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Inde : Expulsions Controversées vers le Bangladesh

L'Inde expulse des centaines de personnes vers le Bangladesh, mais ces pratiques sont-elles légales ? Les droits humains sont-ils bafoués ? Lisez pour comprendre...

Imaginez-vous arraché à votre maison, conduit de force à une frontière marécageuse, et sommé de ramper vers un pays que vous ne connaissez pas. C’est la réalité vécue par des centaines de personnes en Inde, expulsées vers le Bangladesh dans des conditions dénoncées comme inhumaines et illégales. Ces expulsions, menées sous l’égide d’un gouvernement nationaliste, soulèvent des questions brûlantes sur les droits humains, la discrimination ethnique et les relations diplomatiques dans la région. Plongeons dans cette crise complexe, où politique, identité et humanité s’entremêlent.

Une Vague d’Expulsions Controversées

Depuis plusieurs semaines, l’Inde procède à des expulsions massives de personnes considérées comme des immigrants illégaux vers le Bangladesh voisin. Les autorités indiennes, notamment dans l’État d’Assam, ont confirmé avoir expulsé environ 300 individus, mais des estimations non officielles suggèrent que ce chiffre pourrait atteindre 2 500 personnes. Ces opérations, menées avec une rapidité et une fermeté déconcertantes, ont suscité l’indignation des défenseurs des droits humains, qui dénoncent des pratiques contraires au droit international.

Le Bangladesh, de son côté, affirme avoir reçu plus de 1 600 expulsés depuis mai. Cependant, les autorités bangladaises ont renvoyé une centaine d’entre eux, arguant qu’ils étaient citoyens indiens. Cette situation met en lumière un problème majeur : l’absence de coordination entre les deux pays et l’illégalité de ces expulsions, qui violent les conventions internationales sur les droits des migrants.

Un Contexte Politique Chargé

Au pouvoir depuis 2014, le gouvernement indien, dirigé par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), a fait de la lutte contre l’immigration clandestine une priorité. Cette politique, portée par le Premier ministre Narendra Modi et son ministre de l’Intérieur Amit Shah, vise particulièrement les migrants en provenance du Bangladesh. Certains responsables du BJP n’ont pas hésité à utiliser un langage déshumanisant, qualifiant les Bangladais de « termites » ou d’« infiltrés ». Ce discours, chargé de connotations ethniques, alimente un climat de peur, notamment parmi la minorité musulmane indienne, qui représente environ 200 millions de personnes.

« Les musulmans sont terrifiés. Le gouvernement a nourri la peur existentielle de millions de citoyens. »

Harsh Mander, défenseur des droits humains

Dans des régions comme l’Assam, où la langue bengalie est largement parlée, les musulmans sont particulièrement ciblés. Les défenseurs des droits humains, comme Harsh Mander, accusent le gouvernement de mener une « campagne idéologique » fondée sur la haine et la discrimination. Cette rhétorique nationaliste, exacerbée par des événements récents, semble avoir des conséquences dramatiques pour les populations vulnérables.

Un Déclencheur : l’Attentat de Pahalgam

La vague d’expulsions a pris une ampleur particulière après l’attentat de Pahalgam, survenu le 22 avril 2025 dans la région du Cachemire indien. Cette attaque, qui a coûté la vie à 26 civils, a été attribuée par l’Inde à des groupes soutenus par le Pakistan, bien que ce dernier nie toute implication. Cet événement a ravivé les tensions entre les deux puissances nucléaires, entraînant en mai des affrontements militaires parmi les plus graves depuis 1999.

Dans la foulée de cet attentat, les autorités indiennes ont intensifié leur traque des suspects, procédant à des milliers d’arrestations à travers le pays. Cette répression s’est accompagnée d’expulsions massives, souvent sans distinction claire entre les personnes impliquées dans des activités criminelles et celles simplement soupçonnées d’être des migrants illégaux. Cette réponse sécuritaire a amplifié les craintes d’une stigmatisation systématique des populations musulmanes et bengalophones.

Témoignages de l’Inhumanité

Les récits des expulsés sont poignants. Rahima Begum, une femme d’une cinquantaine d’années vivant en Assam, affirme être citoyenne indienne. Pourtant, elle a été arrêtée, détenue plusieurs jours, puis conduite à la frontière. « J’ai vécu ici toute ma vie. Mes parents et mes grands-parents aussi », raconte-t-elle. Forcée de ramper dans un marais boueux sous la menace des armes, elle a finalement été renvoyée en Inde par les autorités bangladaises, qui ont reconnu sa nationalité indienne.

« Ils nous ont montré un village au loin et ordonné de ramper jusque-là. Ils nous ont dit : ‘N’essayez pas de vous mettre debout et de marcher, sinon on vous abat.’ »

— Rahima Begum

Un autre témoignage, celui de Nazimuddin Mondal, un maçon de 35 ans, illustre l’arbitraire de ces expulsions. Arrêté à Bombay, il a été transporté dans un avion militaire jusqu’à l’État frontalier du Tripura, avant d’être expulsé au Bangladesh. « Les forces de sécurité nous ont frappés à coups de matraque lorsque nous leur avons dit que nous étions indiens », explique-t-il. Malgré la présentation de sa carte d’identité, il n’a pas été écouté.

