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Incendie Hong Kong : 151 Morts et Censure en Ligne

151 morts dans l’incendie le plus meurtrier à Hong Kong depuis 1980. Alors que les recherches se poursuivent dans les tours calcinées, les autorités arrêtent ceux qui critiquent en ligne et parlent de « désinformation ». Jusqu’où ira la répression ?

Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par une odeur âcre de plastique brûlé. En quelques minutes, votre appartement de 30 étages devient un four. C’est ce qu’ont vécu des milliers d’habitants de Wang Fuk Court, à Tai Po, le mercredi précédent. L’incendie, d’une violence rare, a déjà coûté la vie à 151 personnes.

Le bilan le plus lourd depuis quarante-cinq ans

Le feu s’est déclaré en plein après-midi dans ce complexe résidentiel de huit tours de 31 étages. Très vite, les flammes ont gagné les échafaudages en bambou et les filets de protection installés pour des travaux de rénovation. Ces matériaux, pourtant courants à Hong Kong, se sont révélés catastrophiques face à l’incendie.

Les pompiers, débordés, ont lutté pendant des heures. Lundi, les recherches dans les décombres continuaient encore : appartements calcinés, couloirs noircis, escaliers effondrés. Chaque nouvelle découverte alourdissait le bilan. De 146, le nombre de victimes confirmées est passé à 151.

Pour les spécialistes, il s’agit de l’incendie d’immeuble résidentiel le plus meurtrier dans le monde depuis 1980, hors catastrophes dans des lieux fermés comme les boîtes de nuit ou les prisons.

Des matériaux qui n’auraient jamais dû être là

L’attention se porte évidemment sur la rénovation en cours. Le complexe, toujours habité, était entouré d’échafaudages traditionnels en bambou et de filets censés retenir la poussière et les débris.

Des prélèvements effectués à sept endroits différents ont parlé d’eux-mêmes : les filets de protection ne respectaient pas les normes de résistance au feu. Un responsable gouvernemental l’a reconnu publiquement. Le doute n’est plus permis : ces équipements ont probablement accéléré la propagation fulgurante des flammes.

« Les échantillons collectés ne répondaient pas aux normes de résistance au feu »

Eric Chan, haut responsable du gouvernement de Hong Kong

À Hong Kong, l’usage du bambou pour les échafaudages reste une pratique ancestrale, rapide et peu coûteuse. Mais face à un incendie, ce matériau devient une torche géante. Le drame relance brutalement le débat sur la sécurité des chantiers dans une ville où l’espace manque et où la pression immobilière est extrême.

La colère monte, la censure tombe

Très vite, la stupeur a cédé la place à la colère. Comment une telle catastrophe a-t-elle pu se produire ? Qui porte la responsabilité ? Des habitants, des familles endeuillées, des citoyens ordinaires ont voulu des réponses.

Une pétition en ligne lancée par un étudiant de 24 ans, Miles Kwan, a recueilli plus de 10 000 signatures en moins de vingt-quatre heures. Elle exigeait des explications claires et une enquête indépendante. Quelques heures plus tard, la pétition disparaissait purement et simplement du web.

Puis Miles Kwan a été arrêté. On l’a vu quitter un commissariat en taxi, sans pouvoir s’exprimer. Treize autres personnes, douze hommes et une femme, ont également été interpellées dans le cadre de l’enquête sur l’incendie… ou sur autre chose.

« Désinformation » : le mot qui justifie tout

Lundi, le ton des autorités est devenu glacial. Le secrétaire à la Sécurité, Chris Tang, a déclaré devant la presse avoir constaté « des commentaires inexacts » publiés ces derniers jours sur internet.

« Certaines personnes aux motivations inavouées cherchent à mettre en danger la sécurité de Hong Kong et la sécurité nationale en pratiquant la désinformation »

Chris Tang, chef de la sécurité de Hong Kong

Le message est limpide : critiquer la gestion du drame, poser des questions trop insistantes, relayer des témoignages peut désormais être interprété comme une menace à la sécurité nationale. Et justifier des « mesures appropriées », y compris policières.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale en 2020, imposée par Pékin après les grandes manifestations pro-démocratie de 2019, ce type de discours est devenu habituel. Toute parole jugée subversive peut être criminalisée.

Un traumatisme qui dépasse le seul incendie

Pour beaucoup d’habitants, ce drame cumule deux peurs : celle du feu, brutale et immédiate, et celle de ne plus pouvoir parler librement de ce qui arrive dans leur propre ville.

Des familles pleurent encore leurs proches disparus dans les flammes. Des rescapés racontent l’horreur des couloirs remplis de fumée noire, les cris, l’impuissance. Et pendant ce temps, poser la question des responsabilités devient risqué.

Le souvenir des manifestations de 2019 reste vif. Des millions de personnes étaient descendues dans la rue pour défendre leurs libertés. Aujourd’hui, beaucoup se demandent si exprimer sa douleur ou sa colère publiquement n’est pas devenu un acte de courage… ou de folie.

Que nous dit ce drame sur Hong Kong en 2025 ?

En quelques jours, l’incendie de Wang Fuk Court a révélé plusieurs failles profondes :

  • Une sécurité incendie encore trop laxiste dans certains chantiers.
  • L’usage de matériaux dangereux par souci d’économie ou de rapidité.
  • Un contrôle croissant de l’information et de la parole publique.
  • La peur, diffuse mais réelle, de voir toute critique assimilée à une atteinte à la sécurité nationale.

Le bilan humain est déjà terrible. Mais les séquelles, elles, pourraient durer des années. Entre la douleur des familles et la méfiance grandissante envers les institutions, Hong Kong traverse une nouvelle épreuve.

Et pendant que les tours calcinées de Tai Po fument encore, la question reste suspendue : jusqu’où la ville pourra-t-elle pleurer ses morts sans avoir le droit de demander pourquoi ?

À retenir
151 personnes ont perdu la vie dans l’incendie le plus meurtrier à Hong Kong depuis des décennies.
Les filets de protection du chantier ne respectaient pas les normes anti-feu.
Les autorités menacent de réprimer la « désinformation » en ligne.
Un étudiant à l’origine d’une pétition a été arrêté ; la pétition a été supprimée.

Le silence, parfois, pèse plus lourd que les flammes.

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