Dans un contexte international tendu, une ombre plane sur l’avenir de l’industrie automobile européenne. À quelques jours de l’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les constructeurs du Vieux Continent retiennent leur souffle. Et pour cause, le futur locataire de la Maison Blanche a brandi à plusieurs reprises la menace d’une hausse drastique des droits de douane sur les produits européens. Un scénario catastrophe pour un secteur déjà fragilisé.
L’appel à la raison des constructeurs européens
Face à ce risque, les acteurs majeurs de l’automobile en Europe tirent la sonnette d’alarme. Réunis lors du salon de l’auto de Bruxelles, ils ont lancé un appel solennel à l’Union européenne. Leur message est clair : tout doit être mis en œuvre pour « éviter un conflit commercial » avec Washington. Un tel affrontement pourrait en effet « faire souffrir considérablement » le secteur, comme l’a souligné Ole Källenius, le patron de Mercedes et nouveau président de l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA).
Si les déclarations belliqueuses de Donald Trump inquiètent, les industriels veulent toutefois croire en la voie de la négociation. « Il y a eu des déclarations », mais « la nouvelle administration (américaine) prend ses fonctions la semaine prochaine », a ainsi tempéré M. Källenius. L’heure est donc à la diplomatie, comme en témoigne le courrier adressé par l’ACEA à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, exhortant l’UE à « tenter d’éviter un conflit commercial potentiel ».
Des marchés ouverts, un impératif pour l’industrie
Pour les constructeurs européens, l’équation est simple : « Plus les marchés sont libres et ouverts, mieux c’est pour l’industrie automobile européenne ». Un principe martelé par Ole Källenius, en mentionnant notamment les États-Unis et la Chine, deux marchés clés pour les exportations. La dépendance est forte : pour Mercedes par exemple, le marché américain pesait environ 15% de ses ventes mondiales de voitures en 2024.
Dans ce contexte, une guerre commerciale aurait des conséquences désastreuses. Outre la hausse des prix pour les consommateurs, c’est toute la chaîne de valeur qui serait impactée, des usines aux concessionnaires en passant par les équipementiers. Un coup dur pour un secteur déjà sous pression.
Le défi de la transition écologique
Car au-delà des tensions commerciales, l’industrie automobile européenne doit aussi faire face à l’immense défi de la transition écologique. Bruxelles a fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec à la clé de lourdes amendes en cas de non-respect. Une épée de Damoclès que les constructeurs voudraient voir disparaître.
L’UE « ne peut pas se contenter d’avoir des objectifs sur le papier et d’être très rigide. Il faut s’adapter aux conditions du monde réel »
Sigrid de Vries, directrice générale de l’ACEA
Pour l’heure, le marché des voitures électriques peine à décoller en Europe, malgré les efforts des constructeurs. Plutôt que des sanctions, ces derniers réclament des mesures d’accompagnement pour faciliter la transition. Un message martelé par Sigrid de Vries dans une interview, où elle évoque un risque « existentiel » pour l’industrie alors que plusieurs constructeurs ont déjà annoncé des suppressions d’emplois massives sur le continent.
Bruxelles appelée à la flexibilité
Face à cette situation préoccupante, la Commission européenne semble encline à tendre l’oreille. Ursula von der Leyen a promis une concertation prochaine avec le secteur pour évoquer ces enjeux cruciaux. Le commissaire européen à la stratégie industrielle, le Français Stéphane Séjourné, était lui à Stuttgart ce jeudi pour un « moment d’écoute » avec la filière automobile allemande.
Mais du côté des ONG environnementales, c’est l’inquiétude qui domine. Elles redoutent un détricotage des mesures du Pacte vert européen (« Green Deal ») adopté sous le précédent mandat. Un pas en arrière qui serait catastrophique au moment où l’urgence climatique n’a jamais été aussi pressante.
Un avenir sous haute tension
Pour l’industrie automobile européenne, l’heure est donc à la mobilisation tous azimuts. Entre la menace d’une guerre commerciale avec les États-Unis et le défi existentiel de la transition écologique, les nuages s’amoncellent à l’horizon. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour ce fleuron industriel du Vieux Continent, pris en étau entre des enjeux économiques, sociaux et environnementaux souvent contradictoires.
Plus que jamais, c’est l’avenir d’un secteur clé en Europe qui se joue. Un secteur qui pèse des millions d’emplois et qui a façonné des pans entiers de nos économies et de nos territoires. Un secteur aussi qui se doit d’évoluer en profondeur pour relever le défi climatique, sous peine de se voir marginalisé. Le pari est immense, et il faudra sans doute conjuguer fermeté sur les objectifs et flexibilité sur les moyens pour le réussir.
Une chose est sûre : dans ce dossier comme dans tant d’autres, c’est bien l’Europe unie et solidaire qui sera la clé. Face aux géants américains et asiatiques, les constructeurs du Vieux Continent n’ont d’autre choix que de resserrer les rangs et de parler d’une seule voix. Un impératif vital pour peser dans la compétition mondiale et façonner un avenir durable pour l’industrie automobile européenne.