C’est une nouvelle qui fait froid dans le dos. Les autorités iraniennes ont confirmé le 30 décembre l’arrestation à Téhéran de la journaliste italienne Cecilia Sala, 29 ans, survenue le 19 décembre dernier. Son tort ? Avoir « enfreint les lois » de la République islamique lors d’un séjour dans le pays avec un visa journalistique en bonne et due forme. Depuis, la reporter se trouverait à l’isolement dans une cellule de la tristement célèbre prison d’Evine, suscitant l’indignation de l’Italie qui dénonce une détention « inacceptable ».
Une arrestation troublante et des accusations floues
Selon l’agence de presse officielle Irna, citant le ministère iranien de la Culture, le dossier de Cecilia Sala fait désormais « l’objet d’une enquête », sans que la nature exacte des infractions qui lui sont reprochées ne soit précisée. Une opacité inquiétante, caractéristique des pratiques des autorités iraniennes envers les ressortissants étrangers.
Car le cas de la journaliste italienne est loin d’être isolé. Plusieurs occidentaux ou binationaux croupissent actuellement dans les geôles du régime des Mollahs, à l’image du couple français Cécile Kohler et Jacques Paris, emprisonnés depuis 2022 lors d’un séjour touristique et accusés « d’espionnage ». Des charges que leurs proches « réfutent fermement ».
La prison d’Evine, antichambre de l’enfer
Depuis le 19 décembre, Cecilia Sala croupirait dans une cellule à l’isolement de la prison d’Evine à Téhéran, véritable antichambre de l’enfer. Un établissement tristement réputé pour les mauvais traitements infligés aux détenus et dans lequel de nombreux prisonniers politiques, journalistes et militants des droits de l’Homme ont été enfermés au fil des années.
Evine, c’est la pire des prisons en Iran. A leur arrivée, les détenus y sont souvent maintenus à l’isolement pendant des semaines, sans accès à un avocat, subissant des pressions psychologiques et parfois des tortures.
Un ancien détenu d’Evine
Selon son employeur Choral Media, un site de podcasts, Cecilia Sala a pu bénéficier d’un accès consulaire et entrer en contact avec sa famille. Bien maigre consolation pour ses proches qui s’inquiètent des conditions de sa captivité et réclament sa libération immédiate.
L’Italie dénonce une détention « inacceptable »
Face à cette situation, la diplomatie italienne est montée au créneau. Vendredi 30 décembre, le ministère des Affaires étrangères a fermement condamné l’arrestation « inacceptable » de sa ressortissante, exigeant des « clarifications » de la part de Téhéran.
Un coup de semonce qui illustre une nouvelle fois les relations extrêmement tendues entre l’Iran et les pays occidentaux. Un fossé qui s’est creusé davantage ces derniers mois avec la répression brutale par le régime du mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini, cette jeune femme décédée en septembre après son arrestation par la police des mœurs.
Des arrestations croisées sur fond de tensions
Dans ce contexte, difficile de ne pas faire le lien entre l’arrestation de Cecilia Sala et celles quelques jours plus tôt de deux Iraniens aux États-Unis et en Italie, soupçonnés de transfert de technologies sensibles. Simple coïncidence ou coup de pression délibéré de Téhéran en réaction à ces interpellations ?
Pour rappel, les autorités américaines ont formellement accusé mi-décembre Mohammad Abedini et Mahdi Mohammad Sadeghi, deux ressortissants iraniens, d’avoir fait livrer en Iran, en violation des sanctions, des composants utilisés par la suite dans une attaque de drone ayant fait trois morts. Des faits immédiatement démentis avec force par Téhéran.
Un avenir bien sombre pour la liberté de la presse
Au-delà du cas personnel dramatique de Cecilia Sala, son arrestation arbitraire jette une lumière crue sur le sort réservé aux journalistes étrangers en Iran. Une menace directe pour la liberté de la presse et le droit à l’information, déjà mis à mal par la censure féroce exercée par le régime sur les médias.
Dans un pays qui figure à la peu enviable 178e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, les reporters sont devenus des cibles. Avec l’espoir ténu que la pression internationale parvienne à infléchir les autorités pour obtenir la libération rapide de Cecilia Sala et des autres journalistes détenus.
Le régime iranien doit comprendre que s’en prendre aux journalistes aura un prix. La communauté internationale doit se mobiliser pour protéger ceux qui nous informent au péril de leur liberté, et parfois de leur vie.
Un diplomate européen
Car au-delà du sort individuel tragique de chaque reporter injustement jeté en prison, c’est le droit de chacun à une information libre et indépendante qui est aujourd’hui gravement menacé en Iran. Un défi majeur pour tous les défenseurs de la liberté à travers le monde.