Imaginez-vous dans un marché japonais, où le sac de riz que vous achetiez hier coûte soudainement le double. Ce n’est pas une fiction : en juin 2025, l’inflation au Japon, bien que ralentissant, reste un sujet brûlant, porté par une hausse spectaculaire des prix du riz. Ce phénomène, combiné à une pression politique croissante avant les élections sénatoriales, secoue l’archipel et met le gouvernement face à des choix critiques.
Une Inflation Toujours Présente, Mais en Ralentissement
En juin 2025, l’inflation au Japon, mesurée par l’indice des prix à la consommation hors produits frais, a atteint 3,3 % sur un an. Ce chiffre, bien qu’en baisse par rapport aux 3,7 % de mai, dépasse encore largement l’objectif de 2 % fixé par la Banque du Japon (BoJ). Les économistes, qui tablaient sur une hausse de 3,4 %, ont été surpris par ce ralentissement plus marqué que prévu. Pourtant, un autre indicateur, l’inflation hors énergie et produits frais, s’est accéléré à 3,4 %, contre 3,3 % en mai, signalant une pression persistante sur les prix.
Ce contexte économique complexe est aggravé par des facteurs spécifiques, notamment l’envolée spectaculaire du prix du riz, qui a bondi de 99,2 % sur un an en juin. Ce phénomène, rarement vu depuis un demi-siècle, illustre les défis auxquels le Japon est confronté, tant sur le plan économique que politique.
Le Riz, Symbole d’une Crise Alimentaire
Le riz, aliment de base de la culture japonaise, est au cœur des préoccupations. En juin, son prix a presque doublé par rapport à l’année précédente, après une hausse de 101 % en mai. Cette flambée est attribuée à plusieurs facteurs :
- Conditions climatiques extrêmes : La récolte de 2023 a souffert de chaleurs record, réduisant les rendements.
- Demande accrue : Les achats paniques, déclenchés par des alertes sur un possible mégaséisme, ont dopé la demande.
- Spéculation : Certains négociants stockent du riz pour maximiser leurs profits à long terme.
- Contexte global : Le renchérissement des produits importés et un tourisme record ont accentué la pression sur les prix.
Pour contrer cette crise, les autorités ont libéré une partie des stocks stratégiques de riz, mais cette mesure n’a pas suffi à enrayer la hausse. Le riz reste un sujet brûlant, non seulement pour les ménages, mais aussi pour la campagne électorale.
Un Gouvernement sous Pression Avant les Élections
Le Premier ministre Shigeru Ishiba, à la tête d’un gouvernement minoritaire depuis octobre 2024, traverse une période délicate. L’inflation persistante alimente le mécontentement populaire, et les élections sénatoriales du 20 juillet 2025 pourraient être un tournant. La coalition au pouvoir, composée du Parti libéral-démocrate (PLD) et de son allié Komeito, risque de perdre sa majorité à la chambre haute, ce qui pourrait pousser Ishiba vers la démission.
« L’inflation persistante exacerbe le mécontentement contre le gouvernement, rendant les élections cruciales. »
Pour apaiser les tensions, Ishiba a multiplié les mesures de soutien : prolongation des subventions énergétiques, aides au logement, et distribution de chèques de 20 000 yens (environ 120 dollars) par citoyen. Ces initiatives, bien que populaires, peinent à compenser l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat.
Les Facteurs de l’Inflation : Au-delà du Riz
Si le riz domine les discussions, d’autres produits alimentaires, comme les fruits et la viande, contribuent également à l’inflation. Les factures d’électricité et de gaz, bien que moins dynamiques, continuent de peser sur les budgets des ménages. Cependant, un facteur clé du ralentissement de l’inflation en juin est la baisse des prix de l’énergie, soutenue par la reprise des subventions à l’essence.
