Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par des cris : « Cours, l’eau arrive ! » En quelques minutes, tout ce que vous avez construit disparaît sous une vague de boue. C’est ce qu’ont vécu des milliers d’habitants du nord de Sumatra ces derniers jours.
Une catastrophe qui laisse des cicatrices invisibles
La pluie a cessé, mais le cauchemar, lui, continue. Les eaux se retirent lentement et dévoilent un paysage de désolation absolue. Des villages entiers recouverts d’une épaisse couche de boue brunâtre, des maisons éventrées, des routes coupées. Et surtout, des familles brisées.
Le dernier bilan officiel fait état de 593 morts et 468 disparus. Un chiffre qui donne le vertige et qui risque encore de s’alourdir tant certaines zones restent inaccessibles.
Rosmina et l’instinct de survie
Rosmina n’a qu’un seul nom, comme beaucoup en Indonésie. Elle raconte avec une voix encore tremblante comment elle a dû fuir sa maison en pleine nuit.
« Allez, cours, cours, les eaux arrivent ! » m’a crié un voisin. J’ai pris mon enfant dans les bras et j’ai couru. L’eau nous arrivait déjà aux genoux.
Aujourd’hui, elle patauge dans ce qui reste de sa maison. La boue lui monte jusqu’aux genoux. Elle cherche désespérément quelques vêtements, une petite armoire, n’importe quoi qui pourrait encore servir. Elle finit par abandonner.
« Ma maison est détruite », lâche-t-elle simplement. Son seul espoir : que l’État vienne en aide aux sinistrés.
Un déluge comparé à un tsunami
À Aceh Est, Zamzami, 33 ans, décrit des flots « irrésistibles, comme une vague de tsunami ». Les habitants de son village ont dû grimper sur le toit d’un marché aux poissons à deux étages pour échapper à la montée des eaux.
Aujourd’hui, ils nettoient la boue à la main. Pas d’électricité, pas de réseau téléphonique, et surtout pas d’eau potable.
« Les enfants commencent à avoir de la fièvre et il n’y a pas de médicaments », confie-t-il.
Une situation sanitaire qui devient critique jour après jour.
Des familles qui vivaient déjà au jour le jour
Dans l’ouest de Sumatra, Jumadilah s’est réfugié avec plusieurs centaines de personnes dans une école de Padang. Comme beaucoup, il vendait des boulettes de viande grillées pour nourrir sa famille.
« Nous ne gagnons qu’un salaire journalier », explique-t-il. Pas d’épargne possible. Quand la catastrophe frappe, il ne reste rien.
Ces inondations touchent principalement des paysans, des employés agricoles, des petits commerçants. Des gens modestes qui n’avaient déjà presque rien.
Plus d’un demi-million de personnes déplacées
Le chiffre est vertigineux : plus de 500 000 habitants ont dû quitter leur domicile. Des dizaines de milliers de maisons sont end, endommagées ou complètement détruites.
Dans un centre d’hébergement temporaire du nord d’Aceh, Misbahul Munir, 28 ans, tente de garder espoir.
« Nous avons beaucoup de raisons d’être reconnaissants. Ailleurs, beaucoup de gens sont morts »
Mais quand il parle de sa maison réduite à néant, les larmes coulent. « Il ne me reste que les vêtements que je porte sur moi ».
Une réponse gouvernementale sous le feu des critiques
Le président Prabowo Subianto s’est rendu sur place lundi matin. Il a promis que l’aide arriverait « immédiatement » et que c’était la priorité absolue.
Pourtant, il refuse toujours de déclarer l’état d’urgence national. Une décision qui interroge, surtout quand on sait qu’il s’agit de la catastrophe naturelle la plus meurtrière depuis le séisme et le tsunami de 2018 aux Célèbes, qui avait fait plus de 2 000 morts.
Des navires et des hélicoptères militaires ont été déployés pour atteindre les zones isolées. Mais pour beaucoup de sinistrés, l’aide arrive trop lentement.
Un traumatisme qui va durer des années
Au-delà des dégâts matériels, c’est tout un tissu social qui a été déchiré. Des enfants qui ont vu leurs maisons emportées, des parents qui ont perdu un enfant, des voisins disparus.
Les survivants décrivent tous la même scène : l’eau qui monte à une vitesse terrifiante, les cris dans la nuit, la fuite dans le noir.
Ce genre de traumatisme ne s’efface pas avec la boue séchée. Il reste gravé, des années durant.
Et maintenant ?
La reconstruction va prendre des mois, voire des années. Mais avant même de penser à rebâtir, il faut survivre au quotidien : trouver de l’eau potable, soigner les malades, nourrir les enfants.
Les regards sont tournés vers le gouvernement, mais aussi vers la solidarité internationale. Car face à une catastrophe de cette ampleur, chaque geste compte.
Rosmina, Zamzami, Jumadilah, Misbahul… Ils n’ont plus de maison, plus d’objets, parfois plus de famille. Mais ils ont encore l’espoir. Un espoir fragile, trempé dans la boue, mais tenace.
Ils n’ont plus rien, sauf cette force incroyable de ceux qui ont tout perdu et qui continuent malgré tout à avancer, un pas après l’autre, dans la boue.
Ces inondations à Sumatra nous rappellent cruellement que derrière chaque chiffre, il y a une histoire. Une mère qui court avec son enfant. Un père qui regarde sa maison s’effondrer. Une communauté entière qui doit tout recommencer.
Et nous, de l’autre côté de l’écran, nous pouvons au moins témoigner. Partager. Ne pas oublier.









