Imaginez rentrer chez vous après une longue journée, servir un verre de vin à votre conjoint, puis sentir cette odeur étrange, chimique, presque agressive. C’est exactement ce qui est arrivé à une mère de famille de Levallois-Perret en janvier 2024. Ce qu’elle croyait être un simple incident domestique s’est révélé être une tentative d’empoisonnement délibérée, motivée par la haine antisémite la plus crue.
Un procès qui glace le sang
Ce lundi, le tribunal correctionnel de Nanterre a ouvert le procès d’une femme de 40 ans, de nationalité algérienne, poursuivie pour avoir introduit des produits d’entretien toxiques dans les aliments et cosmétiques d’une famille juive qui l’employait comme nourrice. Les faits sont d’une gravité rare : administration de substances nuisibles avec ITT supérieure à huit jours, le tout avec la circonstance aggravante d’antisémitisme.
La prévenue, qui comparaît détenue, risque plusieurs années de prison. Elle est également jugée pour usage d’une fausse carte d’identité belge. Devant les juges, son attitude a été pour le moins surprenante.
Des aveux initiaux accablants
Lors de sa garde à vue, juste après son arrestation, la nourrice avait reconnu les faits sans la moindre ambiguïté. Interrogée sur ses motivations, elle avait lâché une phrase qui a fait frissonner les enquêteurs :
« Parce qu’ils ont de l’argent et le pouvoir, j’aurais jamais dû travailler pour une Juive ».
Cette phrase, rapportée dans l’ordonnance de renvoi, résume à elle seule la violence du mobile antisémite. Ce n’était pas un geste impulsif, mais une haine mûrie, froide, presque idéologique.
Pourtant, à la barre, la même femme a tout nié en bloc. « Je n’ai jamais vu de produits d’entretien chez Madame T. », a-t-elle affirmé d’une voix calme, comme si les aveux précédents n’avaient jamais existé.
Des traces de poison partout dans la maison
Les analyses toxicologiques réalisées par la police ont été formelles. Des produits nettoyants dangereux pour l’être humain ont été retrouvés :
- Dans plusieurs bouteilles de vin
- Dans une bouteille de jus de raisin destiné aux enfants
- Dans un flacon de démaquillant qui brûlait les yeux
- Dans un plat de pâtes préparé avec du whisky
- Dans d’autres bouteilles d’alcool fort
L’alerte avait été donnée par la mère de famille le 30 janvier 2024. En versant un verre de vin, elle avait immédiatement senti l’odeur caractéristique de l’eau de Javel. Le lendemain, son démaquillant lui brûlait la peau. Le jus de raisin des enfants sentait lui aussi le produit ménager. La panique avait été totale.
Un antisémitisme d’atmosphère dans l’intimité familiale
Me Sacha Ghozlan, avocat de la famille, a parlé avant l’audience d’un « antisémitisme d’atmosphère ». Le terme est fort, mais juste. Cette haine n’était pas hurlée dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Elle s’était insinuée dans le lieu le plus intime qui soit : le domicile familial, là où l’on baisse la garde, là où l’on fait confiance.
La nourrice avait accès à tout : la cuisine, les chambres des enfants, les produits de beauté de la mère. Elle avait la confiance absolue de la famille. Et c’est précisément cette confiance qui a été trahie de la manière la plus sordide.
Les enfants, âgés de 2, 5 et 7 ans, auraient pu boire ce jus de raisin empoisonné. Les parents auraient pu ingérer des doses bien plus importantes de produits toxiques. Le scénario cauchemar était à deux doigts de se réaliser.
Une circonstance aggravante retenue contre l’avis du parquet
Point important : le juge d’instruction a retenu la circonstance aggravante d’antisémitisme, alors même que le parquet avait requis le renvoi sans cette qualification. C’est une décision rare et forte, qui montre que la justice prend enfin la mesure de ces actes motivés par la haine des Juifs.
