 000 rials = 900 000 rials
• 100 L à 30 000 rials = 3 000 000 rials
• 40 L à 50 000 rials = 2 000 000 rials
Total : 5,9 millions de rials (environ 44 € au marché noir)
Soit une hausse de 35-40 % par rapport à aujourd’hui.

Une mesure à haut risque politique

Dans un pays où le contrat social repose en grande partie sur les subventions (essence, pain, électricité), toucher au carburant revient à toucher à un totem. Le pouvoir le sait. C’est pourquoi la communication insiste sur le caractère « progressif » et « ciblé » de la réforme.

Mais sur les réseaux sociaux, malgré la censure, les messages circulent : « Ils nous avaient promis que Pezeshkian serait différent », « C’est la goutte d’essence qui va faire déborder le réservoir ». Des hashtags apparaissent déjà.

Et après ?

Cette première étape pourrait n’être que le début. De nombreux économistes estiment qu’à terme, l’Iran devra complètement libéraliser les prix du carburant pour rééquilibrer ses comptes. Chaque report coûte des milliards à l’État.

Mais chaque avancée sur ce terrain est un pari dangereux. Entre la nécessité économique et le risque d’explosion sociale, le gouvernement marche sur une corde raide au-dessus d’un baril de poudre.

Le 6 décembre approche. Et avec lui, peut-être, un nouveau chapitre de l’histoire tourmentée entre les Iraniens et leur essence… presque gratuite.

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