ActualitésÉconomie

Immobilier en Espagne : Une Taxe Controversée pour les Acheteurs Étrangers

L'Espagne projette une taxe jusqu'à 100% pour les acheteurs immobiliers étrangers non-résidents de l'UE. Une mesure choc pour lutter contre la crise du logement, mais aux effets incertains. Découvrez les détails de cette proposition controversée et ses possibles répercussions sur le marché.

Face à la crise du logement qui sévit en Espagne, le gouvernement envisage des mesures fortes pour réguler le marché immobilier. Parmi elles, une proposition choc : taxer jusqu’à 100% les acquisitions de biens immobiliers par des étrangers non-résidents originaires de pays hors de l’Union européenne. Cette annonce du Premier ministre Pedro Sánchez soulève de nombreuses questions quant à son impact réel sur le secteur.

Une mesure symbolique aux effets limités

Si la portée symbolique de cette taxe est indéniable, ses conséquences concrètes restent difficiles à évaluer. En effet, selon les chiffres avancés par Pedro Sánchez lui-même, seuls environ 27 000 logements auraient été achetés en 2023 par des non-résidents hors UE, sur un total de plus de 638 000 transactions. Taxer lourdement ce segment du marché ne devrait donc pas bouleverser fondamentalement la donne.

D’après Joan Carles Amaro, professeur spécialisé dans l’immobilier à l’école de commerce Esade, « rendre plus difficile l’achat pour les non-Européens ne rendra pas automatiquement le logement moins cher, parce que le pourcentage d’achats provenant de ce public n’est pas très élevé ».

Des disparités régionales

Toutefois, la situation est contrastée selon les régions. Dans certaines zones très touristiques comme les Baléares, la région de Valence ou les Canaries, la part des achats réalisés par des étrangers atteint des niveaux records, dépassant les 30% des transactions. À l’inverse, dans la région de Madrid pourtant également touchée par la crise du logement, seuls 6,3% des biens sont acquis par des acheteurs étrangers.

Qui sont les principaux concernés ?

Parmi les acquéreurs étrangers, les Britanniques arrivent en tête avec 9,5% des transactions en 2023, suivis des Allemands (7,2%), des Français (6,7%), des Marocains (5,4%) et d’autres ressortissants européens. Les citoyens de l’UE seraient de fait exclus des mesures envisagées par le gouvernement espagnol. En ligne de mire : les investisseurs extra-européens, notamment ceux bénéficiant jusqu’à présent des « Golden visas » octroyés en échange d’un investissement immobilier de 500 000 euros minimum, un dispositif que l’Espagne projette d’abandonner.

S’inspirer d’exemples étrangers

Pour justifier sa proposition, Pedro Sánchez invoque des systèmes similaires mis en place au Danemark et au Canada pour préserver l’accès au logement de leurs résidents. Au Canada, l’achat de biens immobiliers par des étrangers non résidents est purement et simplement interdit jusqu’en 2027, tandis qu’au Danemark il est soumis à des conditions drastiques de résidence préalable dans le pays.

Un scepticisme des professionnels

Du côté des acteurs du secteur immobilier, les réactions sont mitigées. Bernd Kunze, agent immobilier à Majorque, doute que cette loi aide réellement les citoyens espagnols, qui selon lui « ont besoin d’espaces bon marché à louer ». Joan Carles Amaro abonde : « Du côté du propriétaire ou du promoteur qui vend ces logements à ces acheteurs, je ne pense pas qu’ils se diront : puisque je ne vais pas pouvoir le vendre à un non-européen, je vais le mettre en location abordable ».

Inquiétudes chez les Britanniques

Outre-Manche aussi, l’annonce espagnole inquiète. Selon Richard Donnell du site immobilier Zoopla, environ 100 000 retraités britanniques seraient installés en Espagne. Pour l’avocat Stephen Abletshauser, au-delà de compliquer leurs projets d’achat, cette taxe draconienne pourrait préfigurer « des taxes supplémentaires sur les propriétaires immobiliers déjà en Espagne, en particulier ceux qui ne sont pas de l’UE ».

Si elle est adoptée, cette mesure coup de poing soulèvera sans nul doute de nombreux débats. Son efficacité réelle pour endiguer la crise du logement et rendre l’accession à la propriété plus accessible aux Espagnols reste cependant à démontrer. Une certitude : le gouvernement de Pedro Sánchez est déterminé à explorer toutes les pistes, aussi symboliques et controversées soient-elles.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.