Depuis près de deux semaines, les boîtes aux lettres restent désespérément vides dans une tour emblématique du quartier du Prézégat, à Saint-Nazaire. Exaspérés par la recrudescence des violences liées au trafic de drogue, les agents de La Poste ont en effet décidé de suspendre leurs tournées au pied de cet immeuble devenu un véritable supermarché de la drogue. Une situation inédite qui met en lumière l’impuissance des pouvoirs publics face à l’insécurité galopante qui gangrène certains quartiers.
La Poste met ses facteurs à l’abri
Agressions verbales, intimidations, risque d’être pris entre deux feux… Le quotidien des postiers est devenu un véritable enfer dans ce secteur où se concentre le trafic de stupéfiants. Face à la multiplication des incidents, et malgré le renforcement des effectifs policiers début novembre, la direction de La Poste a fini par jeter l’éponge. Impossible d’assurer la sécurité de ses agents dans un tel contexte.
Le directeur d’établissement a pris la décision de suspendre la distribution à cette adresse pour préserver la santé et la sécurité de nos agents
La Poste région Saint-Nazaire
Une décision radicale mais nécessaire selon les syndicats, qui dénoncent une « certaine escalade de la violence » dans le quartier. Les facteurs craignent pour leur intégrité à chaque passage, régulièrement pris à partie par les guetteurs. Même les agents les mieux identifiés par les dealeurs ne sont plus épargnés.
Des fusillades en plein jour
Il faut dire que la situation est particulièrement tendue au Prézégat depuis plusieurs semaines. Les règlements de comptes entre bandes rivales s’enchaînent, avec leur lot de coups de feu, d’agressions et de voitures incendiées. Des fusillades ont même éclaté en pleine après-midi devant les habitants médusés. Le 8 novembre, un homme a été touché par balle à la jambe au pied de la fameuse tour du 45 rue Auguste Renoir.
Un point de deal notoirement connu, où la vente de drogue s’étale au grand jour dès les premières heures de la matinée. C’est précisément cette adresse qui cristallise toutes les inquiétudes et que La Poste a décidé de placer sous embargo postal. Du jamais vu à Saint-Nazaire.
La crainte d’une contagion
Les facteurs redoutent désormais que le phénomène ne s’étende à d’autres secteurs de la ville, déjà touchés par une recrudescence des trafics. À La Bouletterie ou à la Trébale, accéder aux boîtes à lettres des halls d’immeuble est un vrai parcours du combattant. Régulièrement insultés ou intimidés, les agents qui remplacent des collègues mieux identifiés par les dealeurs sont des cibles privilégiées.
C’est une chance qu’aucun collègue ne se soit fait agresser physiquement
Stéphane Blaize, délégué SUD PTT
Mais tous ont conscience que le pire est à craindre si rien n’est fait pour enrayer la spirale infernale. En attendant une improbable accalmie, les usagers concernés doivent se rendre directement à la plateforme de distribution du courrier pour espérer repartir avec leur dû. Une solution temporaire, en espérant que La Poste parvienne à adapter ses horaires de passage pour contourner ceux des trafiquants…
L’exaspération des habitants
Au-delà du cas particulier de la tour Auguste Renoir, c’est tout le quartier du Prézégat qui est gangrené par les violences liées à la drogue. Les habitants assistent impuissants à la dégradation de leur cadre de vie et vivent dans la peur au quotidien. Scènes de deal à ciel ouvert, bagarres, menaces… Leur tranquillité est durablement perturbée et beaucoup n’osent même plus mettre le nez dehors.
Les dealeurs ne se cachent même plus. Ils contrôlent les entrées et les sorties, on se fait interpeller dès qu’on passe la porte de l’immeuble. C’est devenu invivable !
Une riveraine excédée
Un sentiment d’abandon et de ras-le-bol prédomine chez les riverains, qui ont le sentiment que les pouvoirs publics ont baissé les bras face à l’ampleur du trafic. Malgré les opérations de police à répétition, le supermarché de la drogue continue de prospérer à deux pas des écoles et des commerces. De quoi faire douter de la capacité des autorités à reprendre le contrôle et à faire respecter l’ordre républicain.
Un signal d’alarme pour les autorités
Le choix de La Poste de se retirer d’une zone de non-droit sonne comme un véritable aveu d’échec pour la puissance publique. Quand un service aussi essentiel et symbolique que le courrier jette l’éponge, il y a urgence à agir. C’est tout le modèle social français et la cohésion nationale qui vacillent sur l’autel des petits caïds de la drogue.
Les élus et responsables locaux, interpellés par ce cri d’alarme, se trouvent au pied du mur. Il est grand temps de remettre ces quartiers sur le droit chemin, en combinant actions de fermeté contre les trafiquants et initiatives en faveur de l’éducation et de l’emploi pour les jeunes. Tout doit être mis en œuvre pour démanteler ces zones de deal et restaurer la sécurité et la qualité de vie des habitants.
L’urgence est là, sous peine de voir le fossé se creuser encore davantage entre une République aux abonnés absents et des pans entiers de son territoire livrés à la loi des caïds. La rupture du lien social provoquée par le trafic de drogue n’a que trop duré. Il est impératif de redonner du sens et de la dignité à ces quartiers oubliés, grâce à une mobilisation générale impliquant l’État, les collectivités, les associations et les citoyens. Sinon, l’embrasement guette.