L’Espagne est sous le choc après les terribles inondations qui ont frappé le pays le 29 octobre dernier, faisant au moins 227 morts selon le dernier bilan. Mais alors que le pays peine à se relever de cette tragédie, c’est une vive polémique sur la gestion de crise par les autorités qui occupe désormais le devant de la scène, avec en toile de fond des enjeux politiques nationaux et européens.
Une Catastrophe d’une Ampleur Inédite
Les pluies diluviennes qui se sont abattues ce jour-là dans le sud-est de l’Espagne, notamment dans la région de Valence, ont provoqué des crues soudaines et des glissements de terrain dévastateurs. Des villes et des villages entiers ont été submergés par les eaux, piégeant les habitants chez eux. Les images de maisons éventrées, de voitures emportées par les flots et de sauvetages périlleux ont fait le tour du monde, témoignant de la violence des éléments.
Selon des sources officielles, cet épisode d’une intensité inouïe pourrait amputer la croissance espagnole de 0,2 point selon la banque centrale. Mais au-delà des dégâts matériels colossaux, ce sont les pertes humaines qui marquent les esprits. Avec 227 morts et de nombreux disparus, ces inondations figurent parmi les catastrophes naturelles les plus meurtrières qu’ait connu le pays.
Une Gestion de Crise Vivement Critiquée
Très vite, la question de la gestion de l’alerte et des secours s’est posée. Les autorités régionales et nationales se sont rejeté la responsabilité, s’accusant mutuellement d’avoir failli dans la prévention et l’organisation des secours. Des critiques relayées par de nombreux sinistrés, qui dénoncent des failles dans l’anticipation du drame et des moyens de secours insuffisants.
En Espagne, pays très décentralisé, la gestion des catastrophes relève en premier lieu de la responsabilité des régions. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement central, chargé de l’alerte via son agence météorologique, d’être pris pour cible. Notamment par Carlos Mazon, le président de la région de Valence, région la plus touchée. Ce dernier, issu du Parti Populaire (droite), a minimisé la portée de l’alerte rouge émise par l’agence le jour du drame.
Au cours des cinq dernières années, une seule alerte sur 400 concernant de fortes pluies et un risque d’inondation a été émise au niveau rouge.
Teresa Ribera, ministre de la Transition écologique
Une interprétation fermement rejetée par la ministre de la Transition écologique Teresa Ribera. Face aux députés, elle a défendu le travail des services de l’État, insistant sur la pertinence de cette alerte rouge, « la plus élevée » et « la plus adaptée » à la situation. Accusant en creux la région d’avoir failli dans la gestion de ces alertes.
Enjeux Politiques en Toile de Fond
Au-delà des échanges d’invectives, cette polémique a pris une tournure politique. Au niveau national d’abord, dans le contexte d’une pré-campagne électorale tendue entre le Parti Socialiste (PSOE) au pouvoir et le Parti Populaire (PP) dans l’opposition. Le débat s’est ensuite déplacé à Bruxelles, où la candidature de Teresa Ribera au poste de commissaire européen est actuellement bloquée par la droite. Les députés européens du PP conditionnent en effet leur soutien à des explications de sa part sur la gestion de la crise.
Une politisation de la catastrophe dénoncée par le Premier ministre Pedro Sanchez, pour qui l’attitude du PP relève de « l’incrédulité ». Tandis que le chef du PP Feijóo appelle le gouvernement à trouver un autre candidat, se disant prêt à assumer « toutes les conséquences » d’un vote contre Ribera au Parlement européen.
Prévenir les Catastrophes de Demain
Au-delà des polémiques, cette tragédie soulève la question cruciale de la prévention des risques naturels dans un contexte de dérèglement climatique. Comme l’a souligné Teresa Ribera, des épisodes météorologiques extrêmes comme celui-ci sont appelés à se multiplier. Un constat qui appelle une réponse collective, au-delà des clivages politiques.
Malheureusement, dans le nouveau scénario climatique, la prévision est que des épisodes de cette envergure cessent d’être exceptionnels et qu’ils se produisent plus fréquemment.
Teresa Ribera, ministre de la Transition écologique
Face à ce défi, le gouvernement promet des investissements massifs dans la prévention des risques et la résilience des territoires. Mais il appelle aussi à une prise de conscience collective et à une responsabilisation de tous les acteurs, des autorités locales aux citoyens en passant par les entreprises. Car c’est dès aujourd’hui qu’il faut agir pour éviter les drames de demain.
Ces inondations meurtrières auront en tout cas marqué les esprits en Espagne. Au-delà du choc et de l’émotion, elles laisseront sans doute des traces durables dans le débat public et obligeront les responsables politiques à se saisir pleinement de l’enjeu climatique. Une prise de conscience douloureuse, mais plus que jamais nécessaire.