Ce choix judiciaire n’est pas anodin. Il reconnaît que l’empoisonnement n’était pas un simple règlement de comptes ou une vengeance personnelle, mais un acte antisémite à part entière.
Des parties civiles emblématiques
À la barre, la famille sera soutenue par des associations majeures :
- Le Crif, dont le président Yonathan Arfi viendra témoigner
- L’Union des étudiants juifs de France (UEJF)
- SOS Racisme
- La Licra
Cette mobilisation exceptionnelle montre à quel point l’affaire dépasse le seul cadre familial. Elle touche à la sécurité des Juifs de France dans leur vie la plus quotidienne.
Le faux passeport belge : une autre facette du dossier
Outre l’empoisonnement, la prévenue est poursuivie pour usage d’une fausse carte d’identité belge. Ce document falsifié lui avait permis de travailler légalement en France et d’entrer dans cette famille.
On peut se demander : combien d’autres familles ont employé cette personne sous une fausse identité ? Combien d’autres auraient pu être victimes du même type d’acte ?
Un déni qui interroge
Le plus troublant reste le revirement total de la prévenue. Des aveux complets en garde à vue, avec une motivation antisémite clairement exprimée, à un déni total à l’audience. Ce changement d’attitude est fréquent dans ce type d’affaires, mais il n’en reste pas moins choquant.
Est-ce une stratégie de défense ? Une pression extérieure ? Une forme de dissimulation idéologique (taqiya) ? Les juges devront trancher.
Ce qui est certain, c’est que les preuves matérielles sont accablantes. Les analyses toxicologiques, les bouteilles saisies, les traces dans toute la maison : tout concorde avec les premiers aveux.
L’antisémitisme ordinaire, ce poison lent
Cette affaire est l’illustration tragique de ce qu’on appelle parfois l’antisémitisme « d’atmosphère » ou « ordinaire ». Celui qui ne fait pas forcément la une des journaux, mais qui empoisonne (c’est le cas de le dire) la vie quotidienne des Juifs en France.
On pense aux insultes dans la rue, aux regards de travers, aux remarques « qui ne veulent rien dire ». Et puis parfois, cela va beaucoup plus loin. Jusqu’à l’acte irréparable.
Ce qui rend cette affaire particulièrement glaçante, c’est le lieu : pas une manifestation, pas un quartier dit « sensible », mais une famille bourgeoise de Levallois-Perret, dans l’intimité de son domicile, avec une personne en qui elle avait toute confiance.
Une affaire qui pose des questions de société
Au-delà du cas individuel, ce procès pose des questions plus larges :
- Comment détecter l’antisémitisme chez une personne qu’on embauche ?
- Les vérifications d’identité et de casier judiciaire sont-elles suffisantes ?
- L’antisémitisme est-il suffisamment pris en compte dans les formations des professionnels de la petite enfance ?
- Comment protéger les familles juives (et les autres) de ce type de haine infiltrée ?
Ces questions n’auront pas de réponse immédiate. Mais ce procès, par sa brutalité, les met cruellement en lumière.
Le verdict sera rendu dans les prochaines semaines. Quelle que soit la décision, cette affaire laissera des traces. Dans la famille bien sûr, qui vivra longtemps avec la peur au ventre. Mais aussi dans la communauté juive de France, qui se rappellera qu’aucun lieu n’est totalement sûr quand la haine antisémite rôde.
Car c’est bien cela le plus terrifiant : la haine peut entrer par la porte de service, avec le sourire, en disant bonjour aux enfants le matin. Et un jour, elle verse du poison dans le verre de ceux qu’elle est censée protéger.
À retenir : Ce n’est pas une affaire isolée. C’est le symptôme d’une haine qui s’est banalisée, qui s’est installée dans les esprits, et qui, parfois, passe à l’acte de la manière la plus insidieuse. La vigilance doit être totale, partout, tout le temps.









