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Incident Aérien Explosif entre Chine et Japon : Washington Réagit

Des J-15 chinois verrouillent leur radar sur des chasseurs japonais près d’Okinawa. Washington accuse Pékin de déstabiliser la région. Mais la Chine parle d’intrusion… Et si la prochaine étincelle mettait le feu aux poudres en Indo-Pacifique ?

Imaginez-vous à 20 000 pieds au-dessus de la mer de Chine orientale. Deux chasseurs se font face, l’un arbore l’étoile rouge, l’autre le soleil levant. Soudain, un bip strident retentit dans le cockpit japonais : le radar de tir ennemi vient de les verrouiller. En quelques secondes, la situation passe d’une patrouille de routine à un incident qui fait trembler tout l’Indo-Pacifique.

C’est exactement ce qui s’est produit samedi dernier près d’Okinawa. Et les réactions en chaîne n’ont pas tardé.

Un verrouillage radar qui met le feu aux poudres

Le scénario est désormais bien rodé mais reste extrêmement dangereux. Des chasseurs J-15 embarqués sur le porte-avions chinois Liaoning ont, à deux reprises, illuminé avec leur radar de contrôle de tir des appareils japonais évoluant dans l’espace aérien international.

Pour un pilote, se faire « lock » par un radar de tir n’est pas anodin. Cela signifie que l’adversaire est techniquement prêt à ouvrir le feu. Même si personne ne pense sérieusement que la Chine allait abattre un avion japonais ce jour-là, le message est clair : Pékin veut montrer qu’elle contrôle ces eaux et ce ciel.

Tokyo n’a pas apprécié. Le ministère japonais de la Défense a immédiatement fait décoller des renforts et convoqué l’ambassadeur chinois. Mais surtout, le Japon a obtenu un soutien immédiat et sans ambiguïté de son grand allié.

Washington monte au créneau sans attendre

Dès le mercredi suivant, le département d’État américain a publié une déclaration cinglante : « Les actions de la Chine ne favorisent pas la paix et la stabilité régionales ».

« L’alliance États-Unis-Japon est plus forte et plus unie que jamais. Notre engagement envers notre allié japonais est indéfectible »

Porte-parole du département d’État américain

Le message est limpide. Washington ne se contente plus de déclarations de principe : elle désigne nommément Pékin comme responsable de la montée des tensions et rappelle que l’article 5 du traité de sécurité nippo-américain s’appliquerait en cas d’agression.

Et pour ceux qui en douteraient encore, les États-Unis ont précisé être « en contact étroit » avec Tokyo sur cet incident et sur tous les autres sujets de sécurité régionale.

Pékin retourne l’accusation : « Les Japonais nous harcèlent »

Comme à chaque fois, la Chine propose une lecture radicalement différente des faits.

Selon Guo Jiakun, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, les avions japonais auraient « pénétré sans autorisation dans la zone d’entraînement chinoise » et procédé à des « reconnaissances et harcèlements à courte distance ».

En clair : pour Pékin, ce sont les Japonais qui sont venus provoquer le Liaoning dans une zone où il menait des exercices parfaitement légitimes. Le verrouillage radar ? Une réponse proportionnée face à une menace immédiate.

Cette version des faits est difficile à vérifier de manière indépendante. Mais une chose est sûre : la Chine considère désormais la majeure partie de la mer de Chine orientale comme son terrain de jeu exclusif.

Le fantôme de Taïwan plane sur l’incident

Cet incident ne sort pas de nulle part. Il intervient un mois à peine après les déclarations explosives de la Première ministre japonaise Sanae Takaichi.

Interrogée sur une éventuelle attaque chinoise contre Taïwan, Mme Takaichi avait laissé entendre que le Japon pourrait intervenir militairement aux côtés des États-Unis. Une position qui a fait bondir Pékin, lequel considère Taïwan comme une province rebelle.

Depuis, la pression militaire chinoise n’a fait qu’augmenter autour de l’archipel japonais des Senkaku (que Pékin revendique sous le nom de Diaoyu) et dans tout l’espace aérien entre Taïwan et Okinawa.

Le message est limpide : si Tokyo veut jouer un rôle dans la défense de Taïwan, il devra d’abord gérer la menace à ses portes.

Moscou s’invite à la fête avec des bombardiers nucléaires

Et comme si la situation n’était pas assez tendue, la Russie a décidé de participer à la démonstration de force.

Mardi, deux bombardiers stratégiques Tu-95 Bear (capables d’emporter des armes nucléaires) ont décollé de Sibérie pour rejoindre deux bombardiers chinois H-6 au-dessus de la mer du Japon, avant d’effectuer une patrouille conjointe autour de l’archipel japonais.

Le Japon a dû faire décoller en urgence ses chasseurs pour escorter cette formation inhabituelle. La Corée du Sud a également signalé des intrusions dans sa zone d’identification de défense aérienne.

Depuis 2019, ces patrouilles russo-chinoises se répètent régulièrement. Mais leur fréquence et leur audace augmentent clairement.

L’OTAN sort de l’Atlantique

Le plus remarquable est peut-être la réaction européenne.

Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a qualifié l’incident de « regrettable » lors d’un échange avec le ministre japonais de la Défense, Shinjiro Koizumi.

« La sécurité dans les régions indopacifique et euro-atlantique est totalement indissociable »

Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN

Cette phrase marque un tournant. L’OTAN, historiquement centrée sur l’Atlantique Nord, reconnaît officiellement que la sécurité de l’Europe est liée à celle de l’Asie. En clair : une guerre en Indo-Pacifique aurait des conséquences directes sur le Vieux Continent.

Pourquoi cet incident est plus grave qu’il n’y paraît

Derrière les communiqués et les protestations diplomatiques, plusieurs éléments inquiètent particulièrement les experts :

  • Le porte-avions Liaoning opère de plus en plus loin et de plus en plus souvent près des îles japonaises
  • Les verrouillages radar se multiplient, augmentant le risque d’erreur ou d’escalade
  • La coordination militaire sino-russe atteint un niveau jamais vu depuis la Guerre froide
  • Les déclarations politiques (Taïwan, Senkaku) radicalisent les positions
  • Les alliés occidentaux (USA, Japon, OTAN, Corée du Sud) resserrent leurs rangs

Tous les ingrédients d’une crise majeure sont réunis.

Et l’histoire montre que les grandes guerres commencent souvent par des incidents apparemment mineurs : un bateau dans le golfe du Tonkin, un archiduc à Sarajevo, un drone abattu dans le détroit d’Ormuz…

Aujourd’hui, c’est un verrouillage radar au-dessus de la mer de Chine orientale.

Demain ?

À retenir : Cet incident n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une stratégie chinoise d’affirmation progressive de sa domination régionale, face à une alliance américano-japonaise qui refuse de céder du terrain. Avec la Russie en guest star et l’OTAN qui sort de sa zone de confort, la partie d’échecs géopolitique vient de passer au niveau supérieur.

La question n’est plus de savoir si la tension va continuer à monter. Elle est de savoir jusqu’où.

Et surtout, qui commettra la première erreur.

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