Une scène pour le moins inhabituelle s’est produite ce mardi 18 juillet après-midi au sein de l’Assemblée nationale. Lors du premier tour de l’élection du président de l’institution, de nombreux députés de gauche ont publiquement refusé de serrer la main de Flavien Termet, benjamin de l’hémicycle à seulement 22 ans et élu sous la bannière du Rassemblement national. Regards méprisants, sourires sarcastiques, remarques désobligeantes… Les élus de la NUPES n’ont pas manqué d’imagination pour signifier leur dédain envers le jeune homme. Un épisode surréaliste qui en dit long sur l’état de nervosité de la gauche française, mais aussi sur sa vieille tradition d’anti-politesse.
Quand la gauche dynamite les codes
Car ces incivilités assumées, brandies comme des étendards, ne sont pas nouvelles à gauche de l’échiquier politique. Déjà lors de la Révolution française de 1789, les Montagnards et les sans-culottes avaient fait de la rudesse une marque de fabrique. En imposant le tutoiement, en proscrivant certaines formules de politesse jugées trop aristocratiques, ils entendaient faire table rase du passé et de ses us raffinés. Une rupture brutale immortalisée par le célèbre tableau de Jacques-Louis David, Le Serment du Jeu de paume, où l’on voit les députés du Tiers-État, poings levés, faire fi du protocole.
Le spectre des bolcheviks
Un siècle plus tard, les bolcheviks russes reprendront le flambeau, en associant révolution politique et révolution des manières. Pour Lénine et les siens, la politesse est une convention bourgeoise qu’il convient d’abolir, au même titre que la propriété privée. Dans la Russie soviétique des années 1920, vouvoyer son interlocuteur devient suspect, tout comme porter une cravate. Les codes de la bienséance volent en éclats, prélude à une entreprise de tabula rasa.
L’Assemblée nationale, théâtre privilégié
Aujourd’hui, si les députés de la NUPES ne prônent pas (encore) l’abolition de la propriété privée, force est de constater qu’ils marchent dans les pas de leurs illustres prédécesseurs sur le plan des manières. À l’Assemblée nationale, les coups d’éclat se multiplient, entre invectives, rappels au règlement intempestifs et obstructions en tous genres. Un climat de tension permanent, où les incivilités sont légion, et fièrement revendiquées.
La politesse est une convention bourgeoise qu’il convient d’abolir, au même titre que la propriété privée.
Lénine
Briser les codes, au risque du chaos
Pourtant, comme le soulignait justement le professeur de droit Frédéric Rouvillois dans une récente tribune, cette posture de refus systématique des conventions n’est pas sans risque. Car en politique comme ailleurs, les règles de civilité ne sont pas qu’un vernis superficiel. Elles sont le socle du vivre-ensemble, le ciment sans lequel une société se délite. En piétinant allègrement les codes de la politesse républicaine, la gauche radicale joue avec le feu. Elle attise les braises de la discorde et de la guerre civile, rendant le dialogue impossible.
L’épisode du 18 juillet n’est donc pas anodin. En refusant une simple poignée de main à un adversaire politique, aussi détestable soit-il à leurs yeux, les élus de la NUPES ont franchi une ligne rouge. Celle de la déshumanisation de l’autre, préalable à tous les dérapages. Un cap dangereux, qui n’augure rien de bon pour l’avenir de notre démocratie. Car c’est peu dire que le nouveau monde dont ils se réclament ressemble furieusement à l’ancien, avec ses brutalités et ses excès. Un retour vers le futur dont on se serait bien passé.