Imaginez tenir entre vos mains un crâne humain vieux de plus de 4 000 ans, portant les cicatrices d’une intervention chirurgicale… C’est exactement ce qu’ont vécu des chercheurs en examinant deux crânes de l’Égypte antique, qui se sont avérés appartenir à certains des plus anciens patients atteints de cancer connus de l’Histoire !
Des crânes porteurs de secrets médicaux millénaires
Une équipe internationale de scientifiques a étudié deux crânes provenant de la célèbre Collection Duckworth de l’Université de Cambridge. Grâce à des techniques d’imagerie médicale de pointe comme la micro-tomographie et l’analyse microscopique de surface osseuse, ils ont pu percer certains secrets de ces vestiges humains fascinants :
- Le crâne masculin, daté entre 2 687 et 2 345 avant notre ère, présentait une importante lésion cancéreuse entourée d’une trentaine de métastases, mais surtout, d’étonnantes traces de découpes chirurgicales !
- Le crâne féminin, plus récent (663 à 343 av. J.-C.), montrait lui aussi une grosse tumeur cancéreuse ayant rongé l’os, signe probable d’un âge avancé de la patiente.
Lorsque nous avons observé pour la première fois les marques de découpe au microscope, nous n’en croyions pas nos yeux !
– Tatiana Tondini, chercheuse à l’Université de Tübingen (Allemagne)
Les balbutiements de la chirurgie oncologique dans l’Antiquité
Si la médecine égyptienne antique était réputée très avancée pour son époque, avec des traitements élaborés pour de nombreux maux (fractures, prothèses, soins dentaires…), le cancer représentait manifestement encore un défi de taille. Malgré tout, les incisions minutieuses observées sur le crâne masculin témoignent d’une volonté des praticiens de l’époque d’explorer des pistes thérapeutiques face à cette pathologie mystérieuse.
Un jalon important dans l’histoire de la médecine
Pour le Dr Albert Isidro, chirurgien oncologue à l’Hôpital Universitaire Sagrat Cor de Barcelone et co-auteur de l’étude, cette découverte représente une avancée cruciale dans notre compréhension de l’histoire médicale :
Il semblerait que les anciens Égyptiens aient tenté une forme d’intervention chirurgicale en lien avec la présence de cellules cancéreuses, et ce il y a plus de 4 000 ans. C’est une preuve unique de la manière dont la médecine égyptienne antique aurait cherché à appréhender ou traiter le cancer à cette époque reculée.
– Dr Albert Isidro
Même si ces tentatives paraissent rudimentaires avec nos connaissances actuelles, elles démontrent l’ingéniosité et la soif de connaissance qui animaient déjà les médecins de l’Antiquité. À leur manière, avec les moyens de l’époque, ils ont cherché à repousser les limites de leur art et à soulager leurs patients. Une belle leçon d’humanité et de courage qui résonne encore aujourd’hui.
Des pistes pour mieux comprendre l’histoire du cancer
Au-delà de leur intérêt historique, ces crânes ouvrent de nouvelles perspectives dans notre compréhension de l’évolution du cancer à travers les âges. Comme le souligne Tatiana Tondini :
Nous voulions en savoir plus sur le rôle du cancer dans le passé, sur la prévalence de cette maladie dans l’Antiquité et sur la façon dont les sociétés anciennes interagissaient avec cette pathologie.
– Tatiana Tondini
Cette étude ouvre ainsi la voie à de futures recherches passionnantes. En croisant les données archéologiques, paléopathologiques et historiques, les scientifiques pourront peu à peu reconstituer le puzzle complexe de ce fléau qu’est le cancer, et qui touche l’humanité depuis des millénaires. Un combat de longue haleine dans lequel chaque découverte compte, qu’elle date d’hier ou d’il y a 4000 ans !
Alors la prochaine fois que vous visiterez un musée d’archéologie, prenez le temps de vous pencher sur ces crânes énigmatiques… Vous y verrez peut-être les prémices de notre médecine moderne, et un témoignage poignant de la longue lutte de l’Homme contre la maladie, par-delà les siècles.