En Espagne, la décision controversée du gouvernement de gauche de pérenniser une taxe exceptionnelle sur les banques et les entreprises énergétiques a déclenché une vive opposition parmi les grands groupes concernés. Cette mesure fiscale, instaurée initialement pour financer des aides au pouvoir d’achat suite à la guerre en Ukraine, devait être temporaire. Mais son maintien menace désormais des investissements jugés cruciaux pour la transition écologique du pays.
Un impôt devenu source de discorde
Entrée en vigueur en janvier 2023, cette surtaxe exceptionnelle a rapporté près de 2,86 milliards d’euros à l’État espagnol cette année. Elle devait s’appliquer durant deux ans, jusqu’à fin 2024. Mais dans le cadre d’un accord de coalition avec le parti d’extrême-gauche Sumar, le gouvernement de Pedro Sánchez a décidé de la pérenniser, suscitant l’ire des entreprises touchées.
Plusieurs grands groupes, à l’instar de la banque Santander ou de l’énergéticien Iberdrola, dénoncent une mesure “discriminatoire” et “injustifiée”, qu’ils qualifient même d'”attaque” contre l’économie espagnole. Ils estiment que la situation a changé depuis l’instauration de cette taxe en période de flambée des taux d’intérêt et des prix de l’énergie, qui leur avait alors profité.
Des conséquences sur l’emploi et l’investissement ?
Face à cet “environnement défavorable”, certains acteurs majeurs ont d’ores et déjà annoncé un gel de leurs investissements. C’est le cas du géant pétrolier Repsol qui a suspendu tous ses projets liés à l’hydrogène vert en Espagne, craignant une fuite des capitaux vers d’autres pays. Une situation préoccupante alors que le gouvernement compte sur ces investissements privés pour réussir la transition énergétique du pays.
Des milliards d’euros vont être détournés vers d’autres pays.
Josu Jon Imaz, PDG de Repsol
D’autres dirigeants du secteur énergétique ont également brandi la menace d’un gel des investissements. Selon eux, l’Espagne pourrait perdre de précieuses opportunités à cause de cet impôt pérennisé. Des inquiétudes partagées par le Fonds monétaire international (FMI) qui, dans un rapport, avait prévenu qu’une telle mesure risquait de “décourager un investissement déjà faible”.
La transition écologique espagnole en péril ?
L’Espagne ambitionne de devenir un leader mondial des énergies renouvelables grâce à son Plan national intégré pour l’énergie et le climat (PNIEC). Ce dernier prévoit de mobiliser 308 milliards d’euros d’ici 2030, dont 252 milliards provenant du secteur privé, pour mener à bien la transition énergétique du pays. Un objectif ambitieux qui pourrait être compromis si les grands groupes mettent leurs menaces à exécution.
Face à cette levée de boucliers, le gouvernement se retrouve sous pression. Même le nouveau gouverneur de la Banque d’Espagne, pourtant ex-ministre de Pedro Sánchez, a appelé l’exécutif à revoir sa copie, craignant un impact négatif sur l’octroi de crédits aux PME. Une prise de position aussitôt critiquée par Sumar, le parti allié du gouvernement, qui souhaite le maintien de cette taxe en l’état.
Vers un compromis politique ?
Alors que le gouvernement peaufine son projet de loi, les opposants à cette taxe espèrent pouvoir compter sur le soutien de certains alliés de l’exécutif au Parlement, comme le parti indépendantiste catalan Junts per Catalunya, pour infléchir la position du gouvernement. En effet, sans la voix de ces députés, la coalition au pouvoir n’a pas de majorité pour faire adopter son texte.
Un bras de fer politique s’engage donc autour de cet impôt controversé. L’enjeu : trouver un équilibre entre la nécessité de financer la transition écologique et le besoin de maintenir un environnement fiscal attractif pour les investisseurs. Un défi de taille pour le gouvernement espagnol, qui devra faire preuve d’habileté pour sortir par le haut de cette confrontation et préserver ses ambitions environnementales.
Une chose est sûre : le dénouement de ce bras de fer aura un impact déterminant sur l’avenir énergétique de l’Espagne et sa capacité à tenir ses engagements climatiques. Les prochaines semaines s’annoncent donc décisives, avec l’espoir qu’un compromis puisse être trouvé dans l’intérêt de tous.