Une Pratique Illégale

Les défenseurs des droits humains sont unanimes : ces expulsions violent le droit international. Selon Sanjay Hegde, avocat spécialisé dans les droits humains, « vous ne pouvez pas expulser des gens sans qu’ils ne soient acceptés par le pays d’accueil ». Cette absence de coordination avec le Bangladesh, combinée à l’absence de preuves de la non-citoyenneté des expulsés, rend ces pratiques illégales. De plus, de nombreux expulsés sont des citoyens indiens, souvent issus de communautés vulnérables comme les travailleurs agricoles saisonniers.

Dans des États comme le Gujarat, dirigé par le BJP, plus de 6 500 personnes ont été arrêtées récemment, selon les autorités locales. Ces opérations ciblent souvent les musulmans bengalophones, perçus comme des « intrus » dans le discours nationaliste. Cette politique, selon les ONG, s’inscrit dans une logique de discrimination systématique, où l’appartenance ethnique et religieuse prime sur les droits fondamentaux.

Tensions Diplomatiques avec le Bangladesh

Les relations entre l’Inde et le Bangladesh se sont considérablement dégradées depuis la révolution de 2024, qui a renversé l’ex-Première ministre Sheikh Hasina, une alliée de New Delhi. Ce changement de régime a fragilisé les liens diplomatiques, rendant la gestion des expulsions encore plus complexe. Le Bangladesh, débordé par l’arrivée de ces expulsés, a protesté contre ces pratiques unilatérales, renvoyant certains d’entre eux en Inde.

Cette crise met en lumière un paradoxe : alors que l’Inde cherche à renforcer son contrôle sur l’immigration, elle risque d’aggraver ses relations avec un voisin stratégique. Le Bangladesh, confronté à ses propres défis politiques et économiques, n’est pas en mesure d’absorber un afflux massif de personnes, surtout lorsque leur citoyenneté indienne est avérée.

Les Conséquences Humaines

Les expulsions ont des répercussions profondes sur les populations concernées. Outre la violence physique et psychologique subie lors des arrestations et des transferts, les expulsés font face à une incertitude juridique. Beaucoup, comme Rahima Begum ou Nazimuddin Mondal, se retrouvent déracinés, sans accès à leurs droits fondamentaux. Les familles sont parfois séparées, et les communautés locales vivent dans la peur d’être les prochaines cibles.

Région Nombre d’Expulsions Confirmées Estimations Non Officielles
Assam 300 Jusqu’à 2 500
Gujarat 6 500 arrestations Non précisé
Bangladesh (total reçu) 1 600 Non précisé

Vers une Crise Humanitaire ?

La situation actuelle soulève des interrogations sur l’évolution de cette crise. Si les expulsions se poursuivent à ce rythme, elles pourraient aggraver les tensions régionales et provoquer une crise humanitaire à la frontière indo-bangladaise. Les organisations de défense des droits humains appellent à une intervention internationale pour garantir le respect des conventions sur les droits des migrants et des citoyens.

En parallèle, la stigmatisation des minorités musulmanes en Inde risque de renforcer les divisions sociales et d’alimenter un cercle vicieux de méfiance et de violence. Les récits des expulsés, marqués par la peur et l’injustice, rappellent l’urgence d’une réflexion sur les politiques migratoires et leur impact sur les droits fondamentaux.

Que Faire pour Restaurer la Justice ?

Face à cette situation, plusieurs pistes d’action émergent :

  • Respect du droit international : Les expulsions doivent être coordonnées avec le pays d’accueil et respecter les procédures légales.
  • Protection des minorités : Les autorités indiennes doivent garantir que les citoyens indiens, notamment les musulmans bengalophones, ne soient pas ciblés de manière discriminatoire.
  • Dialogue diplomatique : L’Inde et le Bangladesh doivent travailler ensemble pour gérer les flux migratoires et clarifier la situation des expulsés.
  • Sensibilisation : Les organisations de défense des droits humains doivent continuer à alerter l’opinion publique sur les abus en cours.

Ces mesures, bien que complexes à mettre en œuvre, sont essentielles pour apaiser les tensions et restaurer un climat de confiance. La situation actuelle, marquée par l’arbitraire et la peur, ne peut perdurer sans conséquences graves.

En conclusion, les expulsions massives menées par l’Inde vers le Bangladesh révèlent des failles profondes dans la gestion des migrations et des droits humains. Au-delà des chiffres, ce sont des vies brisées, des familles déchirées et des communautés stigmatisées. Cette crise, à la croisée de la politique, de l’identité et de l’humanité, nous rappelle l’importance de défendre la dignité de chaque individu, quelle que soit son origine ou sa religion. Que fera l’Inde pour corriger le tir ? L’avenir nous le dira.

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