C’est une première depuis près d’une décennie. Selon des informations obtenues par une source proche du dossier, le budget 2025 de France Télévisions, approuvé par son conseil d’administration, sera déficitaire de 41,2 millions d’euros. Une situation inédite pour le groupe audiovisuel public, qui n’avait plus connu de budget dans le rouge depuis 9 ans. Cette annonce suscite de vives inquiétudes quant à l’avenir de France Télévisions et sa capacité à remplir ses missions de service public dans un contexte financier tendu.
Une baisse historique des ressources publiques
À l’origine de ce déficit, une réduction drastique des ressources publiques allouées à France Télévisions. Par rapport au budget 2024, l’enveloppe versée par l’État accuserait une baisse de 36 millions d’euros. Et comparé aux prévisions du contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 signé avec l’État, le manque à gagner atteindrait même 86 millions d’euros. Une diminution sans précédent qui met en péril l’équilibre financier du groupe.
Cette coupe budgétaire intervient dans un contexte déjà difficile pour France Télévisions, confronté comme l’ensemble des médias à une érosion de ses recettes publicitaires. Celles-ci devraient chuter de 68 millions d’euros en 2025, après une année 2024 dopée par les Jeux Olympiques de Paris. Au total, le chiffre d’affaires prévisionnel du groupe reculerait ainsi de 104 millions d’euros par rapport à 2024.
Vers une remise en cause des missions de service public ?
Face à cette équation budgétaire complexe, la direction de France Télévisions assure vouloir préserver « ses missions essentielles d’information, de présence dans les territoires et de soutien à la création audiovisuelle et cinématographique ». Mais dans les faits, des arbitrages douloureux ont déjà été actés. Le groupe a annoncé une réduction de ses effectifs, un contrôle strict de sa masse salariale ainsi qu’une coupe dans les dépenses de programmes et les investissements.
Au total, plus de 60 millions d’euros d’économies sont programmées pour 2025. Un effort « extrêmement rigoureux » et « inédit », de l’aveu même de France Télévisions, qui risque de peser sur la qualité et la diversité des programmes proposés aux téléspectateurs. Certains craignent une remise en cause progressive des missions de service public, au profit d’une logique plus commerciale focalisée sur l’audience à tout prix.
Avec un budget en déficit et des coupes drastiques, c’est le modèle même de l’audiovisuel public à la française qui vacille. Télévisions et radios risquent d’être contraintes de revoir leurs ambitions à la baisse, au détriment de la création, du pluralisme et de la proximité avec les citoyens.
Un expert du secteur audiovisuel
L’incertitude sur le financement de l’audiovisuel public
Au-delà de France Télévisions, c’est tout le secteur de l’audiovisuel public qui s’inquiète de son avenir financier. Depuis la suppression de la redevance en 2022, son financement repose sur un prélèvement direct de l’État, soumis aux aléas budgétaires et aux arbitrages politiques. Une situation précaire qui fait peser un risque sur l’indépendance et la pérennité des différents groupes publics (Radio France, France Médias Monde, Arte…).
Des voix s’élèvent pour réclamer la mise en place rapide d’un nouveau modèle de financement, plus stable et prévisible. Mais malgré les promesses du gouvernement, aucune piste concrète ne semble émerger. La réforme de l’audiovisuel public, maintes fois annoncée, reste au point mort. Et la perspective des Jeux Olympiques de Paris en 2024, qui devait donner un nouvel élan au secteur, a finalement été éclipsée par les difficultés budgétaires.
Quel avenir pour France Télévisions ?
Dans ce climat d’incertitude, l’avenir de France Télévisions semble plus que jamais en suspens. Malgré les efforts et les réformes engagés ces dernières années, le groupe peine à trouver un nouveau souffle et à s’adapter aux bouleversements du paysage audiovisuel. Concurrencé par les plateformes de streaming, fragilisé par la baisse de ses ressources, il doit réinventer en profondeur son modèle et son positionnement.
Les prochains mois s’annoncent décisifs pour la direction de France Télévisions. Elle devra faire preuve d’inventivité et d’audace pour reconquérir les téléspectateurs, tout en composant avec des moyens réduits. Un défi immense qui nécessitera des choix stratégiques forts et sans doute douloureux. Mais c’est aussi une opportunité historique de repenser la télévision publique, ses missions et son rôle dans la société française du 21e siècle.