Abhijit Surya, analyste chez Capital Economics, explique :
« Le principal facteur du ralentissement de l’inflation en juin est le net recul des prix énergétiques, qui reflète la reprise des subventions aux achats d’essence. »
À Tokyo, la suppression des redevances sur l’eau a également eu un effet modeste mais notable. Ces mesures montrent une volonté des autorités de juguler l’inflation, mais elles restent insuffisantes face à la hausse généralisée des prix alimentaires.
La Banque du Japon Face à un Dilemme
La Banque du Japon (BoJ) se trouve dans une position délicate. Après des années de politique monétaire ultra-accommodante, elle a entamé un resserrement de ses taux en mars 2024 pour contrer l’inflation. Cependant, face aux incertitudes liées à la guerre commerciale avec les États-Unis, la BoJ a opté pour le statu quo lors de ses dernières réunions.
Le Japon subit les conséquences de surtaxes douanières américaines : 25 % sur l’automobile et 50 % sur l’acier, avec la menace d’une surtaxe supplémentaire de 25 % sur toutes ses exportations, suspendue jusqu’à début août. Ces tensions commerciales compliquent les décisions de la BoJ, qui doit équilibrer la lutte contre l’inflation et la protection de l’économie nationale.
Facteurs | Impact sur l’inflation |
---|---|
Prix du riz | Hausse de 99,2 % sur un an |
Prix de l’énergie | Ralentissement grâce aux subventions |
Produits alimentaires | Hausse notable (fruits, viande) |
Guerre commerciale | Pression sur les exportations japonaises |
Abhijit Surya reste optimiste quant à une reprise du resserrement monétaire : « Il existe des arguments convaincants pour que la BoJ relève ses taux plus tard cette année. » Cependant, il note que les négociations commerciales avec les États-Unis pourraient retarder cette décision jusqu’en 2026.
Un Changement de Paradigme pour le Japon
Longtemps habitué à une inflation nulle, voire négative, le Japon fait face à un changement structurel. Depuis avril 2022, l’indice des prix à la consommation hors produits frais dépasse systématiquement les 2 %. Ce nouveau paradigme oblige les autorités à repenser leurs stratégies économiques et sociales.
Pour les ménages, la hausse des prix, notamment du riz, est un défi quotidien. Les subventions et aides gouvernementales, bien que bienvenues, ne compensent pas pleinement la perte de pouvoir d’achat. Pour les entreprises, les surtaxes américaines pèsent sur les exportations, tandis que les négociants profitent de la spéculation sur le riz pour maximiser leurs marges.
Vers un Avenir Incertain
À l’approche des élections sénatoriales, l’inflation et la crise du riz dominent les débats. Shigeru Ishiba, affaibli par les revers électoraux de l’automne 2024, joue sa survie politique. Une perte de la majorité à la chambre haute pourrait marquer la fin de son mandat, ouvrant la voie à une période d’instabilité politique.
Sur le plan économique, la BoJ doit naviguer entre des pressions inflationnistes internes et des incertitudes externes. La guerre commerciale avec les États-Unis, combinée à la hausse des prix alimentaires, crée un environnement complexe où chaque décision aura des répercussions majeures.
En attendant, les Japonais continuent de faire face à des prix en hausse, avec un sac de riz devenu le symbole d’une crise économique et sociale plus large. La question reste ouverte : le gouvernement et la BoJ parviendront-ils à stabiliser la situation avant que le mécontentement ne s’amplifie davantage ?
Points clés à retenir :
- L’inflation japonaise ralentit à 3,3 % en juin 2025, mais reste au-dessus de l’objectif de la BoJ.
- Le prix du riz a presque doublé, exacerbé par des conditions climatiques et des spéculations.
- Le gouvernement d’Ishiba, sous pression, risque de perdre sa majorité aux élections sénatoriales.
- La BoJ hésite à resserrer sa politique monétaire face aux tensions commerciales avec les États-Unis.
Ce contexte, mêlant défis économiques et enjeux politiques, place le Japon à un tournant décisif. Les prochaines semaines seront cruciales pour déterminer si le pays peut surmonter cette crise ou s’il s’enfoncera dans une instabilité accrue.