Malgré sa condamnation à 14 ans de prison pour corruption vendredi dernier, l’ex-Premier ministre pakistanais Imran Khan n’a pas dit son dernier mot. L’homme de 72 ans, figure controversée mais populaire de la politique pakistanaise, compte bien effectuer un retour triomphal et reprendre les rênes du pays. Son parcours semé d’embûches et ponctué de revirements témoigne d’une volonté inflexible de s’imposer comme l’homme providentiel dont le Pakistan aurait besoin.
Une ascension politique tumultueuse
Lancé en politique en 1996 avec son parti, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), Imran Khan doit cependant attendre 2018 pour accéder au poste de Premier ministre. Ancien champion de cricket adulé, il séduit alors par ses promesses de réformes sociales, de lutte contre la corruption et par son conservatisme religieux affiché, dans un pays très majoritairement musulman. Fort du soutien initial de l’armée, institution toute-puissante au Pakistan, il pense son heure venue.
Mais les relations avec l’establishment militaire se dégradent rapidement. Jusqu’à la rupture brutale en 2022, quand une motion de censure le chasse du pouvoir. Depuis, Imran Khan n’a de cesse de défier ce qu’il qualifie « d’État profond », allant jusqu’à accuser l’armée d’avoir fomenté une tentative d’assassinat contre lui fin 2022, dont il réchappe blessé.
Une popularité qui ne se dément pas
Visé par une avalanche de poursuites judiciaires, Imran Khan conserve malgré tout une forte aura auprès d’une partie de la population. Son parti caracole en tête des sondages et ses meetings attirent des foules immenses. Pour nombre de Pakistanais, excédés par la corruption endémique et la mainmise des deux grandes dynasties politiques sur le pays, il incarne le seul espoir d’un renouveau.
Sa condamnation à 14 ans de prison n’y change rien. Depuis sa cellule, il continue à haranguer ses troupes, rejetant tout compromis avec le pouvoir en place. Une intransigeance qui force le respect de ses partisans les plus fervents, prêts à en découdre dans la rue pour exiger sa libération, comme en novembre dernier à Islamabad, même si la démonstration de force s’achève sans concessions.
Un bilan et une personnalité clivants
Mais le « capitaine », comme le surnomment affectueusement ses fans, ne fait pas l’unanimité. Son bilan comme Premier ministre reste controversé, entre dérive autoritaire et gestion économique calamiteuse. Sa rhétorique populiste et va-t-en-guerre, ses penchants complotistes inquiètent une frange de l’opinion, qui pointe son rôle dans la polarisation extrême de la société pakistanaise.
Même son aura d’incorruptible s’effrite, avec les affaires qui s’accumulent, visant aussi bien ses proches que sa personne. La condamnation de vendredi, l’une des plus lourdes jamais prononcées contre lui, marque sans doute un tournant. Si ses soutiens les plus indéfectibles y voient la preuve de son statut de martyr, d’autres commencent à douter.
Quel avenir politique pour Imran Khan ?
Malgré ce revers, Imran Khan n’a pas l’intention de renoncer. Fort de sa popularité toujours vive, il compte bien peser sur les élections générales prévues en fin d’année, même s’il n’est plus éligible. Selon certains experts, des négociations de coulisses seraient en cours avec l’armée pour permettre un retour en grâce, peut-être au prix de concessions.
Mais même acculé, Imran Khan n’est pas homme à se rendre sans combattre. Lui qui aime à se présenter en capitaine inflexible, prêt à « se battre jusqu’à la dernière balle » ne devrait pas s’avouer vaincu. L’histoire tourmentée de la politique pakistanaise a montré que bien des dirigeants avaient pu revenir en selle après avoir été jetés en prison. L’ancien champion de cricket compte bien transformer l’essai, une nouvelle fois.